Un téléphérique urbain pour désenclaver les quartiers hauts de Saint-Denis de La Réunion

Proposer une alternative à l’utilisation des véhicules particuliers, relier entre eux plusieurs pôles générateurs de l’agglomération dionysienne mais aussi améliorer le maillage du réseau de transports en commun sont autant d’enjeux auquel le premier téléphérique urbain ultramarin devra répondre.

Baptisé « Papang », du nom d’un rapace endémique local, le téléphérique urbain de la capitale réunionnaise est bien plus qu’un nouveau moyen de transport. « Ce transport en commun moderne participe à l’amélioration du cadre de vie de notre population et permet d’économiser du foncier si rare à la Réunion », selon Maurice Gironcel, président de la communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR), un territoire innovant situé au nord de La Réunion qui regroupe les communes de Saint-Denis, Sainte-Marie et Sainte-Suzanne, soit plus de 190 000 habitants. Avec sa mise en service le 15 mars, les habitants des quartiers des hauts peuvent à présent rejoindre le centre-ville en un temps réduit sans prendre la voiture. Désengorger les routes sinueuses reliant les pentes résidentielles au littoral, où se concentre l’essentiel de l’activité économique, c’est l’autre atout du nouveau téléphérique. Il aura fallu un voyage, une loi et une volonté politique très forte des élus pour lancer un projet de transport public libéré des contraintes routières, affirme le président. C’est la visite d’une délégation dyonisienne à Medellin, en Colombie, qui a achevé de convaincre les élus que le transport par câble était la meilleure solution alternative à la route dans cet environnement hautement urbanisé. La loi de transition énergétique promulguée en août 2015, autorisant le survol des bâtiments sans expropriation a rendu possible le déploiement d’une ligne de transport urbain par câble aérien. Il n’en fallait pas plus pour que le projet puisse enfin être mis en route. Les passagers peuvent désormais embarquer dans l’une des 46 cabines Diamond de 10 places assises défilant à la fréquence de 36 secondes qui relient sur 2,7 kilo- mètres le quartier du Chaudron situé à l’est du centre-ville de Saint-Denis au quartier de Bois de Nèfles Sainte-Clotilde au nord de la ville en passant par le quartier du Moufia. Le tout en 14 minutes.

UN MOYEN DE TRANSPORT DÉCARBONÉ

En créant une alternative au tout voiture, la ville de Saint-Denis qui accueille 2000 nouvelles voitures par an soit plus de 85000 véhicules en moyenne qui circulent chaque jour dans le chef-lieu, pour- suit son objectif de réduire le nombre de véhicules la traversant. « Les habitants doivent pouvoir circuler sereinement de Sainte-Suzanne et traverser Saint-Denis sans se soucier de la circulation, sans la voiture, en utilisant des moyens de transport doux et écologiques », rappelle le président de la Cinor. Bien plus qu’un mode de transport, le Papang a été intégré dans le plan d’aménagement de la ville et directement connecté au réseau de transport en commun sur site propre (TCSP) pour faciliter la relation entre les différents quartiers. « La ville s’engage depuis le début de la mandature dans ces nouveaux modes de déplacement en doublant ses pistes cyclables, en étendant le dispositif bus gratuit de 6 à 26 ans à terme, en mettant en place plus de transports scolaires, en disposant de vélos à location courte et longue durée en libre-service, en créant des zones 30 dans les quartiers et en aménageant sa nouvelle entrée ouest (NEO). », souligne Ericka Bareights, maire de Saint-Denis. Pour nourrir la multimodalité, la Sodiparc, une des entreprises délégataires du réseau de transport urbain de la ville, a réadapté le réseau de bus Citalis afin que les habitants des bassins de vie des quartiers traversés puissent se déplacer autrement et accéder à cette nouvelle mobilité.

PROUESSE TECHNOLOGIQUE

Le téléphérique est construit à 100 % en zone urbaine donc passe au-dessus des habitations. La sécurité des installations assurée par la société réunionnaise Atexia Systemes (Vinci Energies) constitue un enjeu capital dans une telle configuration. Tous les moyens ont été mis en œuvre pour veiller à la sécurité des infrastructures, des habitations et des usagers. En ce qui concerne les habitations, un système complet de surveillance et de détection incendie a été mis en place en dessous des lignes, soit 96 caméras thermographiques au total installées sur l’ensemble de la ligne. Concrètement, elles assurent la surveillance et la détection de départs de feu, celle aussi des 26 pieds de pylônes avec des solutions anti-intrusion (loi antiterroriste). Cinq postes opérateurs assurent la protection des gares. Un système de gestion intelligente des vidéos pour commander les entrées-sorties ainsi qu’un autre pour l’éclairage des pylônes complètent le dispositif de sécurité.

Cette première ligne, comprenant cinq stations, tient compte du futur projet « Run Rail » de la région Réunion. Elle s’inscrit dans le projet de « Réseau intégré de transport moderne » porté par la ville de Saint-Denis (RITMO), qui comprend la création d’ici à dix ans d’un réseau de cinq lignes téléportées desservant plusieurs quartiers des hauts et les mi-pentes en restant connecté au réseau de transport en commun en site propre du centre-ville ainsi qu’une ligne de tramway reliant le tour de l’Île. Toujours avec cette volonté politique de régler le problème de congestion. Financé par la communauté intercommunale du nord de La Réunion (Cinor), le coût final du téléphérique réunionais atteint 54 millions d’euros, dont 16 millions apportés par l’Europe et le conseil régional.

 

Blandine Klaas

Les réseaux de transport urbains favorisent les déplacements multimodes

Petit à petit, les nouvelles formes de mobilité intègrent les offres globales proposées par les opérateurs de transport afin d’offrir aux usagers l’offre de transport la plus performante possible.

Pourra-t-on à l’avenir penser les réseaux de transports publics sans y associer d’autres formes de mobilité ? Pour Stéphanie Lopes d’Azevedo, directrice du département des affaires économiques et techniques de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP), la réponse est non. « On va devoir jouer la complémentarité des modes partout où cela est possible, sur les premiers et derniers kilomètres notamment. La loi LOM a donné aux collectivités locales ainsi qu’aux autorités organisatrices de mobilité (AOM) plus de compétences sur tout l’éventail des mobilités, qu’il s’agisse de modes actifs comme le vélo, de l’autopartage, du covoiturage ou encore du transport à la demande. » La crise sanitaire a donné lieu à de nouvelles habitudes de déplacement et accéléré le développement de nouvelles mobilités, le vélo en tête avec une augmentation du trafic dans tous les milieux urbains, périurbain et rural de 30 % en 2020 par rapport à 2019, selon une enquête menée par le réseau Vélo & Territoires. L’articulation entre les réseaux de transports en commun et ces nouveaux modes de déplacement est une tendance de fond qui émerge et pourrait bien contribuer à redonner aux transports collectifs une nouvelle attractivité.

 

COMBINER LES MODES DE DÉPLACEMENT

À l’heure où de nombreux opérateurs et collectivités découvrent le MaaS (Mobility-as-a-Service), le syndicat mixte des transports en commun du Territoire de Belfort peut se targuer de compter parmi les pionniers en France de l’intermodalité. « Offrir avec les transports en commun la même liberté qu’en voiture individuelle sans les inconvénients », tel est son credo depuis près de dix ans avec l’intégration d’un service d’auto-partage baptisé « L’Auto en libre-service » dans le bouquet de mobilités du Territoire de Belfort. « Lancer ce service d’autopartage était une réponse à un enjeu d’intérêt public », souligne Franck Mesclier, directeur du développement et des mobilités partagées, notamment pour connecter les territoires ruraux au réseau urbain de Belfort. Sachant que le vélo est le moyen le plus rapide sur de courtes distances, que l’autobus est performant aux heures de pointe et que les longs parcours sont pertinents en automobile, son pack « triple play » répond à un besoin réel. Résultat : de 4,8 millions de voyageurs annuels en bus en 2006, la fréquentation a bondi à 8,7 millions de voyages en 2018. Le SMTC ne compte pas s’arrêter là et entend faire évoluer son parcours client avec l’introduction d’une application MaaS. En 2022, les usagers pourront accéder au bouquet de services de mobilité Optymo – bus, vélo, autopartage – directement depuis une seule et même application dont la réalisation a été confiée à Vulog, spécialiste des technologies de mobilité partagée. « Les politiques intermodales n’ont pas pour seul objectif de simplifier les conditions de déplacement des usagers. Elles participent également à l’optimisation des réseaux de transport, alors que les contraintes financières pesant sur les collectivités territoriales, autorités organisatrices, sont de plus en plus prégnantes. L’intermodalité invite ainsi à restructurer et à hiérarchiser les offres de transport, en définissant leurs zones de pertinence respectives et en recherchant leur complémentarité plutôt que leur concurrence », indiquait le conseil économique, social et environnemental régional (CESER) Nouvelle-aquitaine dans une note publiée en 2017.

 

COMPOSER SA MOBILITÉ

« Aujourd’hui, on ne parle plus en termes de transport public mais de mobilité, lance François Rage, président du syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération clermontoise (SMTC-AC). Nous garantissons à chacun une mobilité adaptée à sa situation géographique, sociale et physique. Cette mobilité passera pour certains par un mode lourd, un mode de transport public, et pour d’autres, par des modes doux ou actifs. » Parmi les solutions qui se développent, dopées pour certaines par les technologies numériques, le covoiturage qui en l’espace de quelques années a trouvé sa place dans les offres de mobilité des opérateurs de transport.

À l’image de Modalis, la marque du Syndicat Nouvelle- Aquitaine Mobilités, qui intègre depuis peu Karos, leader du covoiturage domicile-travail, à son offre de transport intermodale afin de proposer à ses utilisateurs des trajets en covoiturage en complément des transports en commun et simplifier ainsi encore plus les déplacements en Nouvelle-Aquitaine. « C’est une pierre supplémentaire apportée au système d’information multimodale que la Nouvelle-Aquitaine et ses membres développent en continu », commente Jérôme Kravetz, directeur de Nouvelle-Aquitaine Mobilités. Karos a déjà signé une quinzaine de contrats avec des régions ou agglomérations (Normandie, Occitanie, Grenoble, Cholet, Béthune, département de l’Aube…), dont le réseau de transports en commun d’Île-de-France où cet accord concerne Paris et 1 267 autres communes, soit 12,2 millions d’habitants.

« Les transports collectifs doivent s’intégrer davantage avec les autres modes de déplacement pour que les usagers reviennent, estime Carole Pezzali, Partner au sein du cabinet Wavestone. L’étude sur le retour au travail et la mobilité publiée par la société de conseil en juin dernier le montre : près d’un Français sur trois estime que la facilitation des connexions entre les différents modes de transports (covoiturage, parking à vélos…) favoriserait l’usage des transports en commun.

 

Blandine Klaas