Après les métropoles et les communautés urbaines, les transferts de compétences « eau et assainissement » seront obligatoires aux communautés de communes et d'agglomération au 1er janvier 2020.
Clarification, financement, ingénierie : ce sont les trois principales préoccupations qu’ont exprimées les élus lors des Assises de l’eau, qui se sont tenues à Douai, début juin », lance Claude Miqueu, président de la commission réglementation du Comité national de l’eau. Et de poursuivre: « Et pour cause: la gestion durable des eaux pluviales constitue un défi d’autant plus important pour les collectivités, que le transfert de compétences “eau et assainissement” intègre celui de la gestion des eaux pluviales aux communautés d’agglomérations et de communes à compter du 1er janvier 2020. En intégrant l’eau et l’assainissement aux intercommunalités, le législateur souhaite donner une nouvelle gouvernance au cycle de l’eau. »
Car le dernier rapport de l’Observatoire national des services publics recense pas moins de 34714 services portés par 23 688 collectivités. Or, les petites structures n’ont pas les moyens humains ni les compétences nécessaires pour répondre aux enjeux actuels comme la complexité des missions, le renforce- ment de la réglementation, les tensions sur les ressources aggravées par le réchauffement climatique. Sans compter les énormes besoins financiers nécessaires au renouvellement des équipements. Encore aujourd’hui, leur bon fonctionnement repose sur la débrouille et la bonne volonté des élus. Parce que le système D a ses limites, la loi « Notre », qui impose le transfert de ces compétences à l’intercommunalité, vise à réduire l’émiettement des services d’eau et d’assainissement.
En attribuant aux collectivités la « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (Gemapi), la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam), du 27 janvier 2014, leur a donné un rôle majeur dans la gestion de l’eau. Si cette redistribution des rôles permet d’améliorer le traitement, il n’en reste pas moins que la transition soulève chez les élus bon nombre d’interrogations.
En tête, le financement: pour le ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, la réforme portée par la loi Notre va réduire notablement le nombre de collectivités organisatrices (2 000) qui pourront à la vue de leur taille se doter de moyens financiers plus importants. Mais pour les élus, la facture d’eau et la taxe Gemapi risquent de ne pas pouvoir supporter l’ensemble de la politique d’eau.
« Il est clair que le modèle économique doit être entièrement repensé, préconise Claude Miqueu. Les politiques d’eau et d’assainissement doivent être replacées au cœur des projets des territoires et gérées de façon transversale ». Car dans le domaine, le « petit cycle d’eau » et le « grand cycle naturel » sont deux mondes qui ont jusqu’à présent été séparés. En effet, depuis le XIXe siècle, l’homme a mis en place un système (petit cycle) pour capter la ressource en eau, la rendre potable, la distribuer, puis la traiter pour la restituer. Par opposition, « le grand cycle » correspondant aux mouvements perpétuels de l’eau dans la nature: évaporation, précipitation, ruissellement, infiltration... Or, en réalité, il y a beau- coup de porosité entre les deux cycles.
À l’heure de la gestion intégrée de l’eau, les politiques devront se soucier tout autant des ressources que de la production, et intégrer les nouveaux enjeux qui sont, le changement climatique, la biodiversité et la transition énergétique. La mise en place d’une gestion globale, intégrée à l’aménagement du territoire, est devenue un enjeu majeur pour le ministère de l’Environnement comme pour les acteurs territoriaux.
UNE NOUVELLE GESTION TROP AMBITIEUSE ?
Pour l’heure les élus semblent ignorer le mode d’emploi. Car cette transition manque sérieusement de pédagogie. On demande aux élus de gérer la complexité sans formation. De l’aveu même du Premier ministre, Édouard Philippe, lors de son audition au Congrès des maires des villes moyennes, qui s’est tenu à Albi (81), en juin: « En matière d’eau et d’assainis- sement, nous n’avons pas été jusqu’au bout. » Comprenez: il faudra encore du temps. En retour les élus répondent:« Nous avons besoin d’une mallette pédagogique. »
Quant aux financements, pour Claude Miqueu, il existe des solutions qui restent mal connues. « Les régions peuvent ani- mer et coordonner la politique de l’eau selon l’article 12 de la loi Notre. Trois régions s’y sont déjà engagées. Tout comme les départements. La Sarthe et la Gironde, par exemple, ont créé le Comité départemental de l’eau, avec une mutualisation vertueuse des moyens. »
Quoi qu’il en soit si certains doutent de la pertinence du transfert de compétences, les mutations de la société, les pressions nouvelles sur le milieu, les changements climatiques, les préoccupations de santé publique... vont tendre à replacer la question de l’eau au cœur de l’agenda politique local. Et les communautés sont attendues pour opérer cette transformation, harmoniser les tarifs dans les bassins de vie, créer des solidarités nouvelles, optimiser la performance des services. C’est le sens de l’Histoire.
EN QUELQUES CHIFFRES
34 714 services publics d’eau potable et d’assainissement non collectif.
23 688 collectivités ou groupements qui gèrent l’une ces compétences au moins.
23,6 millions d’abonnés, les services sont fournis à la quasi-totalité.
On recense 360 000 habitants non desservis notamment dans les collectivités ultramarines.
Ces différents services produisent et traitent près de 5,4 millions de m3 chaque année avec un taux de fuite situé autour de 20 % en moyenne (954 millions de m3 perdus).
Inscrivez-vous dès maintenant sur le groupe Facebook Paroles de Maires pour obtenir des informations quotidiennes sur l'actualité de vos missions.