Îlots de chaleur urbains : comment les villes s'adaptent au réchauffement climatique

Territoires
12 janvier 2020

DÉCRYPTAGE. Comment aménager ou réaménager les espaces urbains pour plus de confort pendant les périodes de fortes chaleurs ? C’est un nouveau sujet de préoccupation pour les villes qui doivent apprendre à penser l’espace public autrement. Avec un équilibre entre la place de la végétation et celle de l’eau, et le rôle des revêtements et matériaux utilisés.

LES ÎLOTS DE CHALEUR URBAINS : LES CAUSES DU PHÉNOMÈNE

Les propriétés thermophysiques des matériaux utilisés pour la construction des bâtiments, des voiries et autres infrastructures.

L’occupation du sol (sols minéralisés, absence de végétation).

La morphologie urbaine (voies de circulation importantes, « rugosité » urbaine diminuant la convection…).

Le dégagement de chaleur issu des activités humaines (moteurs, systèmes de chauffage et de climatisation…). Les matériaux urbains stockent la chaleur (15 à 30 % de plus que les zones moins denses) la journée qui se libère la nuit. C’est pour cette raison que le phénomène d’îlot de chaleur urbain est plus marqué la nuit, empêchant les températures de redescendre.

Sources d’inconfort pour les habitants, les grandes villes à surface étanche et dénuées de végétation génèrent des problèmes environnementaux parmi lesquels les îlots de chaleur urbains, soit des élévations localisées des températures. Pour en compenser les effets, les villes misent donc sur les espaces végétalisés qui apportent de la fraîcheur. Ainsi, 1 000 m² d’arbres permettent de réduire la température de 1,5 °C maximum dans un périmètre de 150 m.

C’est sur ce constat que la métropole du Grand Lyon (69) a inscrit dans son plan local d’urbanisme (PLU), ainsi que dans son nouveau plan local d’urbanisme et de l’habitat (PLU-H), le plan canopée, soit l’engagement d’augmenter le rythme de plantation sur les espaces métropolitains pour atteindre 3 000 arbres supplémentaires par an. Et ainsi lutter contre les effets de la chaleur en ville.

CONCEVOIR LA VILLE AUTREMENT

Toutefois « planter des arbres ne suffit pas à créer un îlot de fraîcheur », selon Emmanuelle Lhuillier, conseillère municipale en développement durable de Châtenay-Malabry (92). Elle estime qu’il est « nécessaire d’aménager des zones urbaines plus propices au confort d’été » et incite pour cela à mener une réflexion sur l’espace bâti, sur la réverbération des façades ou encore sur l’absorption de la chaleur par les matériaux.

Et plus encore. Au sein de toute stratégie municipale de lutte contre les îlots de chaleur, la place de l’eau est primordiale avec une attention particulière à porter sur le parcours des eaux pluviales, depuis la toiture privée jusqu’à l’espace public, et leur infiltration dans les sols. « Il est important de désimperméabiliser la ville », ajoute Gilles Lecuir de l’agence régionale de la biodiversité en Île-de-France (ARB îdF), afin que les eaux pluviales puissent alimenter les espaces verts et nourrir les arbres qui ont une autre vertu : l’évapotranspiration. En clair, ils transforment l’eau en fraîcheur.

L’adaptation des espaces publics passe nécessairement par une expertise environnementale et urbaine. Elle passe aussi par la co-construction des projets avec les élus, aménageurs, urbanistes et paysagistes. Toutes les composantes de l’espace doivent être prises en compte. Pour Delphine Baldé, urbaniste : « Il n’y a pas une réponse, mais un panel de solutions. » Et pourquoi pas questionner nos modes de vie ? Renoncer à l’utilisation des climatiseurs ou de la voiture individuelle. Pour une citoyenneté plus responsable.

Si la programmation et la conception architecturales qui intègrent la nature, la végétation, et respectent le cycle de l’eau, revêtent une importance capitale dans la lutte contre les îlots de chaleur urbains, d’autres solutions existent. L’une d’entre elle consiste à jouer sur l’enveloppe des bâtiments pour améliorer le confort thermique intérieur. À l’extérieur, la voirie peut, elle aussi, influer sur la captation de la chaleur. Ainsi, Paris expérimente depuis le 1er juillet 2019, dans le cadre du projet européen Life Cool & Low Noise Asphalt, des enrobés phoniques rafraîchissants conçus pour lutter contre la chaleur grâce à leur teinte plus claire et également leur capacité à retenir l’eau : en les arrosant, ils rafraîchiront la ville grâce à l’évaporation en périodes de forte chaleur. Avec pour objectif de faire baisser la température de 3 °C environ.

DES SOLUTIONS TECHNIQUES

Mesurer l’efficacité des revêtements, c’est le rôle du démonstrateur créé par le groupe Eiffage, à Hyères (83). « C’est un véritable outil scientifique grâce auquel nous comparons les albédos, soit la capacité qu’a un matériau à réfléchir l’énergie solaire et finalement à capter la chaleur, détaille Jean-Marc Lhuillier, directeur technique Eiffage route Grand Sud. Nous comparons aussi les revêtements classiques, noirs, avec de nouveaux enrobés clairs et drainants pour voir ce que ce type de matériau peut apporter de plus. » Les recherches portent également sur l’arrosage de la chaussée en surface pour la refroidir ou encore la circulation de l’eau dans les revêtements pour apporter un rafraîchissement, mais également une augmentation de l’hygrométrie. « Il y a un vrai enjeu à bien choisir son revêtement de sol. Nous avons mesuré des écarts qui allaient jusqu’à 20 °C en surface de différence de température selon le type de revêtement. Ce qui nous fait dire que peu importe la nature du revêtement, c’est sa couleur qui permet de limiter la chaleur que captent ces matériaux », ajoute Jean-Marc Lhuillier.

Enfin, des solutions de rafraîchissement plus basiques existent comme l’arrosage des chaussées en période de forte chaleur. Cette pratique expérimentée à Paris depuis 2013, permettrait une réduction de la température de surface de 10 °C à 15 °C, soit une baisse de 1 °C de la température de l’air et une température ressentie en baisse de 3 °C pour un piéton. Pas de doute, c’est la conjugaison d’un certain nombre de solutions entre elles qui permettra de proposer une ville durable et résiliente face aux conséquences du dérèglement climatique.

Blandine Klaas

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Réponses :
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Non uniquement dans la commune où il est élu maire.

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