Avec plus de 1 300 saisines en 2019, le médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet, tente de restaurer le dialogue pour résoudre les conflits. Dix ans après sa création, ce service, dépendant du ministère de l’Économie et des Finances, expérimente un nouveau dispositif de médiation étendue dans quatre régions de France. Rencontre.
Portrait de M.Pelouzet. Médiateur des Entreprises. Paris. 24 Aout 2017.
RCL : Quel bilan tirez-vous de vos actions depuis dix ans ?
Pierre Pelouzet : En une décennie, plus de 20 000 acteurs économiques, entreprises et administrations, ont été accompagnés avec comme objectif de restaurer la confiance et de trouver une réponse à tous types de différends. En dix ans, nous avons multiplié par treize le nombre de nos interventions. Et dans 75 % des cas les personnes que nous mettons autour de la table trouvent une solution à leur conflit. Notre rôle est de les amener à trouver seules une réponse. En parallèle, nous avons développé d’autres outils : une charte de bonnes pratiques en faveur des relations fournisseurs responsables qui, elle aussi, a 10 ans. Car c’est bien de venir en médiation pour réparer, mais c’est encore mieux de donner des outils aux entreprises et aux administrations pour anticiper et changer les comportements. Nous sommes passés de 22 signataires, essentiellement des grands groupes, à plus de 2 000 aujourd’hui avec désormais, des PME, des TPE, des administrations, mais aussi des villes, des communautés de communes, des départements et des régions. Et pour la petite anecdote, l’an dernier nous avons signé la 2 024e charte avec Paris 2024. Parmi nos autres outils, nous comptons aussi un label « relation fournisseur et achat responsable », que nous avons créé à la demande des signataires de la charte qui souhaitaient, pour bon nombre, aller plus loin. Nous avons bâti tout un référentiel très poussé qui a permis de contribuer à la création d’une norme ISO mondiale sur les achats responsables. Des acteurs privés et publics dont le ministère des Armés, et le département l’affichent déjà.
Comment fonctionne la médiation ?
P. P. : Nous avons mis en place un réseau de 30 médiateurs en région issus principalement de l’Administration, des volontaires qui exercent la médiation à temps partiel. Les 30 médiateurs basés en région parisienne, eux, sont des chefs d’entreprise, magistrats, juges… à la retraite. Tous sont formés. Les 60 médiateurs nous permettent de couvrir plus de 1 300 médiations par an sur tout le territoire.
Quels sont vos champs d’action ?
P. P. : Au départ, Jean-Claude Volot, mon prédécesseur nommé par le président Nicolas Sarkozy, était médiateur de la sous-traitance industrielle. En 2012, à mon arrivée, nous avons élargi le cercle de nos interventions aux relations entre toutes les entreprises. Et puis, rapidement, nous nous sommes ouverts aux marchés publics. Aujourd’hui, les médiations publiques représentent un tiers de nos interventions. Depuis 2019, nous expérimentons le dispositif de médiation étendue sur quatre régions : Centre-Val de Loire, Grand Est, Normandie et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il concerne les secteurs de la construction, l’industrie manufacturière, l’information et la communication. Les sources de conflits seront inévitablement les mêmes : fiscalité, social, travail, mais également permis de construire et aides européennes qui passent par les régions. Pour le coup, il nous faudra une grande dose de pédagogie, car entre le public et le privé le dialogue est souvent difficile. Dans ce cadre, je rencontre l’ensemble des acteurs locaux des quatre régions test pour, d’une part, leur expliquer le dispositif et, d’autre part, mieux comprendre leurs problématiques et besoins spécifiques. Le succès de cette expérimentation repose sur la mobilisation de tous les acteurs. Notre objectif étant de pérenniser ce dispositif et de le déployer sur l’ensemble du territoire.
Quel regard portez-vous sur cette décennie ?
P. P. : Le premier constat est que, en France, le dialogue est loin d’être naturel. Se jouent plus facilement les rapports de force. Pourtant, autour d’une table, il se passe souvent des miracles, surtout lorsque les deux parties comprennent que le dialogue se fait dans la confidentialité. Un mot magique.
Pourtant entre administrations et entreprises, ou grandes entreprises et PME, le déséquilibre existe…
P. P. : Oui, bien sûr, mais notre rôle consiste à équilibrer les rapports. Sans être pour autant l’avocat du plus faible.
Comment entrer en contact avec un médiateur ?
P. P. : Sur le site Internet du médiateur des entreprises, mediateur-des-entreprises.fr. Nous avons une entrée unique qui nous garantit agilité et rapidité d’intervention. Notre promesse est d’intervenir en moins d’une semaine. Un petit formulaire en ligne ouvre la médiation et la confidentialité. Et nous nous chargeons de contacter l’entreprise ou l’administration adverse.
Quelle est votre vision à moyen terme ?
P. P. : Dans le meilleur des mondes, cela serait de disparaître. Et à l’origine nous ne devions oeuvrer seulement que deux ans, le temps de la crise. Mais force est de constater que le défaut de dialogue n’est pas conjoncturel en France, mais bien structurel. À nous de le faire évoluer.
■ La confidentialité. Tout ce qui est dit ou présenté, en médiation, ne peut être rendu public, sauf accord des « médiés ». Chacun y est tenu et s’y engage par écrit, y compris le médiateur.
■ La neutralité. Le médiateur ne doit pas donner son avis et doit être libre de tout préjugé.
■ L’indépendance. L’absence de tout lien entre le médiateur et l’un des « médiés est imposée.
■ L’impartialité. Le médiateur s’engage à servir les « médiés » d’une manière équitable.
■ La loyauté. Il n’est ni le représentant ni le conseil de l’un des « médiés ». Il les réorientera vers un autre médiateur si le sujet est hors de sa compétence.
■ La gratuité. Dans le cadre de la mission de service public, les interventions des médiateurs sont gratuites.
Propos recueillis par Danièle Licata
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