Les transports collectifs font figure de grand perdant de la crise sanitaire avec une chute brutale de la fréquentation. Un constat que dresse Philippe Duron dans son rapport rendu en juillet au ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, qui appelle à un nouveau modèle économique du secteur en pleine transformation. Explications.
Philippe Duron a remis, le 13 juillet au ministre des Transports, son rapport sur le modèle économique des transports publics suite à la crise sanitaire. Jean-Baptiste Djebbari, avait en effet confié, fin 2020, à l’ancien maire socialiste de Caen et ancien président de la Basse-Normandie, qui a également été président de la Commission Mobilité 21, la mission d’étudier « comment consolider le modèle économique des transports publics du quotidien », durement touchés par la crise sanitaire, sous l’effet de la baisse des recettes, du maintien de l’offre indispensable pour la continuité de l’activité économique du pays, et des mesures sanitaires renforcées. Alors que la France traverse une crise sanitaire sans précédent, en 2020, l’État a mis en place des dispositifs de soutien financier conséquents en faveur des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) (versement d’aides compensatoires à la baisse du versement mobilité et avances remboursables pour atténuer la perte de recettes tarifaires) qui ont permis de diminuer l’impact conjoncturel.
CETTE ANNÉE, LE SOUTIEN PUBLIC SE POURSUIT
Dans le projet de loi de finances rectificative pour 2021 qui vient d’être adopté par le Sénat, les autorités organisatrices de la mobilité viennent de se voir attribuer 50 millions d’euros, pour le financement d’un programme d’investissements. Car, la fréquentation des transports publics, malgré une forte reprise ces derniers mois, ne devrait pas retrouver son niveau d’avant crise avant longtemps pour diverses raisons, en tête desquelles : la démocratisation du télétravail, l’installation de citadins à la campagne mais également le boom des mobilités douces. « Or, ces modes nouveaux de déplacement ont créé déjà de nouvelles habitudes qu’il ne faut pas déconsidérer, surtout pour une certaine catégorie de la population jeune et citadine », explique Fabien Leurent, directeur de la chaire mobilité territoriale à l’école des Ponts et chercheur au CIRED (Centre international de Recherche en économie et en développement). Une équation budgétaire difficile à boucler pour les collectivités. Fort de ce constat, la question est de savoir comment consolider le modèle économique des transports publics du quotidien mis à mal par la crise sanitaire avec en 2020 une baisse de 31 % de fréquentation des transports en commun urbains gérés par les autorités organisatrices de mobilité (AOM) et de plus de 40 % pour les AOP régionales (AOMR) qui gèrent les TER. Car qui dit baisse de la fréquentation dit baisse des recettes. Si les recettes tarifaires n’ont diminué que de 27 % et le produit du versement mobilité (VM) de moins de 5 %, les coûts diminuant peu avec une offre préservée à 90 %, les pertes se sont creusées. Mais l’impact financier a été tempéré par les aides de l’État (avances remboursables et compensation des pertes de VM), explique Philippe Duron dans son rapport. Les AOMR, quant à elles ont été encore plus affectées, avec une baisse en 2020 de 43 % des recettes commerciales, soit 550 M€, notamment sur le segment le plus rémunérateur (voyageurs occasionnels), mais avec la baisse des coûts étant plus faible du fait du maintien de la plus grande partie de l’offre, le solde affiche une perte de 300 M€.
LES TRANSPORTS COLLECTIFS ENCORE À LA PEINE EN 2021
Pour cette année, compte tenu du contexte sanitaire, les rapporteurs recommandent le maintien du dispositif de soutien de l’État, avec la poursuite du « filet de sécurité » aux collectivités en matière de ressources fiscales et domaniales. Ils appellent également au maintien du dispositif d’avances remboursables pour les pertes directes qui pourraient être éventuellement remplacées en partie par des aides directes. Pour ce qui est des AOMR, les prévisions pour 2021 restent pessimistes avec une baisse de 27 % des recettes commerciales et un important déficit d’exploitation à prévoir de l’ordre de 350 M€ pour les seuls TER et 60 M€ pour les transports interurbains et scolaires. « C’est pourquoi nous recommandons la mise en place d’un dispositif d’avances remboursables pour les AOM régionales, éventuellement mixées avec des aides directes, pour compenser la perte de recettes commerciales, sous réserve de l’engagement de maintenir un niveau d’investissements élevé », préconise Philippe Duron. Car avec la baisse des recettes, « c’est tout l’équilibre économique déjà fragile du transport public qui est chamboulé , et par ricochet les projets d’investissement pourraient être revus à la baisse », avertit Fabien Leurent.
RENFORCER LES INVESTISSEMENTS POUR LA DÉCARBONISATION
À plus long terme, pour pérenniser le modèle économique des transports publics, les rapporteurs recommandent en premier lieu un effort d’adaptation des autorités organisatrices aux nouveaux modes de transports plus durables, mais également une consolidation et une diversification de leurs ressources, au moment où elles devront mettre un coup d’accélérateur sur les investissements afin de renforcer leur attractivité, mais également sur la décarbonisation du secteur des transports. Car les besoins d’investissements restent très importants. Selon le rapport, ils ont été évalués à près de 20 Md€ pour 36 AOM représentant 25 % de la population citadine (dont les plus grandes agglomérations). Sans compter qu’une charge importante est à prévoir au cours des prochaines années au titre de la décarbonation des flottes d’autobus. Les besoins sont également considérables pour les AOMR qui auront notamment à se concerter avec SNCF Réseau sur l’indispensable remise en état et modernisation du réseau emprunté par les TER.
QUID DES RESSOURCES ?
Le renforcement du modèle économique passe également par celui des ressources, tout d’abord celles apportées par les usagers eux-mêmes au moyen de la tarification en augmentant leur part au financement des transports publics, d’autant plus légitime que la qualité du service sera améliorée. Quant au versement mobilité qui apparaît comme une ressource stable, sa place doit rester équilibrée par rapport aux ressources tarifaires. Enfin, en matière de fiscalité la troisième source de financement, un certain nombre de pistes méritent d’être explorées : baisser la TVA à taux réduit de 5,5 % sur les services de transport conventionné régionaux et locaux sans exiger de contrepartie tarifaire, flécher une partie de la TICPE vers les AOM ou taxer les livraisons par exemple. Affaire à suivre, car les préconisations seront partagées avec les associations d’élus et les parties prenantes d’ici la fin de l’année.
Danièle Licata
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