DÉCRYPTAGE. Doubler la part
du ferroviaire dans le transport de marchandises en France pour pas- ser à 18% en 2030. C’est l’objectif du gouvernement qui y consacre un milliard d’euros dans le cadre du plan de relance.
Aujourd’hui, le fret ferroviaire est peu compétitif par rapport à la route et présente des problèmes de qualité de service qui poussent progressivement les clients potentiels à se détourner de cette so- lution au profit de la route », explique Laetitia Dablanc, directrice de recherche à l’Université Gustave Eiffel (77). D’en- viron 30 % dans les années soixante- dix, la part du fret ferroviaire pour le transport de marchandises n’a cessé de s’éroder. Le transport terrestre de marchandises stagne autour de 10 % depuis dix ans dans le classement européen du secteur derrière l’Italie à 14 %, l’Allemagne à 18% et loin derrière le duo de tête constitué par l’Autriche et la Suisse avec respectivement 32% et 35%. Et son coût de production est actuellement 30% plus cher qu’en Allemagne à cause d’une organisation très rigide. Les différentes tentatives de sauvetage lancées depuis 2006 n’ont malheureusement pas permis d’enrayer un déclin commencé dans les années quatre-vingt, en raison notamment du manque d’investissement avec pour effet la dégradation de l’infrastructure. Le plan de relance de l’économie française annoncé par le Premier ministre, Jean Castex, en septembre der- nier parviendra-t-il à inverser définitivement la tendance ?
DES ATOUTS À EXPLOITER...
D’un point de vue environnemental, le rendement énergétique et écologique du rail place le fret ferroviaire parmi les solutions d’avenir pour décarboner le transport de marchandises, selon les membres de l’alliance 4F (Fret Ferro- viaire Français du Futur) qui regroupe les principales entreprises de transport ferroviaire de marchandises. Et la signature le 24 septembre d’un partenariat stratégique autour du développement et de la promotion du transport com- biné (rail-route, fleuve-route../) entre l'Ademe et le Groupement National des Transports Combinés le confirme. « Ce partenariat permettra d’accélérer le développement d’alter- natives efficaces d’inter- modalité pour améliorer le bilan environnemental du transport de marchandises », affirme le président de l’agence, Arnaud Leroy. Laetitia Dablanc voit elle aussi dans le transport intermodal une solution d’avenir pour le développement du fret ferroviaire. « Le transport intermodal consiste à trans- porter des conteneurs par voie ferrée jusque dans des gares spécialisées. Ces conteneurs sont ensuite transférés sur des camions pour la dernière partie du trajet. De ce fait, ils n’encombrent pas les voies dans les villes. En France, des infrastructures existent mais elles sont largement sous-utilisées ». Une solution largement développée en Allemagne, en Suède ou encore en Suisse. Le cabinet de conseil Altermind, lui, s’est penché sur les bénéfices du fret ferroviaire. Dans son rapport publié en juin 2020, il estime que « l’amélioration du fret ferroviaire augmente la productivité globale des facteurs, grâce notamment à la diminution du temps de transport des marchandises, l’amélioration de la fiabilité ou encore des effets d’agglomération au niveau local ». Et plus encore, la croissance de cette filière qui compte aujourd’hui 22 000 emplois « contribuerait également à la création d’emplois dans la filière ferroviaire (opérateurs de fret, mais aussi constructeurs d’équipements ferroviaires et entreprises de travaux ferroviaires), avec un ancrage local fort ».
...ET DES FREINS À LEVER
L’ambition de doubler le transport ferroviaire de marchandises d’ici 2030 nécessite une nouvelle organisation selon Laetitia Dablanc « car les freins sont toujours là ». En France, selon la spécialiste des transports, les trains de voyageurs sont prioritaires sur le réseau au détriment des trains de fret à la dif- férence d’autres pays qui facilitent leur circulation.
« C’est aussi un secteur qui manque d’investissement dans les technologies. Par exemple, équiper chaque wa- gon d’un GPS permettrait un traçage en temps réel et limiterait les pertes » poursuit Laetitia Dablanc. Par ailleurs, de nombreux rapports affirment que l’attelage automatique des wagons de marchandises – il est encore manuel aujourd’hui – serait une étape importante pour rendre le fret ferroviaire plus efficace, plus ponctuel et donc plus compétitif tout comme l’harmonisation des matériels car il est parfois compliqué de faire circuler un train de marchandises d’un pays à un autre. Le constat est là. Les acteurs du fret ferroviaire doivent se moderniser.
Conscient que le développement de nou- veaux services nécessite une montée en charge initiale, le gouvernement a d’ores et déjà annoncé le lancement d’un appel à projets pour la création de nouvelles « autoroutes de fret ferroviaire » avec la mise en place d’un dispositif d’aides au démarrage jusqu’à 35 M€ par an pour faciliter le montage de projets.
Et pour diminuer le coût du transport de marchandises, le Premier ministre, Jean Castex, annonçait en juillet la gratuité de ces péages pour emprunter des sillons – c’est-à-dire les voies que les trains de marchandises empruntent – jusqu’à la fin de l’année 2020 et une division par deux en 2021 du prix de ces péages. Pour Laetitia Dablanc, il faudrait subventionner davantage les chargeurs qui utilisent le transport combiné et donner de meilleurs sillons à tous les trains de marchandises, deux conditions essentielles pour aider au redémarrage du secteur.
■ Blandine Klaas
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