Je prône la reprise d'un entretien courant sur les ouvrages d'art

Territoires
07 mars 2019

TENDANCE. Directeur de la division infrastructures et transports au sein du Cerema, Georges Tempez dévoile quelques bonnes pratiques d'entretien courant des ponts en France afin d'en préserver l'état. Des réponses au questionnement qui a suivi l'effondrement d'un viaduc en Italie, l'été dernier.

RCL: Quelle est la situation des ponts en France ?
Georges Tempez: Si la catastrophe du pont Morandi, à Gênes, a marqué les esprits, ne perdons pas de vue qu'il s'agit d'un ouvrage exceptionnel en termes de taille et de conception. Ce type d'ouvrage est spectaculaire et ne représente pas la majorité en nombre des ouvrages existants.
En France, les ponts sont distingués en fonction des gestionnaires des voies concernées. Ainsi, le réseau national, qu'il soit concédé ou non, compte près de 20 000 ouvrages d'art bien identifiés, qui font l'objet d'un suivi et d'un entretien réguliers, basés sur une instruction technique de 1979 avec des obligations de visite périodiques et d'inspection détaillée. Environ 200000 ponts n'appartiennent pas au réseau routier national. Un peu plus de 100000 d'entre eux font partie du réseau départemental et le reste relève du réseau communal. La quasi-totalité des départements ont adopté des politiques de surveillance périodique, d'inspection détaillée et d'entretien de leurs ponts. Mais ce n'est pas toujours le cas pour ce qui concerne les communes.

Comment expliquez-vous la situation particulière des communes?
G. T. : La plupart du temps, les grandes villes, les métropoles ou les agglomérations disposent de services techniques, et mettent en place une politique de recensement et d'entretien de leurs ponts. La situation s'avère plus complexe pour les petites communes qui, souvent, n'ont pas la connaissance de tous les ouvrages sur leur territoire et encore moins de leur état. Lorsque ces derniers montrent des signes de faiblesse, c'est généralement le résultat d'un lent processus de dégradation qui n'a pas été repéré pendant des années et auquel aucune solution n'a pu être apportée.
Les ponts sont un élément de patrimoine bâti. Comme tout patrimoine, ils ont besoin d'être suivis et entretenus. Contrairement à l'école, la mairie ou l'église, le pont n'est pas toujours visible dans une petite commune. Tout le monde l'utilise sans même s'en rendre compte. Quelquefois, on l'oublie; au fil du temps, il vieillit, son matériau s'al-tère. C'est alors que surviennent les difficultés.

Quelles sont les bonnes pratiques à observer ?
G. T. : Je prône la reprise d'un entretien courant sur les ouvrages d'art. Il est simple et peu coûteux s'il est fait régulièrement. Cela consiste à retirer la végétation au moment où elle apparaît, pour éviter qu'elle ne se propage pour ensuite infiltrer la maçonnerie. L'entretien consiste aussi à vérifier le bon fonctionnement du dispositif d'évacuation des eaux qui peut se colmater dans le temps, voire disparaître sous la végétation. Restaurer les écoulements permet d'éviter que l'eau ne stagne et ne finisse par s'infiltrer dans la structure, puis dégrader le matériau, qu'il s'agisse de béton, de maçonnerie ou de métal.
Une fois cette démarche menée, on s'intéresse à l'état de l'ouvrage. Une inspection régulière aide à détecter les premiers signes de détérioration. Ces actions, simples et efficaces sont à la portée des agents communaux. En cas de problème, il est opportun de faire appel à un spécialiste. Il aura une connaissance technique nécessaire pour interpréter ce qui se passe et préconiser les actions d'entretien et de réparation nécessaires. La première étape, cependant, consiste à recenser l'ensemble des ouvrages présents sur le territoire de la commune. Le Cerema, pour accompagner les communes, a réactualisé son Guide de surveillance et d'entretien des ouvrages d'art, à télécharger gratuitement sur la boutique en ligne. Nous venons également de lancer un appel à partenaires, à destination principalement des petites collectivités, afin de construire ensemble des méthodes et des formations adaptées à leurs besoins. Cette démarche nous semble essentielle pour avancer sur le sujet.

La situation financière tendue, observée dans les collectivités, a-t-elle une incidence sur les opérations d'entretien ?
G. T. : Il est évident qu'il existe un problème économique. Réparer ou reconstruire un ouvrage coûte cher, et de mon point de vue, c'est un problème. Il serait pertinent de mener un travail d'ingénierie financière pour aider les collectivités à financer ce type de dépenses. Par exemple, en rendant les dépenses d'entretien des ouvrages importants éligibles à certaines dotations. Or ce n'est pas le cas, aujourd'hui.
On l'oublie souvent, mais le pont est un élément économique de base dans l'utilité sociale et collective. En effet, si le franchissement d'un pont est impraticable ou limité en tonnage, il faut songer à dévier les cars scolaires, à déplacer le marché, penser à organiser autrement les livraisons ou le ramassage des ordures. À Gênes, le viaduc qui s'est effondré était essentiel à la desserte du port qui, aujourd'hui, rencontre des difficultés parce que l'acheminement des camions n'est plus possible.

Comment évaluez-vous la situation pour les prochaines années ?
G. T. : Dans la mesure où nombre d'ouvrages d'art ont été construits aprèsguerre, il y a environ 70 ans, nous abordons une période complexe. Leur durée de vie est estimée entre 70 et 100 ans, environ. Les problèmes mécaniques risquent de s'accentuer au cours des prochaines décennies, en particulier pour les infrastructures qui auront été peu entretenues. Il faut avoir une vision la plus objective de la situation, l'idée étant d'amener les collectivités à procéder à un recensement, avec un minimum d'approche qualitative pour qu'elles aient une appréciation de l'état de leur patrimoine. C'est primordial.

 

LE SÉNAT ENQUÊTE SUR LES PONTS

Quel est l'état réel des 200000 ponts français ? Les collectivités territoriales, qui ont la charge de 80 % d'entre eux, disposent-elles des ressources techniques et financières pour assurer régulièrement leur maintenance ? C'est à ces questions que le Sénat a décidé de répondre à travers la mission d'information sur la sécurité des ponts, créée le 3 octobre 2018. Présidée par le sénateur de l'Eure Hervé Maurey, elle a pour but d'évaluer les modalités de surveillance et d'entretien des ponts gérés par l'État et les collectivités territoriales. Les résultats d'une consultation en ligne lancée au mois de janvier et février auprès des élus locaux viendront nourrir les travaux de la mission ainsi que ses recommandations.

Propos recueillis par Blandine Klaas

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Question :
Un maire, donc OPJ, peut-il l’être en dehors de sa commune ?
Réponses :
Non, il est élu OPJ sur sa commune.
Tous les pouvoirs du Maire en tant que représentant de l'Etat ne lui sont octroyés que sur son territoire.
Non uniquement dans la commune où il est élu maire.

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