Organiser et réglementer les livraisons devient crucial au moment où la reconquête des centres-ville constitue un enjeu pour beaucoup de municipalités, dans un contexte d’essor du e-commerce et de hausse du volume.
Nuisances sonores, congestion, pollution. Pour gérer efficacement le ballet incessant des camions de livraison de marchandises qui circulent en ville, les collectivités ont tout intérêt à intégrer cette question dans leurs politiques de déplacement et d’urbanisme. C’est l’objet d’une étude de l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar), intitulée La Mobilité des marchandises dans la ville durable, les nouveaux enjeux de l’action publique locale, publiée en novembre 2019, qui montre que les communes disposent d’outils réglementaires efficaces, mais que très peu d’entre elles en font usage. « La question des marchandises est peu intégrée, voire pas du tout dans les réglementations aussi bien sur le plan de la planification que sur le plan purement réglementaire dans les collectivités locales, et notamment au niveau communal », analyse Adeline Heitz, chercheuse à l’Ifsttar. Vingt villes françaises de toutes tailles ont été étudiées, parmi lesquelles Paris, Lyon (69), Marseille (13), Lens (62) ou encore Le Creusot (71). « Nous avons étudié pour ces villes les documents relatifs à la réglementation et aussi à la planification. Les arrêtés municipaux de la circulation et du stationnement, les plans locaux d’urbanisme (PLU), les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) et bien sûr les plans de déplacements urbains (PDU). À travers tous ces documents, nous avons essayé de voir quelle place était donnée aux marchandises dans la ville », poursuit-elle. Il apparaît que la question des marchandises est marginalisée. Tonnage, hauteur, longueur, largeur des véhicules : les critères utilisés pour réglementer l’accès et le stationnement des véhicules de marchandises dans la ville sont nombreux, mais largement insuffisants. « Les communes réglementent rarement le transport de marchandises à l’échelle de la commune entière. Le zonage (aire piétonne, centre-ville, zone centrale) reste largement privilégié. Les outils de réglementation servent au cas par cas, ce qui explique aussi la grande hétérogénéité entre les villes », peut-on lire dans le document. Conseiller municipal à Courbevoie (92), Jean-Philippe Elie explique une telle situation par un manque de connaissances et, sans doute, d’intérêt de la part des élus sur les questions de livraisons urbaines. « Ce n’est pas un sujet qui les passionne, contrairement aux problématiques de mobilité douce en ville. » La faute, selon lui, à la multitude de documents planificateurs trop compliquée à utiliser pour les élus locaux. D’où un problème d’appropriation des enjeux.
LES OUTILS À DISPOSITION
Et pourtant, tout un arsenal législatif mis en place depuis la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (Laure), en 1996, à l’origine de l’élaboration des PDU, offre une boîte à outils aux collectivités locales pour intégrer cette question des marchandises dans leurs politiques. Ce thème est également présent dans la loi d’orientation des mobilités (LOM), adoptée le 18 novembre 2019. « La zone à circulation restreinte (ZCR), rebaptisée “zone à faibles émissions” (ZFE), est un outil potentiel proposé dans la loi LOM, à la disposition des collectivités, pour désengorger les centres-ville et lutter contre la pollution émise par le trafic routier, estime Adeline Heitz. Une quinzaine de communes ont lancé un projet de ZFE sur leur territoire. Celle de Grenoble (38) est déjà active. Cette solution demande toutefois un gros effort de gouvernance. Et à ma connaissance, la ville de Paris est la seule à avoir mis en place des expérimentations avec des communes pilotes pour tenter d’harmoniser les réglementations sur la base d’une concertation. » L’étude constate, en effet, de fortes disparités entre communes d’une même agglomération qui n’utilisent pas de critères communs pour réglementer la circulation et le stationnement des véhicules de transport de marchandises. « Il y a un besoin d’harmonisation pour rendre plus cohérentes et plus lisibles les différentes réglementations afin de mieux renseigner les chauffeurs-livreurs et améliorer les conditions de livraison. » Se pose alors la question de l’échelle la plus pertinente pour traiter et mettre en œuvre les actions nécessaires pour mieux gérer les livraisons en ville.
UN MANQUE DE CONCERTATION
Pour plus d’efficacité, les mesures à mettre en œuvre doivent se faire dans la concertation avec les principaux intéressés : les élus, les représentants des grossistes et des petits transporteurs qui sont très nombreux en ville. C’est ce que suggère Laëtitia Dablanc, directrice de recherche de l’Ifsttar. « De cette manière, on évite certaines erreurs comme à Paris où la taille des places de livraison ne convient pas toujours aux véhicules les plus gros », commente Éric Decroix, président de la commission transport et logistique de la Confédération française du commerce de gros et international (CGI). À côté des mesures réglementaires, d’autres solutions existent comme les livraisons de nuit avec des véhicules hybrides, très silencieux, déjà pratiquées dans certaines villes, comme à Lyon. Peut-être faut-il également réfl échir à la manière dont les villes sont organisées pour mieux accueillir la livraison de marchandises, une piste essentielle avance Laëtitia Dablanc. « Aujourd’hui il y a des délaissés urbains, des friches industrielles et commerciales. Et, par ailleurs, il y a des professionnels qui ont des besoins d’immobilier logistique. Il faut le réinventer en ville. Cet immobilier logistique, par exemple les entrepôts à étages, est formidable pour rendre plus efficaces les chaînes logistiques globalement. » L’occasion également pour les communes de réintégrer des activités productives dans des zones urbaines.
PARIS : UNE STATION-SERVICE TRANSFORMÉE EN CENTRE DE LOGISTIQUE
Le site dit de Champerret Intérieur accueillera un espace urbain de distribution (EUD) sur l’emprise d’une ancienne station-service souterraine à hauteur de la porte de Champerret. Lieu adapté à la distribution du dernier kilomètre, La Folie Champerret répondra à l’objectif simple de moins de camions, moins de congestion, moins de pollution. Son emplacement idéal a permis d’aller plus loin en proposant une offre de services innovante intégrant l’utilisation de véhicules 100 % propres développés par la start-up XYT. S’inscrivant parfaitement dans les enjeux de transformation du boulevard périphérique, la Folie Champerret devrait permettre de générer une trentaine d’emplois.
Blandine Klaas
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