Agriculture urbaine, régie agricole municipale, circuits courts… Les villes font évoluer les modes de production et développent des stratégies alimentaires territoriales pour mieux répondre aux besoins et enjeux locaux.
Voir leur territoire retrouver ses fonctions nourricières, certains élus en rêvent et pourtant nous en serions bien loin si l’on considère une étude publiée par le cabinet Utopie, en 2017 : le degré d’autonomie alimentaire des 100 premières aires urbaines françaises ne dépasserait pas 2 %. Autrement dit, 98 % du contenu des assiettes consommées localement sont importés.
Selon l’Agence de l’environnement et la maîtrise de l’énergie (Ademe), « se fournir chez les agriculteurs du territoire leur permet de soutenir une activité économique locale, de réduire les transports et les pertes, ainsi que de mieux connaître la qualité et l’origine des produits ». C’est aussi ce qui aidera à réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre du secteur alimentaire. Ces recommandations ont été consignées par l’Agence dans un recueil intitulé Demain mon territoire, publié à l’attention des candidats aux élections municipales.
Les villes sont-elles prêtes à s’engager sur la voie de la transition alimentaire ? Chacune à sa manière, elles investissent le champ de la production agricole, certaines allant jusqu’à la mise en place d’une véritable politique alimentaire. Dès 2011, la commune de Mouans- Sartoux, (06), 9 000 habitants, a créé sa régie agricole pour approvisionner en produits bio et locaux les cantines scolaires. Un ancien domaine agricole de 4 ha acquis par la commune lui permet de produire chaque année environ 25 000 t de légumes qui couvrent 85 % des besoins de l’ensemble des repas servis chaque jour par la ville. Aujourd’hui, trois salariés cultivent le domaine.
Pour aller plus loin dans son projet alimentaire territorial, la commune s’est dotée d’une Maison d’éducation à l’alimentation durable (Mead), dont l’objet est la structuration de l’autosuffisance alimentaire sur le territoire. Il s’agit d’offrir à chaque habitant, quels que soient ses revenus, la possibilité de se nourrir sainement en prenant soin de l’environnement, tout en préservant des espaces nourriciers pour les générations futures. Jean-Claude Mensch, maire d’Ungersheim (68), 2 300 habitants, soutient lui aussi cette idée d’utiliser les terres pour nourrir les populations localement. Sa commune joue les agriculteurs sur les 8 ha de terrains qu’elle a acquis pour fournir une partie des besoins des cantines. Et pour éviter le gaspillage, la municipalité a créé sa propre fabrique de conserves, vendues dans le village et ses environs.
Si la construction d’une autonomie alimentaire est facilitée par la proximité de la campagne, l’agriculture vient désormais en ville, au plus près des habitants, avec des concepts toujours plus innovants. Les projets périurbains se multiplient, notamment en région parisienne, motivés par la détermination des élus, associations ou collectifs de citoyens qui mettent en avant une nourriture, plus saine et plus respectueuse de notre environnement, mais aussi génératrice d’emplois locaux et vecteur de lien social.
À Romainville (93), « le maraîchage en ville a été le fruit d’un long combat de près de dix ans », se souvient la maire Corinne Valls. La cité maraîchère bâtie sur 1 000 m2 ouvrira au printemps prochain et fournira de quoi nourrir 200 familles. Dix à quinze emplois, en majorité en insertion, seront créés. « Voilà des années que nous souhaitions développer une nouvelle filière économique en lien avec le développement durable, en mettant l’accent sur le bol alimentaire. Réintroduire de l’activité maraîchère dans cette commune qui fut longtemps le jardin vivrier de la capitale prend tout son sens », confie la maire. L’exploitation maraîchère produira des fruits et légumes, des champignons en sous-sol, des fleurs comestibles, des plants et semences qui pousseront dans des bacs de culture. Le bâtiment sera aussi un centre de ressources pour sensibiliser le grand public à l’agriculture urbaine.
Favoriser le lien social autour d’actions de végétalisation et d’agriculture urbaine, c’est l’objectif de la start-up écoresponsable Merci Raymond, qui s’est donnée pour mission de rendre les banlieues parisiennes plus vertes et, surtout, plus fertiles. En collaboration avec Les Résidences Yvelines Essonne, elle a initié dans le quartier des Musiciens, à Grigny (91), 29 000 habitants, l’ouverture d’un Club de Jardiniers, avec pour ambition de faire naître une ferme urbaine en permaculture à l’échelle du quartier courant 2020. L’entreprise participe également au nouveau projet d’aménagement immobilier de l’Établissement public d’aménagement du Mantois Seine-Aval (Epamsa), conçu comme un quartier d’activités productif offrant des lieux de productions et de transformations alimentaires locaux. En lien avec les producteurs du territoire et les acteurs locaux de l’agriculture, les productions issues de l’aquaponie, de la permaculture et de la pisciculture pourront être transformées sur place. Quant aux grandes serres productives installées sur les toits d’un rez-de-chaussée actif, elles donneront une identité architecturale forte au projet. À défaut d’espace, l’agriculture trouve aussi sa place sur les murs et toits des bâtiments comme à Paris, où la municipalité, dans le cadre de son appel à projets Parisculteurs, lancé en 2016, met à disposition des agriculteurs, jardiniers, paysagistes, entrepreneurs, acteurs associatifs et architectes 32 sites, représentant 5,8 ha, pour y développer des projets d’agriculture urbaine. Ils permettront in fine la production de 500 t de produits. Des productions certes insuffisantes au regard du nombre d’habitants à nourrir, mais qui ont le mérite de reconnecter les citoyens au monde agricole, et de faire avancer les réflexions et les actions autour des politiques alimentaires sur l’ensemble des territoires.
Blandine Klaas
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