La France est riche de sa forêt. Mais, selon Antoine d’Amécourt, président de la Fédération des forestiers privés de France (Fransylva), elle reste sous-exploitée. Pourtant ses atouts sont nombreux, notamment dans la lutte contre le réchauffement climatique.
RCL: Comment se porte la forêt française ?
Antoine d’Amécourt : Très bien. Elle a doublé de surface en un siècle et demi. Avec 15 millions d’hectares, elle couvre presque 30 % de notre territoire. La France est donc le 3e pays européen pour la surface forestière après la Suède et la Finlande.
Comment préservez ce patrimoine ?
A.A.: La coupe de bois est un acte important pour conserver et préserver la forêt. Or, en France, la récolte annuelle de bois est inférieure à la production biologique de la forêt. Chaque année, on ne récolte, au plus, que 60 % de ce qui pousse. Loin d’être surexploitée, la forêt peut souffrir au contraire de sous-exploitation. Cette situation peut lui être préjudiciable, car une forêt vieillissante, où le bois s’accumule, est une forêt plus fragile aux maladies et aux intempéries. Sans compter, que le manque d’entretien peut représenter un manque à gagner non négligeable d’un point de vue économique et écologique. Car le bois constitue une véritable richesse pour notre pays. Seule matière première écologique et renouvelable, il est un matériau aux nombreuses qualités. Et ce peut être l’or vert de demain, si nous savons bien le gérer.
Qui gère la forêt ?
A.A. : Quelque 75 % de la forêt française appartiennent à des forestiers privés et ne sont donc pas gérés par l’Office national des forêts (ONF). On dénombre pas moins de 3,5 millions de forestiers privés propriétaires qui détiennent en moyenne 3,5 ha. Mais privées ou publiques, toutes les forêts sont soumises à une réglementation spécifique menée par l’État afin d’assurer l’avenir et la gestion durable des forêts françaises.
Quel rôle les forêts et les filières bois forêt jouent-elles dans l’adaptation au changement climatique ?
A. A. : La filière forêt-bois constitue un atout majeur
dans la lutte contre le réchauffement climatique. Au niveau local, les forêts jouent un rôle de tampon, aussi bien pour les températures extrêmes que pour l’hygrométrie et la force des vents. En effet, elles accumulent de la chaleur pendant la journée avant de la réémettre la nuit. D’autre part, le phénomène d’évapotranspiration lié à la photosynthèse et à la respiration des plantes humidifie et rafraîchit l’air. Enfin, les forêts forment des écrans brise- vent qui réduisent la force des tempêtes. Au niveau global, les forêts ont deux effets majeurs sur le climat à travers leur albédo et la fixation du CO2par la photosynthèse. La couleur sombre du feuillage capte, en effet, plus de chaleur qu’une surface plus claire (neige, couche nuageuse) qui contribue au réchauffement global. À l’inverse, la photosynthèse fait des forêts des puits à carbone, au moins durant leur période de croissance. De fait, les forêts extraient une partie du CO2 atmosphérique et contribuent ainsi à lutter contre l’effet de serre et le réchauffement climatique. Or les forêts qui absorbent le plus de carbone sont celles que l’on exploite. Ainsi, les forestiers, en assurant la gestion durable de leurs forêts, contribuent activement à lutter contre l’effet de serre. Même coupé, le bois continue de piéger le gaz carbonique dont l’arbre a eu besoin pour pousser. Une maison construite avec 20m3 de bois stocke 20t de gaz carbonique.
Quel peut être le rôle des élus ?
A.A.: Au travers des politiques publiques, les élus peuvent mobiliser et impulser des projets liés à la forêt et au bois. Et cette démarche concerne tous les territoires: propriétaires ou non de forêts, territoires urbains comme ruraux. N’oublions pas que 15 % des émissions de gaz à effet de serre en France sont directement issues des décisions prises par les collectivités territoriales, concernant leur patrimoine (bâtiment, éclairage public, flotte de véhicules) et leurs compétences (transports, déchets, distribution de l’énergie et de chaleur, notamment via les réseaux de chauffage urbain).
Quel rôle économique la forêt joue-t-elle ?
A.A.: Elle constitue un enjeu d’avenir par son potentiel économique et social. Les propriétaires forestiers sont le premier maillon d’une filière de 440 000 emplois en France. On recrute dans l’exploitation forestière, les scieries, le travail du bois, meubles, papier, carton... Sans compter que ces emplois sont le plus souvent installés en milieu rural, et qu’ils contribuent au développement local. Et il n’y a pas que des bûcherons en forêt !
Compte tenu des enjeux climatiques et du potentiel de la filière forêt-bois, êtes-vous soutenu par le gouvernement ?
A.A.: Clairement non. Aujourd’hui, on constate un réel manque de conscience du potentiel que représente le bois face à l’urgence climatique. Et puis nous manquons de soutiens financiers. Le montant de 8 M€ d’aides que nous percevons est largement insuffisant. C’est pourquoi, nous demandons, aujourd’hui, que 1 € nous soit versé par taxe carbone pour service rendu par la filière. N’oublions pas qu’avec l’actuel réchauffement climatique, si la température grimpe de 2 °C, les hêtres vont disparaître de nos forêts.
Propos recueillis par Danièle Licata
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