DÉCRYPTAGE. Nommé en septembre dernier président du Cercle français de l’eau, élu local depuis 1983, Thierry Burlot est aujourd’hui vice-président du conseil régional de Bretagne, chargé de l’environnement, l’eau, la biodiversité et le climat. Interviewé par RCL, il revient sur les grands enjeux de la politique de l’eau.
RCL : Pourquoi avez-vous accepté d’être président du Cercle français de l’eau (CFE) ?
Thierry Burlot : Je suis très attaché aux sujets liés à l’environnement, en général, et à l’eau, en particulier. Mon engagement en politique, au niveau local et régional, en témoigne. Je suis depuis de nombreuses années vice-président du conseil régional de Bretagne, chargé de l’environnement, l’eau, la biodiversité et le climat. Je me bats tous les jours pour améliorer la qualité de l’eau en Bretagne. L’autre raison est qu’en participant au Forum de l’eau à Dakar, j’ai pu constater que la France, qui est un modèle de gestion de l’eau reconnu, tendait à perdre de son crédit. Nous avons sur le territoire les meilleures entreprises, pourtant la France perd de sa notoriété. C’est du gâchis. Voilà pourquoi, j’ai accepté avec plaisir la présidence pour défendre notre système qui se fonde sur la concertation et la capacité d’agir au plus près des territoires. Lieu de réflexion et d’échanges commun entre acteurs français de l’eau, le CFE répond pleinement à cette attente. Nous allons apporter une réflexion nouvelle, construite collectivement avec nos partenaires, pour que la France retrouve son leadership.
Quel rôle la France joue-t-elle dans la politique européenne de l’eau ?
T. B. : Un rôle central. Mais elle doit réaffirmer son modèle de gestion collective par bassin. Et concernant la directive-cadre européenne, près de vingt ans après son adoption, il est nécessaire d’améliorer ce texte si nous voulons faciliter l’atteinte des objectifs fixés, tenir compte de la découverte de nouvelles substances polluantes dans les eaux et de l’évolution au plan mondial du contexte juridique.
Que pensez-vous d’un éventuel assouplissement de cette directive-cadre européenne ?
T. B. : Il faut maintenir le cap. N’oublions pas que c’est grâce à l’Union européenne que la prise de conscience sur la qualité de l’eau a émergé. Parce que les États seuls ont parfois manqué de vision sur le sujet. L’Europe a beaucoup apporté sur les questions environnementales et ce serait dommage que l’on revienne en arrière.
Que pensez-vous des grandes mesures qui ont émergé des Assises de l’eau ?
T. B. : Les 23 mesures présentées en juillet dernier par le ministère de la Transition écologique et solidaire pour faire face au dérèglement climatique qui affecte nos ressources en eau me semblent aller dans le bon sens. Sur le petit cycle de l’eau, la nécessité de poursuivre la modernisation du service publique est une bonne chose. Il faut travailler sur les fuites, les économies… Sur le grand cycle, on voit bien que le sujet reste complexe face au défi du changement climatique. La ressource en eau ne va plus être inépuisable. Il va falloir la gérer différemment. Il nous faudra créer de nouvelles solidarités et des liens entre politique agricole commune et reconquête de la qualité des eaux. Le droit à l’eau, c’est le droit au développement des territoires. Seul celui qui aura de l’eau de qualité pourra se développer
Et demain…
T. B. : La plus grande cause migratoire sera l’accès à l’eau. On parle déjà de 150 millions de migrants en 2050 dans le monde à cause du réchauffement climatique et du manque d’accès à l’eau. Et la France ne sera pas épargnée. Dans le bassin de Bretagne, on prévoit 30 % d’eau en moins en 2050. Ce qui veut dire que toutes les politiques agricoles vont devoir évoluer.
Pourquoi la France n’utilise-t-elle pas ses eaux usées ?
T. B. : C’est une des conclusions des Assises. Face à la raréfaction des ressources, elles ont permis d’ouvrir le débat sur la réutilisation des eaux usées.
Et les inondations…
T. B. : On a méprisé depuis des années les espaces naturels et leurs vertus au profit du bétonnage et de l’artificialisation des sols. Aujourd’hui, on redécouvre que les inondations sont de plus en plus fréquentes et de plus en plus violentes. Si on y ajoute le manque d’entretien des berges et des cours d’eau et l’augmentation du niveau de la mer, on aggrave davantage le phénomène.
Qui est responsable ?
T. B. : Tout le monde est responsable. Les maires, les départements, les régions l’État et les citoyens. Il est temps de reconsidérer la conservation de la ressource en eau.
Propos recueillis par Danièle Licata
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