Le Grand Paris Express, le plus grand projet d’infrastructure en Europe, est à mi-chemin de sa construction. Les chantiers tournent à plein régime et 21,495 Md€ ont déjà été levés depuis 2018, soit 60 % du financement. « C’est un système vertueux, car seule la technique conditionne la réalisation du projet, pas le bouclage de son tour de table budgétaire », assure Jean-François Monteils, président du directoire de la Société du Grand Paris, que RCL a rencontré.
RCL : 200 kilomètres de métro à réaliser, soit autant que le réseau historique ; 68 gares à construire, dont certaines à plus de cinquante mètres de profondeur ; quatre nouvelles lignes… le chantier du Grand paris Express est titanesque : le défi est-il relevé ?
Jean-François Monteils : Le Grand Paris Express est, en effet, le plus grand projet d’infrastructure en Europe et nous sommes à mi-chemin de sa construction. En dix ans, le projet a traversé de nombreuses étapes et une large part de son financement est déjà sécurisé. Les deux tiers du projet sont aujourd’hui en travaux, les chantiers tournent à plein régime et nous avons déjà réalisé 50 km de tunnel sur les lignes 15,16,17. Entre 2024 et 2030, le nouveau métro du Grand Paris sera mis en service progressivement. Il permettra à terme à 3 millions de voyageurs de se déplacer dans la métropole parisienne, de bénéficier de nouveaux itinéraires, de gagner en fiabilité, en temps et en confort. Au-delà des sujets techniques, financiers, juridiques que nous rencontrons quotidiennement, notre plus grand défi est de faire la preuve qu’une maîtrise d’ouvrage publique est capable de mener à bien un projet d’infrastructure de grande qualité qui va amener une ville plus agréable, plus fluide, plus verte. Nous y arriverons avec le soutien des collectivités qui sont partenaires essentiels de ce projet depuis son lancement.
RCL : Les projets de métro de banlieue à banlieue antérieurs au Grand Paris Express sont restés dans les tiroirs, comment expliquez-vous que celui-ci ait réussi à émerger ?
J.-F. M. : Lorsqu’il est né de l’accord État-région-collectivités du 26 janvier 2011, trois objectifs ont été assignés au Grand Paris Express. D’abord, c’est une évidence, doubler l’offre de transports publics dans la région la plus peuplée d’Europe pour améliorer la vie quotidienne des voyageurs et des habitants. Ensuite, permettre de désenclaver les territoires mal ou pas desservis, et ils sont nombreux ! Enfin, rendre possible un développement écologique vertueux de la métropole parisienne en favorisant la refondation de la ville sur elle-même, donc en stoppant net l’étalement urbain que les lignes actuelles, construites en radiales, ont tendance à favoriser. La forme en rocades des lignes du nouveau réseau que nous construisons permet des liaisons de banlieue à banlieue qui répondent exactement à ces deux derniers objectifs.
RCL : Le mode de financement de ce projet est-il une des clés de l’émergence du projet ? Est-ce que l’équation budgétaire sera bouclée ?
J.-F. M. : Assurément, le mode de financement du projet est le coup de génie des pères fondateurs du projet, notamment de Christian Blanc et des parlementaires qui ont travaillé à ce sujet dans le cadre du débat législatif. Nos recettes sont exclusivement franciliennes, ce qui signifie que seuls les ménages et entreprises d’Île-de- France financent un métro dont les retombées économiques dépasseront pourtant largement les frontières de l’Île-de-France. Ces ressources resteront fléchées sur la Société du Grand Paris à long terme, le temps de rembourser la dette. Entre-temps, la loi nous permet, sous le contrôle du gouvernement et du Parlement, d’émettre des obligations 100 % vertes (les green bonds) sur les marchés pour financer le projet. Depuis 2018, 21,495 Md€ ont déjà été levés, soit 60 % du GPE qui est aujourd’hui financé. C’est un système vertueux car seule la technique conditionne la réalisation du projet, pas le bouclage de son tour de table budgétaire.
RCL : Quelles sont les retombées économiques du chantier ? Et en matière d’emplois ?
J.-F. M. : Grâce au mode de financement du projet, la Société du Grand Paris peut investir à un rythme considérable au profit des entreprises et de l’emploi. Nous maintiendrons un rythme d’investissement de 4 à 5 Md€ par an ce qui fait du Grand Paris Express un des leviers majeurs du dynamisme économique du pays. Depuis le début des travaux, près de 6 000 entreprises sont déjà intervenues sur les chantiers et 7 700 compagnons sont aujourd’hui mobilisés sur les chantiers. Par ailleurs, le Grand Paris Express est un puissant vecteur d’insertion pour des personnes éloignées de l’emploi : 2 665 personnes en insertion sont intervenues sur les chantiers depuis le début des travaux, réalisant plus de 2,5 millions d’heures cumulées depuis le début des travaux.
RCL : Quels sont les points de résistance à surmonter ? L’ingénierie face aux besoins des collectivités ? L’acceptabilité des populations ? La législation ? Le coût ? Comment trouver le juste équilibre ?
J.-F. M. : Le Grand Paris Express bénéficie d’un immense soutien des élus et des populations car chacun a conscience des bénéfices qu’il va apporter à la collectivité. Un des défis consiste néanmoins à rester à l’écoute de toutes les parties prenantes tout au long de la réalisation du projet. Les maires sont les principaux alliés de cette démarche, ils sont très exigeants à notre égard. Ils ont raison de l’être car ils sont l’interface avec les populations. Construire un projet pour les gens, c’est nécessairement le bâtir avec eux. En ce sens, les riverains de nos chantiers font l’objet d’une attention de chaque instant et nous avons mis en place une équipe qui leur est dédiée pour trouver des solutions à chaque problème qui se pose. Parallèlement, nous sommes confrontés à une micro-contestation, plus politique, fondée sur des considérations idéologiques, qui n’hésitent pas à attaquer le projet par tous les moyens possibles qui vont de l’occupation illégale de terrains à une guérilla judiciaire contre un projet pourtant largement déclaré d’intérêt national par un arsenal de textes depuis dix ans. Heureusement, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté il y a quelques jours la requête en annulation de l’autorisation environnementale de la ligne 17 Nord et cela conforte l’orientation stratégique de la Société du Grand Paris fondée sur l’excellence environnementale au service de la maîtrise du projet.
RCL : Grâce à ce projet, la France prouve-t-elle finalement qu’elle a retrouvé une vraie capacité d’ingénierie publique ?
J.-F. M. : Grâce au Grand Paris Express, la France démontre qu’elle a encore la capacité à conduire de grands projets qui conjuguent ambitions fortes et défis techniques inouïs. Notre pays montre combien la tradition d’une ingénierie se situant au premier rang de la hiérarchie mondiale demeure vivace, fondée sur un exceptionnel système de formation et sur une histoire multiséculaire. Nous pouvons être fiers car ce projet est l’un des principaux projets écologiques en Europe qui va permettre de lutter massivement contre le dérèglement climatique. En apportant une offre puissante de mobilité collective et en créant les conditions d’un aménagement durable des territoires de la métropole, le nouveau métro permettra en effet de réduire de manière significative le niveau des émissions de gaz à effet de serre en France.
Propos recueillis par Danièle Licata
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