La pandémie et les confinements successifs en 2020 et 2021 ont poussé le monde de l’éducation à se réinventer, aidé par des outils et contenus numériques qui ont montré leur capacité à maintenir le lien pédagogique. Dans le même temps, le secteur des technologies éducatives a connu une croissance inédite. L’ère numérique serait-elle en train de changer l’environnement global de l’apprentissage ?
Travail à distance, classes virtuelles, plate- formes collaboratives, formations à dis- tance... Les écoles, collèges, lycées, universités et instituts de formation se sont tournés vers le digital pour assurer la continuité éducative dans un contexte de crise sanitaire, avec des pratiques innovantes qui se sont développées à grands pas. « La crise sanitaire a mis en avant la nécessité d’outils numériques pour assurer la poursuite de l’enseignement hors de l’école. Elle a également montré les difficultés de certaines familles, dépourvues de ces équipements. Fort de ce constat, et dans la lignée de ce que nous avons déjà initié depuis sept ans (salle numérique et tableaux interactifs dans tous les établissements scolaires), nous avons décidé de mettre en place un plan numérique ambitieux dans nos écoles, en lien avec l’Éducation nationale. L’octroi d’une tablette à chaque enfant scolarisé en élémentaire, en est un pilier fort : il permettra de renforcer les apprentissages et d’apprendre dans des conditions modernisées », indique Jean- Didier Berger, maire de Clamart (Hauts-de Seine). Le projet pluriannuel de la ville, piloté par Seine-et-Yvelines Numérique, opérateur de services numériques innovants et mutualisés des collectivités des Hauts-de-Seine et des Yvelines sera doté d’un budget de 4,5 millions d’euros et déployé progressivement sur cinq ans. Selon une étude de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la per- formance (Depp) du ministère de l’Éducation nationale publiée en mars 2021, le numérique prend une place de plus en plus importante pour les établissements qui sont davantage dotés en ordinateurs mais aussi tablettes, tableaux numériques interactifs, rétroprojecteurs, etc. Par exemple, le nombre de tableaux numériques interactifs est passé de 2 pour 1000 élèves dans les écoles élémentaires en 2009 à 17 pour 1000 élèves en 2019. Dans les collèges, il est passé de 3 pour 1000 élèves à 17,7 pour 1000 élèves au cours de la même période. Parallèlement, on observe une forte augmentation du pourcentage d’établissements et d’écoles, dont le projet fait référence aux technologies de l’information et de la communication.
DES COLLECTIVITÉS ENGAGÉES
À Elancourt ((Yvelines), pionnière du numérique à l’école qu’elle déploie depuis 2006, le projet de ville repose sur le déploiement d’outils numériques innovants dans tous les établissements scolaires, en lien avec l’Éducation nationale qui assure la formation des enseignants. Son maire, Michel Fourgous, élu président de l’agglomération de Saint-Quen- tin-en-Yvelines à deux reprises, a également fédéré les partenaires institutionnels du territoire – le département des Yvelines, la région Île-de-France et les douze communes de SQY – aux côtés des référents de l’Éducation nationale, pour que ce grand projet soit progressivement uniformisé au primaire comme au secondaire et déployé à l’échelle de l’agglomération. La région Grand Est a mis en œuvre le dispositif « Lycée 4.0 », qui permet à tous les lycéens de bénéficier d’un ordinateur offert par la collectivité et de le conserver pour la suite de leurs études. Avec la généralisation la plateforme de cours en ligne Moodle et l’accès aux ressources numériques, cette initiative a été une des clés de la réussite de la mise en œuvre de la continuité pédagogique pendant les mois de confinement en créant une cohésion et une solidarité entre les territoires. Un dispositif d’accompagnement, de formation et d’assistance aux usages a été mobilisé par les services académiques de l’Éducation nationale pour accompagner ces transformations.
Afin de tester le déploiement d’équipements numériques, de contenus pédagogiques et de dispositifs de formation des professeurs et des familles, l’État lançait en septembre 2020 dans deux départements pilotes, l’Aisne et le Val d’Oise, les Territoires Numériques éducatifs (TNE), assortis d’un marché public de 25 M€ pour la constitution d’un bouquet de ressources numériques éducatives lancé par Réseau Canopé et financé par France 2030. L’ambition ? renforcer la continuité pédagogique, y com- pris en situation de crise sanitaire, résorber les inégalités sociales ou territoriales devant le numérique éducatif, et permettre aux enseignants de bonifier leurs pratiques pédagogiques, grâce au numérique. À ce jour, dix départements supplémentaires ont été intégrés dans le dispositif TNE: Bouches-du-Rhône, Cher, Corse du Sud, Doubs, Finistère, Guadeloupe, Hérault, Isère, Vienne et Vosges.
LES TECHNOLOGIES SE DÉVELOPPENT
Derrière ce mouvement global de digitalisation des pratiques éducatives, il y a la filière des technologies éducatives, communément appelées EdTech, qui propose une nouvelle expérience de l’apprentissage grâce à des applications mobiles, des plateformes ou des sites Inter- net, voire des expériences immersives ou des robots. Au plus fort de la crise sanitaire, le secteur a répondu aux besoins du monde éducatif et de la formation avec des solutions innovantes pour assurer la continuité pédagogique en dehors des murs de l’école. « Depuis la crise de la Covid-19, nous avons assisté à un véritable bond en avant à la fois dans la demande et l’utilisation de logiciels mais aussi dans les mentalités. Des personnes qui auparavant ne percevaient pas l’intérêt des solutions les utilisent aujourd’hui », explique Éliott Boucher, fondateur d’Edusign, une entreprise spécialisée dans l’émargement digital ainsi que dans la gestion de documentation administrative. Selon une étude EY-Banque des Territoires publiée en mars 2022, la filière EdTech française a connu une croissance inédite ces deux dernières années : avec 90 entreprises créées en 2020-2021, ce sont environ 500 EdTech françaises qui emploient 10000 employés, génèrent un chiffre d’affaires de 1,3 Md€. Elles ont levé près de 438 M€ de capitaux en 2021, dépassant très largement le niveau record de l’année 2018 (128 M€). Reste à savoir si ces technologies permettent réellement d’améliorer les méthodes d’apprentissage. Selon une en- quête SynLab-Banque des Territoires meneé en 2020, pour les enseignants, les EdTech ne sont pas encore perçues comme un outil pour réduire les inégalités, même si pour la majorité d’entre eux (62 %) le numérique éducatif permet de développer de nouvelles pédagogies.
Blandine Klaas
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