Zéro artificialisation des sols : une douce utopie ?

Territoires
03 octobre 2019

DÉCRYPTAGE. Avec 3,1 millions d’hectares de terres artificialisées, la France dépasse la moyenne européenne, selon France Stratégie. Alors qu’un retour en arrière par la renaturation semble peu viable économiquement, d’autres pistes pourraient être explorées pour viser l’objectif zéro artificialisation nette prévu par le plan biodiversité présenté en juillet 2018, explique Julien Fosse, rapporteur.

Un million d’espèces animales et végétales sont aujourd’hui menacées d’extinction selon le dernier rapport de la Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Un « déclin sans précédent », auquel participe largement l’artificialisation des terres : l’étalement urbain et les constructions diffuses détruisent les habitats naturels, et les continuités écologiques nécessaires à la faune sauvage pour circuler. Il devient donc urgent de freiner l’artificialisation des terres et d’en renaturer certaines lorsque c’est possible. C’est l’ambition portée par l’objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) inscrit au plan présenté par le gouvernement à l’été 2018.

L’ARTIFICIALISATION DES SOLS, C’EST QUOI ?

L’artificialisation se définit comme « tout processus impliquant une perte d’espaces naturels, agricoles ou forestiers (Enaf), conduisant à un changement d’usage et de structure des sols ». « Mais elle est “un objet encore mal caractérisé”. Car les moyens de mesure sont très hétérogènes, allant de l’interprétation d’images prises par satellite à l’analyse des données du cadastre, sans jamais tenir compte des infrastructures de transport. De là des chiffrages variés et sous-estimés du processus », explique Julien Fosse, rapporteur de l’étude.

QUELLE AMPLEUR ?

Selon les sources, le taux moyen d’artificialisation pour la France varie de 16 000 à 61 000 ha par an. « Les données convergent en revanche pour montrer que, en France, l’artificialisation est supérieure à la moyenne européenne et qu’elle augmente plus rapidement que la population, insiste Julien Fosse. Mais en retenant comme définition “tout processus impliquant une perte d’Enaf, conduisant à un changement d’usage et de structure des sols”, nous estimons à 20 000 ha la surface des terres artificialisées chaque année en France, en moyenne entre 2006 et 2016, hors infrastructures de transport. »

QUELLES CONSÉQUENCES DE L’ARTIFICIALISATION DES SOLS ?

Selon la Fondation pour la recherche pour la biodiversité (FRB), un million d’espèces animales et végétales est aujourd’hui menacé d’extinction. L’artificialisation détruit les habitats naturels et les continuités écologiques nécessaires à la faune sauvage pour circuler, augmente le ruissellement des eaux et donc les risques d’inondation, et empêche la séquestration de CO2. À tous ces phénomènes, s’ajoute la pollution des sols et de l’eau par des substances toxiques d’origine industrielle, de types pesticides, composants organiques, métaux lourds…

POURQUOI L’ARTIFICIALISATION DES SOLS AUGMENTE SI VITE ?

Il y a bien sûr le facteur démographique. « Mais l’augmentation du nombre de ménages (+ 4,2 millions depuis 1999) n’explique pas à elle seule le grignotage progressif des espaces naturels », souligne Julien Fosse. En effet, l’artificialisation a augmenté de 70 % depuis 1981, celle de la population… de 19 %. Pour le rapporteur de l’étude, les causes sont multiples. D’abord, les ménages affichent une nette préférence pour l’habitat individuel, ce qui favorise l’étalement urbain. Ensuite, on comptabilise près d’une trentaine de taxes qui s’appliquent aux terrains urbanisables. « Ces taxes constituent des sources de financement importantes pour les collectivités locales. Par exemple, la taxe foncière c’est 41 Md en 2017 », explique le rapporteur. Et à ces instruments fiscaux, s’ajoutent des politiques de soutien au logement – dispositif Pinel, prêt à taux zéro – visant à soutenir l’activité du secteur immobilier, l’accession à la propriété et le renouvellement urbain. Enfin, autre facteur aggravant : la sousexploitation du bâti existant (logements et bureaux vides) et par le développement des résidences secondaires occupées de manière intermittente.

OBJECTIF ZÉRO ARTIFICIALISATION : UN LEURRE ?

Atteindre l’objectif « zéro artificialisation nette » dès 2030 nécessiterait de réduire de 70 % l’artificialisation brute et de renaturer 5 500 ha de terres artificialisées par an. Une perspective qui suppose “des mesures ambitieuses” », avertit l’organisme d’études rattaché au Premier ministre. Et Pourtant, si aucune mesure n’est prise, ce sont 280 000 ha d’espaces naturels supplémentaires qui seront artificialisés d’ici 2030, soit un peu plus que la superficie du Luxembourg pour comparaison. « Un scénario tendanciel catastrophique », estime Julien Fosse qui a utilisé, pour parvenir à ce résultat, un modèle économétrique développé par le Commissariat général au développement durable (CGDD).

QUELLES SOLUTIONS ?

« Il faut commencer par collecter les données fiables sur l’artificialisation et le coût de la renaturation, et mettre en place une gouvernance dédiée. Fusionner les missions de la Commission départementale d’aménagement commercial et de la Commission départementale de préservation des espaces naturels permettrait, par exemple, de créer un “conseil départemental de lutte contre l’artificialisation des terres” ouvert à l’ensemble des parties prenantes concernées et chargé de la délivrance des autorisations d’artificialisation. Il faut également miser sur des mesures permettant de densifier davantage les nouvelles constructions. En la matière, la fixation de densités de construction minimales dans les plans locaux d’urbanisme (PLU) semble la plus prometteuse. Les politiques de soutien au logement neuf devraient, par ailleurs, être réservées aux constructions sur des zones déjà artificialisées. Enfin, l’artificialisation résiduelle devrait s’accompagner d’opérations de renaturation. » Des mesures envisageables à condition de revoir les règles d’urbanisme.

Danièle Licata

Paroles de maires

RCL
Question :
Un maire, donc OPJ, peut-il l’être en dehors de sa commune ?
Réponses :
Non, il est élu OPJ sur sa commune.
Tous les pouvoirs du Maire en tant que représentant de l'Etat ne lui sont octroyés que sur son territoire.
Non uniquement dans la commune où il est élu maire.

Inscrivez-vous dès maintenant sur le groupe Facebook Paroles de Maires pour obtenir des informations quotidiennes sur l'actualité de vos missions.

Copyright © 2022 Link Media Group. Tous droits réservés.
arrow-right