Pour Benoist Apparu, président du directoire d’In’li et maire de Châlons-en-Champagne depuis 2014, si la crise sanitaire a renforcé les envies de maisons individuelles avec jardin, loin des métropoles, le réchauffement climatique et la courbe démographique plaident pour une densification urbaine et une politique du logement différente d’un territoire à l’autre. Rencontre.
RCL : Un monde métropolisé, et plus encore depuis la crise sanitaire, ne fait plus rêver les Français. Aujourd’hui plus de 8 Français sur 10 préfèrent vivre dans une ville moyenne. Pensez-vous que la politique du logement est en encore en phase avec leurs attentes ?
Benoist Apparu : La crise sanitaire a, certes, développé des envies de jardins et de balcons fleuris. Mais la politique du logement consiste non pas à suivre les envies des Français, mais à tenir compte de la réalité. Aujourd’hui, les politiques d’urbanisme doivent être démographique et climatique. Démographique, signifie construire plus là où il y a plus d’habitants et moins là où la population stagne ou diminue. Climatique, signifie que l’urbanisme et la construction doivent être au service de la lutte contre le changement climatique. Or, l’étalement urbain est responsable de 42 % de l’augmentation des gaz à effet de serre, par la construction de routes, le 100 % voiture ou le développement des transports collectifs… Parce qu’il y a urgence, tout l’enjeu aujourd’hui est de lutter contre cette urbanisation en acceptant une plus grande densité dans les villes. On peut rêver de villes moins denses avec maisons individuelles entourées de verdure, mais la réalité est qu’il faut lutter en priorité contre le changement climatique tout en logeant tout le monde. L’énoncer ainsi semble banal, mais la mise en oeuvre est subtile. Lutter contre le réchauffement climatique, c’est d’abord lutter contre l’étalement urbain. Lutter contre, c’est accepter une plus grande densité dans les villes. La politique du logement doit reposer sur le bon sens. Il faut construire massivement dans les zones dites tendues et réhabiliter dans les zones détendues, dans la logique de l’offre et la demande. Ce qui sous-entend qu’il faut changer les outils de politiques qui restent encore fondés sur une analyse nationale. Car les besoins sont différents d’un territoire à l’autre. C’est pourquoi, nous devons flécher les aides publiques et fiscales sur la base de l’équation démographique et assumer un droit de l’urbanisme plus contraignant pour valoriser la densité et la mixité, pour geler les constructions ou à l’inverse les impulser.
RCL : Mais la densification ne risque-t-elle pas de faire flamber davantage encore les prix à la location et à l’acquisition ?
B.A. : Effectivement, mais pour mieux maîtriser les prix, il faut mettre en place une échelle de loyers en adéquation avec celle des revenus et développer massivement le parc intermédiaire dont les prix réglementés sont inférieurs aux prix du marché. Or, les métropoles manquent sérieusement de ce type de produits qui présentent, pourtant, bon nombre d’avantages : d’abord, ils permettent aux classes moyennes d’habiter dans les grandes villes, près de leur lieu de travail. Ensuite, ils permettent aux collectivités locales de sécuriser sur leur territoire la présence de citoyens actifs aux revenus moyens. Enfin, ils garantissent une mixité sociale. Pour se faire, il faut que, non seulement des investisseurs achètent des logements et louent, mais que les collectivités les produisent. Or, aujourd’hui les villes produisent de moins en moins. Le problème du logement en France n’est pas un problème d’acheteurs, mais bien de production et donc de permis de construire.
RCL : Le Grand Paris est donc un modèle ?
B.A. : Bien sûr, c’est un modèle pour la simple raison qu’il permet, grâce au déploiement de toutes sortes de mobilités complémentaires, d’accueillir une population grandissante sans les éloigner de leur lieu de travail. On voit comment la politique du logement est désormais indissociable de la politique du transport si l’on veut limiter l’envolée des prix. Dans ce sens, le Grand Paris répond à toutes ces équations.
RCL : La crise sanitaire a fait plier le secteur de l’immobilier de bureaux. Ces mètres carrés vident peuvent-ils se transformer en habitations ? Attendrons-nous des décennies, comme pour les friches industrielles avant de tenter une reconversion ?
B.A. : Il est bien trop tôt pour tenter de poser un premier diagnostic. Dire que c’est la fin des bureaux et l’avènement du télétravail, c’est tirer des conclusions rapides. Il est probable, qu’à l’avenir, le nombre de mètres carrés de bureaux produits sera plus faible et qu’en parallèle la demande soit légèrement moins forte. Mais il est nécessaire de nuancer la volumétrie et la temporalité. Si la tendance se confirme, la baisse se fera graduelle, 1 % par an au plus. Concernant les friches industrielles, effectivement, la transformation a été longue car le modèle économique de conversion est complexe. Mais sa reconquête se met en place doucement car acheter un bâtiment existant et financer les travaux est plus cher que d’acheter du neuf.
■ Propos recueillis par Danièle Licata ■
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