Pour atteindre la décarbonation des transports terrestres d’ici à 2050, il est possible d’agir sur la demande de transport, le report modal, le remplissage des véhicules et leur efficacité énergétique, mais également sur la décarbonation de l’énergie utilisée. Cinq leviers à actionner en urgence pour atteindre les objectifs climatiques.
Avec 30 % des émissions, le transport, et en particulier des personnes, est de loin, le principal émetteur de CO2. « La voiture pèse à elle seule 16% des émissions de notre pays. Voilà pourquoi la décarbonation de nos économies est assurément l’enjeu clef du XXIème siècle » alerte Jean Coldefy, Directeur des programmes d'ATEC ITS France et conseiller du président de Transdev. Car même si la France s’est engagée à réduire de 55% en 10 ans ses émissions de CO2 et à atteindre une décarbonation quasiment complète du secteur des transports à l’horizon 2050, depuis 2000, la part kilométrique de la voiture n’a baissé que de seulement 3%. « Si la dépendance à la voiture reste forte, c’est parce qu’aujourd’hui, on constate un déficit d’alternatives à la voiture pour accéder aux zones d’emplois des agglomérations et aux besoins du quotidien » décrypte Jean Coldefy. Alors comment décarbonner le secteur des transports de personnes ? Pour atteindre les objectifs de court et de long termes, la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) mise sur cinq leviers pour réduire les émissions des transports.
Le 1er levier d’action consisterait à modérer la demande de transport, à savoir le nombre de kilomètres parcourus par les voyageurs, ou le nombre de tonnes /kilomètres transportées pour les marchandises. Selon Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports (associé à la Chaire Énergie et Prospérité), c’est le facteur qui a le plus influencé les émissions, comme en témoigne la multiplication par 4,7 de la demande des voyageurs et de 3,4 pour les marchandises entre 1960 et 2017, entrainant une multiplication respectivement par 4,2 et 3,3 des émissions de CO2. L’influence des politiques publiques dans la modération de la demande est pour l’instant très faible, pour Aurélien Bigo, elles nécessiteraient de penser l’aménagement du territoire et l’organisation des mobilités avec plus de proximité au quotidien indispensables pour obtenir un report modal significatif.
Le second levier de décarbonation consisterait à favoriser le report modal. La croissance du vélo, accélérée par la grève de fin 2019, le déconfinement et les aménagements temporaires, est, certes, bien plus dynamique que les autres modes de transport alternatifs, mais sa part dans les kilomètres parcourus reste inférieure à 1 %. Pour produire des effets significatifs sur les émissions de CO2, cela nécessiterait un maillage plus efficace sur l’ensemble du territoire. Car faire un report d’1 % d’un mode carboné (voiture, avion, poids-lourds) vers un mode décarboné (modes actifs, ferroviaire) permet de réduire les émissions d’1% seulement. Or d’ici 2050, les scénarios de prospectives les plus ambitieux sur ce levier prévoient une baisse des émissions de l’ordre de 20%.
Le 3ème levier est de développement du covoiturage. S’il s’est développé ces dernières années sur la longue distance, les bénéfices climatiques sont cependant minces puisque la moitié des usagers auraient pris le train. En revanche, pour les trajets courts, notamment domicile-travail, l’Exécutif multiplie les initiatives : création de voies réservées, création de Zones à Faibles Emissions (ZFE), Plan de Mobilité Employeur (PDME). Sans compter le versement d’une allocation aux conducteurs et aux passagers (subventions des trajets, défiscalisation de ces aides, forfait mobilités durables) que développent les collectivités territoriales. Objectif : tripler ces déplacements en 2024 à 3 millions de trajets par an.
Le 4ème levier consiste à baisser les consommations d’énergie par kilomètre parcouru. C’est essentiellement sur ce levier que repose la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) pour faire baisser les émissions à court terme, via les améliorations technologiques, telles que l’hybridation ou les progrès sur le rendement des moteurs. Reste que les améliorations récentes ont été compensées pour les véhicules neufs par le regain de l’essence par rapport au diesel, et surtout par la croissance des SUVs (sport utility vehicles), des véhicules moins aérodynamiques et plus lourds donc plus énergivores. D’où la nécessité de tendre vers plus sobriété pour gagner en efficacité, notamment sur la taille, la puissance, le poids et l’aérodynamisme des véhicules.
Décarboner l’énergie
Enfin, le 5ème levier concerne la décarbonation de l’énergie, en passant du pétrole qui représente plus de 90 % des consommations actuelles des transports, à l’électrique, l’hydrogène, les biocarburants ou le biogaz, à condition que ces énergies soient produites de manière durable. Pour le moment, cette décarbonation a été très faible, car les biocarburants développés (7 % des consommations d’énergie des transports) ne sont pas moins émetteurs que le pétrole. Les plus forts espoirs sont désormais tournés vers l’électrique, particulièrement adapté pour les véhicules les plus légers. Les émissions des voitures électriques en France sont environ 2 à 3 fois moindres que les voitures thermiques, en prenant en compte l’analyse de cycle de vie complète des véhicules.
Danièle Licata
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