En privilégiant la réutilisation des infrastructures et des équipements présents, la réhabilitation et la reconversion des friches, portées notamment par le fonds friche mis en place dans le cadre de France Relance, constituent un levier majeur pour permettre à la France de relever le défi de la sobriété foncière mais aussi un moyen de transformer et dynamiser le territoire.
A Montbrison (Loire), l’ancienne usine de fabrication de jouets Gégé, abandonnée depuis quarante ans, va connaître une seconde vie pour se transformer en quartier inter- générationnel. À Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), c’est une page qui se tourne pour la manufacture de pantoufles Loison. Vingt-cinq ans après sa fermeture, elle devrait se transformer en logements dans les années qui viennent. À Dreux (Eure-et-Loir), la dernière phase de déconstruction du site de Maville, une ancienne fabrique d’articles de fête fermée en 2000 vient de démarrer. Un nouvel écoquartier verra le jour sur cet espace de 50000 m2 « Ces friches qui étaient un symbole de dévitalisation deviennent aujourd’hui les témoins d’un renouveau économique et résidentiel », rappelait la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault lors de la quatrième rencontre nationale Action cœur de ville. Boostées par le fonds friches lancé en 2020 par le ministère de la Transition écologique, 650 millions d’euros pour le financement des opérations de recyclage des friches, les politiques de reconquête de ces dernières menées par les collectivités locales constituent l’une des solutions face à l’étalement urbain et participent à l’effort national de réduction du rythme d’artificialisation des sols. « Dans une région comme l’Île-de-France dont la population augmente chaque année de50 000 habitants, c’est une gageure pour arriver à relever cet objectif, explique Jean-Philippe Dugoin Clément, vice-président de la région Île- de-France. La récupération des friches est l’un des sujets majeurs sur lesquels nous travaillons. » Dans cette optique, un observatoire des friches franciliennes a vu le jour en 2019 pour développer une base de connaissance sur celles en Île-de-France et les caractériser mais aussi pour repérer des sites qui pourraient utilement faire l’objet de projets de renaturation, de renouvellement ou recyclage urbain, et participer aux politiques régionales de réindustrialisation, de développement économique ou encore de développement des ENR. « Les premiers résultats de l’observatoire font état de 2 700 friches potentielles, dont 700 en petite couronne qui vont d’une centaine de mètres carrés pour la plus petite à 185 hectares pour la plus grande. Une commune sur quatre abrite une friche », ajoute le vice-président. La région ouvrait en 2020 un fonds à titre expérimental à hauteur de2M€,décuplé à20M€ en 2021. Au terme de quatre appels à projets friches région, 104 projets ont été labellisés, pour 32,9 M€ dépensés en l’espace de deux ans en injection concrète de crédit. 1 330 hectares sont aujourd’hui soute- nus par la région Île-de- France.
UN INTÉRÊT PATRIMONIAL
Les enjeux liés à la réhabilitation des friches sont multiples selon Aimeric Fabris, directeur général adjoint de l’Epora, un établissement public foncier créé en 1998 pour résorber les friches militaires de GIAT. « Les friches sont fonciers mal employés. Développer des projets urbains sur ces terrains réhabilités évite de le faire ailleurs et d’artificialiser encore plus. » Et de poursuivre : « Réhabilitées, elles permettent de mettre en lumière un patrimoine industriel remarquable auquel la population locale est souvent attachée. N’oublions pas que ce sont des vestiges marquants d’une époque, avec des architectures marquées. À ce titre, les enjeux de conservation de cette mémoire sont importants. » C’est le cas à Roubaix (Nord) où se concentre une part significative des friches de la région Hauts-de-France. Au nord de la ville, au sein de la ZAC de l’écoquartier de l’Union, sur un site en friche depuis environ vingt ans qui reste à dépolluer, un projet de construction d’une école e-sport de 3100 m2 accompagnée de sa résidence étudiante de 285 logements a été proposé. Autre projet, la conversion d’un ancien couvent abandonné datant XIXe siècle, en halle gourmande, boutiques de l’économie circulaire et production (microbrasserie) permettra d’apporter 1 500 m2 d’activités commerciales. Face à la raréfaction du foncier, la gestion des friches et des espaces vacants constitue un levier clé de l’amélioration du cadre de vie des Roubaisiens.
UNE INGÉNIERIE COMPLEXE
Pour le directeur général adjoint de l’Epora « une friche industrielle laissée à l’abandon dégrade fortement les paysages. En les résorbant, les collectivités recréer de l’attractivité. Et de manière très pragmatique, ces opérations permettent la résorption des pollutions et autres potentielles nuisances pour les riverains ». Les projets de requalification de ces friches relèvent d’une ingénierie parfois complexe du fait de l’historique des sites et de la pollution accumulée par des années d’exploitation industrielle. Tous ces projets de reconversion ont un point commun : leur réussite repose avant tout la mise en place d’une stratégie d’élimination des pollutions invisibles afin de rendre le site compatible, d’un point de vue sanitaire avec ses nouveaux usages. Or ces opérations alourdissent le coût de leur réhabilitation. « Dans les métropoles, le marché est généralement capable d’absorber le coût de la réhabilitation au travers de la production de logements et de la vente de foncier voué à des programmes tertiaires. En revanche, en dehors des métropoles dynamiques, où là effectivement les opérations ne sont pas aussi bien valorisées, certains coûts de réappropriation des friches, les coûts de dépollution notamment, pèsent très lourdement dans les bilans et ne permettent pas de trouver les équilibres nécessaires », affirme Aimeric Fabris. Sans les aides apportées par le fonds friches, de nombreux projets ne pourraient pas aboutir. Créé lors du cinquième Conseil de défense écologique du 27 juillet 2020 dans le cadre du plan de relance, le fonds friches est doté d’une enveloppe de départ de 300 M€, doublée à plus de 600 M€ par le Premier ministre le 17 mai 2021. En janvier 2022, Jean Castex annonçait le redéployement de 100 millions d’euros supplémentaires du plan de relance à destination du fonds friches. Les projets soutenus sont d’une grande diversité avec des créations de logement sociaux, des tiers-lieux ou encore l’accueil des entreprises.
Blandine Klaas
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