L’autopartage veut passer à la vitesse supérieure

Au cœur de la stratégie des collectivités pour faire face aux risques climatiques et à la fracture territoriale, l’autopartage est également une réponse aux enjeux de pouvoir d’achat… à condition que les services partagés se déploient à grande échelle.

« Lulu », c’est le nouveau service d’autopartage électrique en Lunévillois, dans le département de Meurthe-et-Moselle (54) idéal pour emmener les enfants à la piscine et à la médiathèque, pour faire ses courses, pour se rendre à un rendez-vous médical, à une réunion importante ou encore à un entretien d’embauche…. « Lulu », ce sont 42 véhicules électriques en autopartage disséminés dans les villes et les villages de l’intercommunalité. Chacun dispose d'une borne de recharge et d'un espace qui lui est réservé. On y accède facilement en s'inscrivant au service en ligne. On réserve, on emprunte et on rend le véhicule à la place à laquelle on l'a emprunté. Tout est compris dans le prix : la location, l'assurance, l'essence, l'entretien et le nettoyage. Mais le pays du Lunévillois n’est pas un cas isolé.

Montée en puissance

Désormais, aux quatre coins de France, le partage de véhicules, loués à l’heure, disponibles 24h/24,7j/7, entièrement digitalisé tente de se faire une place parmi les différents modes de déplacement pour limiter la fracture territoriale en permettant à tous l’accès aux services publics, faire face aux risques climatiques et sanitaires liés aux émissions de CO2, et favoriser la vie associative, culturelle ou encore sportive.

« Avec son offre de mobilité partagée proposée aux collectivités, y compris en milieu rural et peu dense, Mobicoop, coopérative de partage de mobilité qui déploie également des services de covoiturage, d’auto-stop et de mobilité solidaire, s’intègre pleinement à la stratégie de lutte contre la fracture territoriale. L’offre de service de Mobicoop contribue à rendre les territoires plus attractifs et connectés, au service du développement d’une mobilité durable et inclusive » décrypte Pierre Aubouin,  directeur du département Infrastructures et Mobilité à la direction de l’Investissement de la Banque des Territoires, qui avec la Macif (via sa filiale Macif Innovation) et la CG Scop (via son fonds d'investissement Socoden) ont investi 800 000€  dans la coopérative pour accompagner le déploiement de son offre de mobilité solidaire.

Dans la Métropole Nice-Côte d’Azur, plus de 700 automobilistes ont téléchargé l’application 10 000 fois depuis le lancement de Shaary en juillet dernier. Mobilize Share passe à 70 véhicules en autopartage à Nice et se développe dans toutes les villes alentour, au moment où Getaround, un autre acteur de la mobilité partagée, annonce un pic de fréquentation avec près de 3 000 trajets effectués sur juillet-août. La ville de Marseille a également connu une croissance à deux chiffres en juillet 2022. En Aquitaine, Getaround a également enregistré plus de 3 000 locations en juillet, soit une hausse de 50% par rapport à 2021. Et après avoir lancé en 2021 le premier service de locations 100% digitalisées en Corse avec Getaround Connect, la plateforme a observé une croissance à 2 chiffres de la demande tout au long de l’été, sans échapper au pic de juillet, au cours duquel les locations ont augmenté de plus de 60% par rapport à 2021.

Des enjeux de pouvoir d’achat

« Nous sommes convaincus que l’autopartage est aujourd’hui l’une des réponses viables aux enjeux amenés par l’automobile. En disposant d’une voiture où et quand ils le souhaitent, sans devoir en posséder une, nos utilisateurs économisent un montant non négligeable de pouvoir d’achat, surtout lorsque l’on sait qu’une voiture personnelle peut coûter plus de 6 000€ par an ! » analyse Simon Baldeyrou, Président, Getaround Europe.
Car l’autopartage, c’est aussi la possibilité de mettre son propre véhicule en location pour arrondir ses fins de mois, ou faire appel à un particulier via des plateformes spécialisées. « On est au cœur de l’économie collaborative » selon Simon Baldeyrou.  L’autopartage est non seulement un bon moyen d’amortir les coûts de sa voiture lorsque l’on ne s’en sert pas, mais aussi de générer un revenu additionnel non négligeable en tant que propriétaire ».

Alors que le gouvernement annonce la fin d’une période d’abondance dans un contexte de hausse des tarifs de l’énergie et des matières premières, la sobriété et l’optimisation des ressources deviennent des enjeux majeurs qui bouleversent les modes de déplacement. Reste que selon une étude récente menée par l’ADEME avec le concours du bureau de recherche 6t, à l’échelle nationale, l’impact environnemental demeure encore marginal. « Ceci en raison du faible volume (nombre de voitures à disposition, nombre d’utilisateurs actifs) que représentent ces services. La concrétisation d’un réel impact de l’autopartage nécessiterait une multiplication par 100 du volume de services existant ».

Danièle Licata

Avec son véhicule automatisé en centre-ville, Montpellier a déjà un pied dans le futur

Montpellier Méditerranée Métropole accueille, depuis septembre dernier Carreta, le seul projet d’expérimentation de véhicules autonomes dédiés à la logistique urbaine retenu par le gouvernement suite au lancement de son appel à projets mené dans le cadre du programme d’investissement d’avenir. Il a bénéficié d’une subvention de 500000 € de la part de l’État et de 100000 € de la part de la métropole de Montpellier.

La voiture autonome, sans conducteur, qui roule, freine, change de file, un rêve d’ingénieurs ? Plus aujourd’hui à Montpellier. La métropole est, depuis septembre dernier, la première terre d’expérimentation du véhicule automatisé dédié à la logistique urbaine. « Montpellier est un territoire d’innovation et de recherche, boosté par sa stratégie de la ‘Ville intelligente’ et ses investissements dans les mobilités décarbonées », lance fièrement Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole. En effet, le projet Carreta figure parmi les seize expérimentations nationales retenues par l’État. Objectif : évaluer les opportunités de développement de la filière véhicule autonome en France. « Nous sommes fiers d’accueillir Carreta, le seul projet sur la thématique de la logistique urbaine. Le véhicule autonome ne remplacera jamais le contact humain, mais il est un nouvel outil précieux pour réduire l’impact des activités logistiques en cœur de ville et structurer de nouvelles filières », poursuit l’édile de la septième ville de France.

La puissance du collectif

Avec un financement dans le cadre du programme des investissements d’avenir (PIA) confié à l’Ademe, Montpellier s’est entouré de partenaires aux savoir-faire complémentaires pour mener à bien cette expérimentation validée par le ministère de la Transition écologique et solidaire : TwinswHeel, une start-up de la région Occitanie qui conçoit et fabrique les véhicules de logistiques à Cahors ; CARA, le pôle de compétitivité expert dans le transport collectif de personnes et dans le transport de fret ; STEF, leader européen des services de transport et de logistique sous température contrôlée : le Groupe La Poste et enfin Mobis, Mines, Télécom d’Alès, l’université de Montpellier et la chaire Internationale Cit.Us.

Face à l’essor croissant des flux de transport de marchandises, l’urgence était de fluidifier la circulation dans l’espace public et d’améliorer l’accès au centre-ville. C’est tout l’enjeu du projet Carreta qui, en proposant une solution innovante et durable pour la livraison de marchandises, permet de décongestionner le cœur de ville. « L’expérimentation Carreta s’inscrit dans notre recherche de solutions complémentaires pour structurer et optimiser la chaîne logistique aux regards des enjeux sociaux et environnementaux, tout en garantissant un service humain de proximité », explique Philippe Dorge, directeur général adjoint du Groupe La Poste. Car ces véhicules automatisés, sont conçus pour assister les livreurs et les libérer des tâches les plus pénibles ou répétitives, comme les charges lourdes ou les allers-retours pour permettre aux livreurs de privilégier le contact humain.

36 mois d’expérimentation

Durant 36 mois, de petits véhicules jaunes sillonneront la ville pour livrer colis et courrier pour le compte de La Poste mais également de produits alimentaires pour STEF. Les droïdes vont circuler dans un premier temps, accompagnés d’une personne, dans le quartier d’Antigone, puis dans le cœur historique de Montpellier. « C’est une véritable avancée dans le domaine de la logistique urbaine, mais aussi dans l’automatisation de la conduite urbaine rendue possible grâce à la coordination des acteurs de la filière au travers du projet SAM », commente Philippe Gache, directeur de programme système de transports et intelligence de CARA.

Concrètement, le projet se déroulera en trois temps. La première phase qui a démarré le 17 septembre dernier vise à valider l’ensemble des briques technologiques du véhicule autonome pour valider sa sûreté et sa fonctionnalité, notamment sa capacité à cartographier, reconnaître les parcours tracés et détecter les éventuels obstacles. La deuxième phase, qui débutera cette année, permettra de valider le comportement du véhicule vis-à-vis de son environnement de circulation et de sa capacité à répondre aux contraintes opérationnelles relatives aux horaires, routes et autres spécificités des cas d’usage de STEF et La Poste. Durant ces deux premières phases, le véhicule roulera à vide dans les rues de Montpellier afin de collecter un maximum de données et d’adapter le véhicule selon les retours d’expériences.

Enfin, la troisième phase consistera en une expérimentation en conditions réelles. En effet, le véhicule transportera des marchandises pour valider sa pertinence pour tous les cas d’usages. Cette expérimentation permettra en effet, d’évaluer l’intérêt et les impacts d’une logistique urbaine et d’en mesurer l’intérêt sociétal et économique.

« J’attache une grande importance à cette première expérimentation de logistique urbaine automatisée. Elle doit permettre de mieux connaître les impacts et les conditions du déploiement du futur. Et c’est dans cet esprit que l’État soutient financièrement ce projet notamment au travers du programme d’investissements d’avenir qui a ouvert un appel d’offres en 2019, dont est issu Carreta », conclut Anne-Marie Idrac, ancienne ministre, haute représentante du gouvernement pour le développement du véhicule automatisé.

 

Danièle Licata