Le trésor caché des eaux usées

Territoires
13 novembre 2019

Face à une pénurie d’eau, la réutilisation des eaux usées, aussi appelée reuse (issue de l’expression wastewater reuse en anglais) est une réponse à des impératifs sanitaires et écologiques. Pourtant la France traîne culotte. Explications.

Et si l’on cessait de considérer les eaux usées, qu’elles soient domestiques, industrielles ou agricoles, comme un problème ou un coût et qu’on les envisageait comme une ressource ? » C’est à ce changement d’optique qu’invite le Rapport mondial des Nations unies sur Les Eaux usées, une ressource inexploitée, publié en mars dernier. « Face à la hausse constante de la demande, un recours plus systématique à une eau recyclée paraît inéluctable », résument les experts. L’Europe, qui désormais s’inquiète de voir un tiers de son territoire soumis à des pénuries d’eau, en a fait son cheval de bataille. Et la marge de manoeuvre est grande. « Les données sur les volumes d’eaux usées réutilisées publiées en 2007 pour l’ensemble des États européens par l’EUWI [European Union Water Initiative] dans son Mediterranean Wastewater Reuse Report indiquent que la filière « reuse » (réutilisation des eaux usées traitées) produisait pour les besoins européens, près de 1 milliard de m3 par an, soit 2,4 % des eaux usées traitées » explique Anne-Laure Makinsky, déléguée générale de l’Union nationale des industries et des entreprises de l’eau et de l’environnement (UIE).

LA FRANCE, MAUVAIS ÉLÈVE

Si certains petits pays de l’Union européenne se distinguent, comme Chypre (dont l’objectif est d’aboutir à la valorisation de 100 % des eaux usées) ou Malte (où 60 % des eaux usées sont réutilisées), l’Espagne fait également figure de bonne élève, suivie par l’Italie, avec respectivement 220 et 350 millions de m3 d’eaux usées traitées par an, bien devant la France, qui ne recycle que 7,7 millions de m3. Pourtant, une fois traitées, les eaux usées peuvent être destinées à bien des usages : irrigation des espaces verts ou des cultures, lutte contre les incendies, lavage des voiries ou encore recharge des nappes phréatiques. La France peut-elle continuer à rester à la traîne ? Pour Claude Miqueu, président de la commission réglementation du Comité national de l’eau, membre du Comité de Bassin Adour-Garonne, la réponse est non. « La demande en eau va progresser de façon exponentielle dans les prochaines décennies et les eaux usées, longtemps négligées, vont jouer un rôle important, en tant que source d’eau alternative fiable. » Anne-Laure Makinsky enfonce le clou : « Même si la France dispose de ressources importantes en eau, l’inégale répartition de celles-ci et les activités consommatrices d’eau (agriculture, loisirs, tourisme…) créent des déficits hydriques dans certaines régions. Et le changement climatique risque d’accentuer ces situations de pénuries. » Et au-delà des enjeux climatiques, l’intérêt à développer la « reuse » n’est plus à démontrer. « Les restrictions d’usages imposées dans certaines régions vont faire peser une menace sur certaines activités économiques consommatrices d’eau. Or un approvisionnement garanti en volume et, dans le temps, peut permettre à ces entreprises de se développer sans crainte de restrictions », explique l’UIE. S’ajoutent les activités annexes, comme le lavage de voiries, l’entretien des zones touristiques… « Des activités difficilement quantifiables, mais qui participent activement au maintien du cadre de vie et qui ont inéluctablement des effets positifs sur l’attractivité des territoires », analyse Anne-Laure Makinsky.

LES EAUX USÉES, SOURCE DE VALEUR SOUS-EXPLOITÉE

« Si les bénéfices tant environnementaux qu’économiques sont bien identifiés, pour l’heure, les freins au développement de la réutilisation des eaux usées restent bien serrés », se désole Claude Miqueu. Et de poursuivre : « D’abord on constate un manque de sensibilisation du public, mais surtout une réglementation trop peu encourageante. » Un premier arrêté est paru, en 2010, alors que la pratique était en train de se développer en France. « Cet encadrement réglementaire aurait pu encourager la pratique de la “reuse”, mais, aux yeux des professionnels, il s’est finalement révélé être un frein au développement de nouveaux projets. Un nouvel arrêté a été publié en 2014 (arrêté du 25 juin 2014 modifiant l’arrêté du 2 août 2010) sans consultation des parties prenantes. Cependant, pour les professionnels de la filière “eau”, les contraintes de mise en oeuvre à respecter (vent, distances…) ne sont pas de nature à favoriser la pratique et peuvent même remettre en cause des projets existants », explique Anne-Laure Makinsky. Depuis, l’arrêté du 26 avril 2016 permet aux installations existantes de se mettre en conformité d’ici le 31 décembre 2019. « Sauf que la réglementation actuelle encadre seulement l’irrigation agricole et des espaces verts alors que de nombreux autres usages existent (lavage de voiries, de véhicules…) », déplore Anne-Laure Makinsky. Ce manque d’ambition, Claude Miqueu l’explique par la volonté première de protéger la santé des populations. « Ce qui limite les actions. D’ailleurs, les études d’impacts sont uniquement sanitaires. On minimise ainsi les impacts environnementaux et économiques. Sans compter que les études chiffrées restent encore largement insuffisantes. Et de conclure : On a un devoir de clarification de la connaissance. Mais pour l’heure sans moyens financiers et sans réglementation claire, on fait du sur place. »

Danièle Licata

Paroles de maires

RCL
Question :
Un maire, donc OPJ, peut-il l’être en dehors de sa commune ?
Réponses :
Non, il est élu OPJ sur sa commune.
Tous les pouvoirs du Maire en tant que représentant de l'Etat ne lui sont octroyés que sur son territoire.
Non uniquement dans la commune où il est élu maire.

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