Daniel Fasquelle, maire du Touquet :« Hauts-de-France, région naturellement généreuse, nous allons clairement l’exprimer et le revendiquer »

RCL: Le tourisme, un secteur économique à part entière dans les Hauts-de-France?

Daniel Fasquelle : Avant la crise sanitaire, le tourisme en Hauts-de-France était une activité en croissance, moteur de l’attractivité du territoire : 70000 emplois, 6,2 milliards de consommation touristique et 4 % du PIB régional. Le secteur affichait une progression constante des nuitées touristiques, selon le bilan de l’Insee : + 2 % en 2017, + 3,7 % en 2018, + 7 % en 2019, année record et sur le podium des trois plus fortes hausses nationales avec la Bretagne et la Normandie. Le tourisme en Hauts-de-France représentait 24 millions de visiteurs, 7,5 millions d’arrivées, 14,1 millions de nuitées, dont 33 % de nuitées étrangères. Comme partout en France, cette dynamique a été cassée par la crise sanitaire.

Quelle stratégie de développement touristique avez-vous adopter en 2022 ?

D.F. : Notre accessibilité depuis les gros bassins de population est un atout indéniable. La région a certes été d’autant plus impactée par la fermeture des frontières, que sa situation géographique la rendait très sensible aux variations de flux de visiteurs européens de proximité. La clientèle étrangère a chuté de 69 % en 2020. Les Anglais qui représentaient 44 % de nos visiteurs étrangers en 2019 commencent seulement à revenir depuis quelques mois… Mais nous avons constaté une forme de résilience du tourisme régional grâce à la clientèle de proximité. Quatre tendances clés ont été amplifiées et accélérées avec la crise sanitaire : l’attention à la santé, le besoin de reconnexion à la natureet aux grands espaces, le besoin de mieux-être global, et la redécouverte de la proximité. L ’idée de « se dépayser sans traverser la planète » répond tant au besoin de sécurité qu’à celui de bonne conscience écologique. Ajoutons une cinquième tendance : la qualité du lien humain, largement plébiscitée par les visiteurs, car vue comme participant au bien-être global. Si l’on considère ces cinq tendances, la région Hauts-de-France a de solides atouts : ses six millions d’habitants, la proximité géographique et son accessibilité (22 millions de personnes à

moins de trois heures de transport), ses grands espaces préservés et sa capacité à associer tourisme urbain et de nature dans un même séjour (cinq parcs naturels régionaux, trois grands sites de France, 200 km de côtes, 400000 hectares de forêts, la région la plus dense de France en nombre de musées dont 84 « musées de France ») et surtout ses valeurs humaines – empathie, convivialité, attention sincère… – une forme de « générosité naturelle » reconnue aujourd’hui au plan national. Hauts-de-France région « naturellement généreuse », c’est ce que nous allons d’ailleurs à partir de cette année 2022 clairement exprimer et revendiquer : générosité des espaces de nature, générosité dans les assiettes, générosité dans la relation à l’autre… c’est dans notre ADN et c’est ce qui nous distingue.

 Quel rôle jouent les collectivités locales dans le développement du tourisme régional ?

D.F. : Dès mars 2020, nous avons lancé une campagne digitale de vidéos personnalisées coconstruites avec les territoires et les filières (41 vidéos produites et diffusées, plus de 18 millions de vues au total, un budget de 300000 €) et un nouveau site portail du tourisme. Et pour répondre encore plus finement à ce besoin de « ressourcement à proximité de chez soi » nous avons créé un agenda à destination des visiteurs et surtout des habitants (plus de 1000 idées de sorties de proximité « nature », « slow art », « bienêtre » ont été ainsi publiées en 2021). Dans le même temps, le Comité Régional du Tourisme et des Congrès (CRTC) s’est organisé pour connaître l’évolution de la demande des visiteurs : leurs nouveaux critères de choix, leurs nouveaux critères de satisfaction… Qu’attend aujourd’hui une famille avec jeunes enfants de son escapade de week-end ? Un couple urbain actif ? etc. Ces enquêtes ont été menées dès le printemps 2020 sur le marché français et sur nos marchés européens prioritaires (Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas, puis l’Allemagne dernièrement). Depuis 2021, le CRTC anime un dispositif d’accompagnement marketing personnalisé des territoires et des filières touristiques pour faire évoluer l’offre régionale en fonction de l’évolution des attentes des visiteurs des différents marchés et la diffuser « time to market ». Puisque le Covid a définitivement fait basculer le tourisme dans le marketing de la demande, porter la bonne offre à la bonne personne au bon moment de l’année est plus que jamais impératif. Cultiver l’orientation client pour capter l’attention puis être préféré parce qu’on aura su répondre aux critères d’arbitrage : c’est la ligne de conduite du CRTC sur l’ensemble de ses marchés prioritaires, français et européens, au bénéfice direct des acteurs engagés à ses côtés. Notre plateforme de réservation de séjours weekend-esprithautsdefrance.com a enregistré un record historique de ventes en 2020, record encore battu en 2021 avec 19000 ventes. Une belle illustration de l’engagement rapide et massif des acteurs du tourisme, pour faire muter l’offre en fonction des nouvelles attentes des clientèles.

Les Hauts-de-France ont été labellisés « région européenne de la gastronomie 2023 », quels sont les enjeux pour la région et les acteurs impliqués dans cette aventure ?

D.F. : La région Hauts-de-France est une très grande puissance agricole, maritime et agroalimentaire. Cependant, elle n’est pas encore reconnue comme une grande région de gastronomie, alors qu’elle regorge de talents et d’atouts. Ce label « région européenne de la gastronomie » (la région Hauts-de-France est la première région française à obtenir la distinction européenne) vise à faire de la gastronomie un levier de l’attractivité et de l’ancrage : en valorisant bien sûr le patrimoine culinaire régional – ses produits, recettes, savoir-faire, la créativité et l’innovation dont font preuve les professionnels – mais aussi en mettant en lumière les nombreux efforts mis en oeuvre chez nous pour passer de l’art de bien manger à « manger mieux ». Le label va également révéler toute une génération de jeunes chefs et cheffes engagés. Talentueux, ils sont un atout pour le défi qui compte particulièrement chez nous : remettre du « sens » dans le fait de cuisiner, accélérer les mutations durables répondant aux enjeux économiques, écologiques et sociaux et donc aux attentes des citoyens et des visiteurs. En 2023, une programmation culinaire et culturelle événementielle grand public célébrera la gastronomie des Hauts-de-France.

Propos recueillis par Blandine Klaas