La procédure de fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim (68) est engagée, avec un arrêt pour 2020. C’est un nouveau modèle énergétique et économique que le Haut-Rhin devra inventer pour préserver son attractivité. Explications avec Brigitte Klinkert, présidente du département.
RCL : Quelles sont les conséquences de la fermeture de la centrale pour le département avec un arrêt du réacteur n° 1 le 22 février et du réacteur n° 2 le 30 juin ?
Brigitte Klinkert : La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim est un grand défi pour l’avenir de notre département. Ce sont plus de 2 000 emplois qui sont en jeu tout comme les équipements publics mis en place par les communes autour de Fessenheim, qu’il s’agisse des logements, écoles, collèges ou commerces. Se pose aussi la question de l’approvisionnement en électricité pour le bassin industriel situé le long du Rhin, ainsi que la question de la compensation des pertes de recettes fiscales pour les collectivités locales. Cette perte représente pour le département 3,5 M par an et 14,3 M pour l’ensemble des collectivités.
Quelles pistes sont envisagées pour la reconversion du territoire ?
B. K. : Nous devons tourner la page du nucléaire et inventer un nouveau modèle à la fois énergétique et économique, pour garantir la fourniture de nos besoins en électricité avec un objectif : faire du Haut-Rhin le premier département uniquement alimenté en énergie propre. L’autre enjeu consiste à imaginer un nouveau modèle économique qui crée de nouveaux emplois en compensation de ceux qui étaient jusqu’alors pourvus par la centrale. L’innovation, mais aussi le pragmatisme et l’union des collectivités, de part et d’autre du Rhin, seront nécessaires pour réussir ce défi.
Quel est le nouveau modèle énergétique envisagé pour le département ?
B. K. : Un appel d’offres consacré uniquement à notre département a été lancé par l’État pour développer des plates-formes photovoltaïques, pour une puissance de 300 MW, en trois tranches, dont la première vient d’être validée par l’État. C’est un bon signal. Nous réfléchissons également à un certain nombre de pistes dans les domaines de la méthanisation, de la géothermie et de l’hydrogène. Notre nouveau modèle de transition énergétique comprend aussi un important volet consacré aux « économies d’énergie » que nous devons appliquer à tous les bâtiments publics comme privés. À ce titre, la performance énergétique des établissements scolaires, et notamment les collèges qui sont de notre compétence, figure parmi nos priorités.
Et les projets économiques ?
B. K. : Parmi les projets engagés, l’aménagement d’une zone économique binationale franco-allemande pour accueillir des entreprises, si possible dans le domaine de l’innovation et de l’innovation énergétique, sachant que les zones d’activités allemandes sont saturées. Donc une belle opportunité pour notre département d’accueillir de nouvelles entreprises. Une société d’économie mixte constituée d’acteurs français et allemands a été créée pour son développement. Le Haut- Rhin est un territoire dynamique qui a la chance d’avoir pour voisins le Land allemand du Bade-Wurtemberg et la Suisse du Nord-Est, qui comptent parmi les régions les plus dynamiques au niveau européen. Un atout indéniable puisque nous bénéficions de ce dynamisme dans le bassin de vie rhénan qui est le nôtre. Il est vrai, également, que la rigueur dans le travail est reconnue sur notre territoire. C’est un atout supplémentaire tout comme le bilinguisme, pour attirer les entreprises. Avec l’objectif que nous nous sommes fixé d’être le premier département uniquement alimenté par des énergies propres, c’est toute l’image du territoire que nous voulons changer et lui donner, encore plus qu’aujourd’hui, cette image d’innovation dans le domaine énergétique, mais aussi économique.
C’est également l’occasion pour le département, d’améliorer la mobilité transfrontalière…
B. K. : En effet, la réouverture de la ligne ferroviaire Colmar-Fribourg est l’autre projet phare de notre territoire. Le bassin de vie de Colmar (130 000 habitants), et Fribourg (230 000 habitants), côté allemand, sont distants de 40 km, mais ne disposent plus d’aucune liaison ferroviaire depuis près de trois quarts de siècle. La réouverture de la ligne permettra de mieux irriguer le territoire entre Colmar et le Rhin. Et facilitera ainsi l’implantation d’entreprises, mais aussi l’accès aux zones d’emplois actuelles et futures. C’est un projet qui avance bien puisque les études opérationnelles vont être lancées très prochainement.
La fermeture de Fessenheim est-elle une opportunité ?
B. K. : Moi-même et une grande partie de mes collègues du conseil départemental ne souhaitions pas la fermeture de la centrale, certes ancienne, mais qui répondait à toutes les normes de sécurité. C’est une décision politique prise par l’État. Le département prend cette décision comme un défi à réussir, et inventer un nouveau modèle énergétique et économique sur notre territoire. Nous espérons et demandons que l’État reste fortement à nos côtés.
Propos recueillis par Blandine Klaas
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