Pour Olivier de la Roussière, président de Vinci immobilier : « Le développement urbain fondé sur l’artificialisation des sols n’est plus tenable sur le plan environnemental »

2022 marque un tournant dans la stratégie environnementale du promoteur VINCI Immobilier qui prend cette année deux engagements très forts. Atteindre l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) pour l’ensemble de ses activités de promotion immobilière, dès 2030 et réaliser plus de 50 % de son chiffre d’affaires, avant cette date, dans des opérations de recyclage urbain. Les explications d’Olivier de la Roussière, président du groupe dans un entretien avec RCL.

RCL : La loi Climat et résilience fixe l’objectif ZAN à 2050. Le groupe VINCI Immobilier veut atteindre cet objectif avec vingt ans d’avance sur l’objectif de la loi Climat et résilience...

Olivier de la Roussière : Notre stratégie ZAN 2030 repose sur la conviction que le développement urbain fondé sur l’artificialisation des sols n’est plus tenable sur le plan environnemental en raison notamment de l’altération des fonctions naturelles du cycle de l’eau et de l’impact des constructions sur la biodiversité. Nous devons continuer à construire pour répondre aux besoins, mais si nous devons artificialiser à certains endroits, nous le ferons avec le plus de sobriété possible. Et nous compenserons chaque mètre carré de surface artificialisée par la désartificialisation d’une surface équivalente sur d’autres projets. C’est la signification de l’objectif zéro artificialisation net. Depuis le début 2022, toute nouvelle opération qui artificialise plus de terrain qu’elle ne produit de mètres carrés sera refusée en comité d’engagement foncier. Pour atteindre cet objectif ambitieux que nous nous sommes fixé, nous devrons renoncer à certaines opérations que nous avions programmées et qui représentent près de 10 % de notre chiffre d’affaires.

Vous vous engagez également à réaliser la moitié de votre chiffre d’affaires avec des opérations de réhabilitations de friches. Quelles en sont les vertus ?

OR. : Ce deuxième engagement est directement lié au premier, puisque le ZAN nous conduira à intervenir le plus possible sur des terrains déjà artificialisés. Or, il existe en France un nombre important de friches constituées par nombre de bâtiments inusités, à l’abandon ou tout simplement devenus obsolètes en termes d’usage. Je pense notamment à des sites industriels désaffectés, des parkings sous-occupés, des centres commerciaux, des entrepôts, d’anciens bâtiments hospitaliers ou administratifs qui peuvent être réhabilités de manière intelligente. Ce parc immobilier va générer de nombreuses opportunités de transformation. À nous d’être malins et inventifs pour réussir à tenir cet engagement que nous avons pris de réaliser plus de 50 % de notre chiffre d’affaires en recyclage urbain avant 2030. À Troyes par exemple, nous avons recréé un morceau de ville, à proximité de la gare, sur un terrain dont les bâtiments étaient inutilisés depuis dix ans. Nous avons créé sur cette friche deux résidences, seniors et étudiants, avec nos filiales OVELIA et Student Factory, des commerces ainsi qu’un hôtel quatre étoiles. En améliorant le tissu urbain ainsi que la vie des habitants, la réhabilitation de friches présente un réel intérêt pour les collectivités en termes d’aménagement.

La logistique urbaine constitue-t-elle une opportunité pour la reconversion d’anciens parkings ?

O. R. : Il est évident que nous allons vivre une révolution dans nos sous-sols en raison des centaines de milliers de mètres carrés d’anciens parkings disponibles mais qui toutefois n’ont pas toujours la capacité de résistance nécessaire au niveau des planchers, rendant quelquefois coûteuse leur transformation. Il s’agit là d’un sujet difficile à appréhender en raison de la complexité des valeurs de foncier : le recyclage de friches coûte plus cher en milieu urbain. La logistique du dernier kilomètre est un sujet complexe sur lequel de nombreuses start-up se penchent.

D’une manière plus générale quelle est votre stratégie environnementale ?

O. R. : Nous généralisons cette année la mise en place d’un cahier des charges environnemental, avec un certain nombre d’exigences autour de la lutte pour la préservation de la biodiversité et contre le réchauffement climatique, afin que nos opérations soient très bonnes en termes de qualité environnementale. Par exemple, sur certains projets nous avons augmenté nos budgets en espaces verts. Nos mesures sur le ZAN et sur le recyclage urbain ne doivent pas occulter les autres engagements environnementaux que nous avons pris. Nous appliquons depuis 2016 la charte chantiers propres sur l’ensemble de nos opérations. Elle consiste à mettre en place un plan de gestion de déchets en amont de chaque chantier, de conserver le site en état de propreté ou encore d’utiliser des engins moins bruyants. Le groupe Vinci s’est engagé à accroître dans ses constructions la part des matériaux biosourcés et de béton ultra-bas carbone. 90 % de béton bas carbone sera mis en œuvre dans leurs constructions en 2030, avec pour objectif de réduire de 40 % des émissions de CO2 du groupe d’ici à la fin de la décennie.

Avez-vous recours au réemploi de matériaux recyclés dans vos programmes de construction ?

O. R. : Le Village des athlètes que nous construisons à Saint-Denis, dans le cadre des événements sportifs de 2024, est notre chantier modèle. Certains matériaux utilisés pour les ouvrages provisoires seront réemployés dans le futur quartier. Par ailleurs, 6 000 tonnes de bétons concassés issues des démolitions ont été réutilisées pour le terrassement et comme revêtement de voiries provisoires. Sur l’ensemble de l’opération, les bâtiments visent un bilan carbone inférieur de 40 % à celui de bâtiments conventionnels en faisant appel au réemploi bien sûr, mais également en choisissant des matériaux constructifs qui seront à faible empreinte carbone : bois, béton bas carbone et ultra-bas carbone, lequel sera utilisé pour la première fois à cette échelle. Le sujet du réemploi et du recyclage de matériaux est en pleine émergence dans les secteurs de l’immobilier et du BTP avec toutefois beaucoup de difficultés à la fois en termes d’assurances et de réglementation. À partir de 2022, nous allons suivre les taux de recyclage et de tri des matériaux sur l’ensemble de nos chantiers.

Comment allez-vous évaluer l’ensemble de vos actions ?

O. R. : Il est fondamental que nous puissions démontrer les engagements que nous prenons. Systématiquement désormais, nous produirons une fiche pour chaque opération depuis son lancement jusqu’à la livraison afin d’en connaître l’impact sur son environnement. Grâce à nos outils de mesure et de reporting nous pourrons suivre, année par année, notre progression ainsi que les premiers effets des mesures que nous avons prises. Notre objectif étant de progresser dans tous les domaines en mettant en œuvre les mesures que nous décidons, en les implémentant, mais aussi en les partageant avec nos collaborateurs.

Propos recueillis par Blandine Klaas