La traçabilité des terres excavées s’invite au débat de l’économie circulaire

Territoires
13 novembre 2019

Concernant le statut de déchet pour les terres excavées et sédiments, le Sénat a introduit une disposition additionnelle dans le projet de loi de l’économie circulaire en discussion au Parlement. Objectif : fixer un cadre légal.

Aujourd’hui, les terres excavées, même inertes, sont des déchets, ce qui garantit un standard élevé de protection de l’environnement et de la santé. Provenant en grande partie des activités de construction-aménagement du BTP, ces terres, une fois sorties du site de leur excavation, deviennent juridiquement des déchets. Elles représentent à elles seules 40 % de leur volume total des produits en France. Bien entendu, les terres qui ne sont que déplacées par l’homme ne constituent pas un véritable déchet produit par ce dernier. En revanche, il est nécessaire de rester très vigilant pour les terres polluées qu’il est souvent difficile de différencier d’une terre inerte. Il est donc fondamental de bénéficier de protection et de traçabilité afin de profiter au mieux de ce noble matériau », lance Réda Semlali, vice-président de l’Union nationale des exploitants de déchets (Uned). Et sur le seul chantier du Grand Paris Express, ce n’est pas moins de 45 millions de tonnes de terres qui seront, au total, générés d’ici à 2030, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), qui, pour l’heure, doivent faire l’objet d’une surveillance toute particulière par la police administrative prévue par le code de l’environnement. Celle-ci engage la responsabilité du producteur et du détenteur, et le contrôle et la traçabilité des terres, via les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). « Des modalités contraignantes, puisque des contrôles sont effectués par les autorités, avec des risques de sanctions administratives et pénales potentiellement applicables, mais qui permettent de garantir une gestion des terres excavées dans le respect de la protection de l’environnement et de la santé humaine. Or, on sait à quel point la peur du gendarme est efficace en matière de responsabilisation des acteurs », commente l’Uned. Reste que, ça, c’était hier. Car la donne est en train de changer radicalement. Le ministère de la Transition écologique et solidaire projette de faire sortir par voie réglementaire les terres excavées, qu’elles soient polluées ou inertes, de leur statut de déchet au nom du développement de l’économie circulaire. « Un arrêté ministériel en ce sens est en cours de préparation et devrait voir le jour à la fin de l’année », prévient Réda Semlali. Et d’ajouter : « Or, l’assouplissement prévu par le projet d’arrêté reste très incertain quant aux garanties nécessaires pour assurer la protection de l’environnement et de la santé. » Et ce, pour plusieurs raisons. Pour l’Uned, en cessant d’être juridiquement des « déchets », les terres excavées deviendront des produits. Cette nouvelle qualification met un terme à la police administrative des déchets, protectrice de l’environnement et de la santé humaine et, de facto, à la responsabilité administrative et pénale du producteur de déchets, et fait surtout disparaître toute forme de traçabilité. La garantie légale de conformité des produits (deux ans) est à la fois insuffisante et impropre aux sols et aux terres, dont la pollution peut apparaître bien plus tard. L’application du règlement Reach aux terres excavées (avec enregistrement et contrôle des substances chimiques) serait d’ailleurs inadaptée et concrètement impossible à réaliser.

RISQUE SYSTÉMIQUE D’ERREURS

Si la réforme se met en place, il existera très peu de garanties en matière de protection de l’environnement et de santé humaine. Le producteur de terres excavées, à savoir le maître d’ouvrage ou son prestataire, pourra réaliser lui-même la sortie du statut de déchet (SSD), sans traitement préalable en installation classée, sur la base d’un contrôle sommaire (qui peut se réduire à un simple contrôle administratif), et en concluant un contrat de droit privé avec le site receveur, ou un quelconque intermédiaire non accrédité ou « autorisé », en dehors de tout contrôle des autorités administratives et de toute sanction. Or seule la traçabilité permet d’établir les responsabilités en cas de pollution, ce qui constitue tout l’intérêt de cette police de l’environnement. « Demain, c’est face à un risque systémique d’erreurs, de fraudes et de trafics à grande échelle auquel les pouvoirs publics nationaux et, surtout, locaux seront confrontés avec à la clé un brouillage des responsabilités en cas de pollution avérée » avertit Réda Semlali.

POLICE DE L’ENVIRONNEMENT

Si la Fédération des entreprises de recyclage (Federec), qui représente notamment les entreprises recyclant les déchets issus des activités du BTP, est favorable à la mise en place d’une sortie de statut de déchets pour les terres excavées et les sédiments, « dans la mesure où cet outil peut mettre sur pied d’égalité les matériaux naturels et les matériaux issus du recyclage, et ainsi faciliter le développement d’une filière vertueuse sur le modèle de l’économie circulaire », elle souligne aussi le risque de voir apparaître des acteurs peu scrupuleux. De son côté l’association pour la protection de l’homme et de l’environnement Robin des bois, crie au loup. : « Au lieu de favoriser une économie circulaire durable et fiable d’où tous les toxiques seraient éjectés, le gouvernement, s’il va au bout de ses ambitions, va favoriser une économie souterraine porteuse de risques sanitaires et environnementaux… Comment un arrêté aussi important engageant des millions de tonnes de déchets pourrait-il être entériné, sans passer par le crible d’un groupe de travail ou du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques ? Quand la commission consultative sur la sortie du statut de déchet existait encore, les modalités de conversion de déchets en produits étaient examinées à la loupe, et un grand nombre de précautions étaient préconisées et entérinées, à la suite d’un processus de réflexion et de concertation ; elles visaient à éviter les détournements, les fraudes, les excès et à consolider la traçabilité et la sécurité juridique sur le long terme des opérations mettant en oeuvre des produits ex-déchets. » Le Sénat a adopté un amendement maintenant le traitement en installation classée pour les déchets dangereux tout en permettant un traitement alternatif pour certaines catégories de déchets non dangereux définies par décret. Solution d’attente que refuse le gouvernement qui considère que la nomenclature ICPE n’est en rien une garantie pour l’environnement. Ce serait dès lors toute une police de l’environnement qui se verrait transférée au cas par cas à des tiers éventuellement accrédités. « L’Uned reste absolument favorable à un assouplissement des conditions d’une SSD pour favoriser une seconde vie des terres inertes. Mais évitons qu’une avancée pour l’économie circulaire devienne une régression environnementale », fait remarquer Réda Semlali.

Danièle Licata 

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