« 10.000 communes carencées en foncier » : 3 questions à Nicolas Thouvenin, docteur en sciences économiques et délégué général de l’UNAM

Vous avez réalisé une étude d’impact de la loi Climat et Résilience en matière de lutte contre l’artificialisation des sols et testé l’objectif ZAN dans chaque commune. Quelles conclusions tirez-vous de cette nouvelle étude inédite sur le logement ?

Nicolas Thouvenin : Le ZAN « zéro artificialisation nette » vise à subordonner les ouvertures à l’urbanisation à la renaturation des espaces abandonnés d’ici à 2050. Mais pour seule principale contrainte imposée aux collectivités à date, la loi Climat et Résilience votée en 2021 prévoit de réduire de moitié la consommation d’espaces artificialisés au cours des dix prochaines années. Est-ce possible ? Oui, sans hésiter. Selon notre étude exploratoire pionnière en la matière, c’est déjà le cas dans 45 % des communes où l’artificialisation est en baisse de plus de 50 %. C’est également possible pour près de 5000 autres communes où cette baisse est comprise entre -25 % et -50 %. Cela risque en revanche d’être plus compliqué pour toutes les communes qui ont une forte demande de logements mais pas les capacités foncières pour y répondre. Pour celles qui accusent des déficits de production passés, il faut avouer que ce sera compromis : avec 25 % des EPCI concernés, le sujet est réellement préoccupant.

Votre étude dénombre 10000 communes carencées en foncier. Comment, selon vous, arriveront-elles à atteindre les objectifs poursuivis ?

N.T. : Nous avons arrêté une méthodologie pour identifier les communes en difficulté, c’est-à-dire celles qui ne parviendront pas à compenser le déclassement de la moitié des zones à urbaniser. Ces dernières devront néanmoins s’inscrire sur une trajectoire de sobriété foncière et contribuer significativement à l’atteinte des objectifs inter-SCoT qui seront retranscrits dans les SRADDET. Leur effort consenti dépendra, au cas par cas, de l’ampleur et de l’hétérogénéité des besoins. D’après les simulations réalisées sur notre « supercalculateur» objectif-zan.com, rares seront toutefois les communes qui atteindront l’objectif sans concentrer plus de la moitié des constructions neuves dans l’enveloppe urbaine existante et respecter un ratio d’au moins 25 logements à l’hectare pour les nouvelles zones à urbaniser.

La raréfaction des terrains va-t-elle, selon vous, entraîner une hausse généralisée des prix du foncier ?

N.T. : Oui, la raréfaction du foncier disponible va inéluctablement entraîner une hausse des prix par le simple jeu de la loi de l’offre et de la demande. Cette hausse devrait néanmoins rester contenue car elle sera difficilement répercutable sur la clientèle, déjà affectée par la crise du pouvoir d’achat et la remontée des taux d’intérêt. Toutes choses égales par ailleurs, les prix du foncier pourraient même baisser à moyen terme. Déjà sensibles aux hausses des prix des matériaux et de l’énergie, ils serviront de variable d’ajustement dans le bilan des opérateurs pour amortir les surcoûts liés au recyclage foncier. Mais quels que soient les mouvements de prix anticipés, seul un véritable choc fiscal et l’émergence de nouveaux outils de financement dans le sillage des fonds ISR et de la taxonomie européenne devraient raisonnablement permettre au marché de s’ajuster à plus long terme et d’anticiper la renaturation des sites qui seront définitivement délaissés.

Propos recueillis par D.L.