Jourdain, c’est nom du démonstrateur mis en place par Vendée eau afin d’expérimenter, jusqu’en 2025, la réutilisation des eaux usées traitées pour approvisionner le barrage de Jaunay, dans le but de fournir un volume d’eau supplémentaire. Et déployer cette solution à l’horizon 2030 si les essais sont concluants.
Fortement impliqué, depuis sa création en 1961, dans la préservation de la ressource en eau, la modernisation et le développement des ouvrages, le syndicat Vendée Eau, en charge de la production et de la distribution de l’eau potable en Vendée fait figure de bon élève de la gestion de la ressource en eau. « L’eau potable en Vendée a toujours été un sujet sensible, reconnaît Jérôme Bortoli, le directeur général du syndicat. Ce département de la côte Atlantique rencontre des difficultés à trouver des ressources en eau, du fait de l’absence de ressources pérennes, sa démographie importante, de son caractère très rural et du fait, aussi, qu’il y ait une très forte saisonnalité liée à l’attraction de son trait côtier. Avec toutes ces disparités, le département a dû s'organiser peut-être plus tôt que les autres pour la distribution et la production d'eau potable sur son territoire». Aujourd’hui le syndicat est propriétaire de 12 barrages, 12 captages, 10 usines, 80 réservoirs d’eau potable et 15 000 km de canalisation. « Nous dépendons à 90 % d’eaux superficielles pour l’alimentation en eau potable. Ce qui nous amène à travailler non seulement en amont, sur la préservation de la qualité de la ressource, mais également en l’aval sur le traitement de ces eaux superficielles en vue de leur potabilisation » ajoute Jérôme Bortoli.
Des élus fortement mobilisés
La Vendée fait partie des secteurs où les besoins en eau pour la production d’eau potable vont s’accroître. L’absence de ressources en eau de grande capacité, les périodes de faibles pluies ainsi que les effets du changement climatique ont poussé les élus vendéens à sécuriser l’approvisionnement en eau pour l’avenir. Et à réaliser, dès les années 2000, des investissements importants dans le renouvellement de leur patrimoine et la sécurisation du réseau d’eau. Dans les années 2010, une réflexion à long terme est engagée sur la recherche de nouvelles ressources pour anticiper les effets du changement climatique. « Nous nous sommes penchés sur les solutions possibles, sachant qu’il est aujourd’hui difficile de construire de nouveaux barrages compte tenu de la problématique de continuité écologique et le dessalement d’eau de mer qui n’est pas autorisé en France»affirme le directeur général. L’autre solution évoquée, le recyclage des eaux usées de la station de traitement des Olonnes, propriété de la Communauté d’agglomération, vers la rivière et la retenue Jaunay, dans le but de fournir un volume supplémentaire d’eau mobilisable en année sèche, fait aujourd’hui l’objet d’une expérimentation sur 10 ans. « Une véritable première en Europe » selon Yannick Moreau maire des Sables-d'Olonne et président de la communauté de communes des Sables-d'Olonne mais aussi Vice-président à la prospective de Vendée Eau. Un projet également porté par Jacky Dallet, Président de Vendée eau, président de la communauté de commune de Saint-Fulgent et maire de saint-André-Goule-d'Oie, qui consistera à récolter les eaux en sortie de la station de traitement des eaux usées des Olonnes. Elles subiront un traitement complémentaire. L’eau affinée sera ensuite transférée jusqu’au lac du Jaunay dans le but de compléter la ressource en eau naturelle de cette retenue.
Un démonstrateur complet
Après une série d’études préliminaires menées depuis 2012, un démonstrateur complet est actuellement en place afin d’évaluer les aspects environnementaux, techniques, réglementaires et sociétaux du projet. Il fonctionnera jusqu’en 2025, avant un éventuel déploiement à pleine échelle de la solution. « Le programme a démarré sur la base d'une évaluation de l’Anses parue en 2016 qui donnait un cadre général de faisabilité à cette expérimentation en Vendée. Il s'est poursuivi en 2017, avec la mise en place du programme. De 2018 à 2020, nous avons conduit des programmes d'analyse importants de l'état initial de la qualité du cours d'eau et de la retenue dans lesquels nous conduirons l’expérimentation» détaille Jérôme Bortoli. Première phase concrète du projet, la conception-réalisation d’une unité d’affinage réalisée par le groupement Véolia, lauréat de l’appel d’offres lancé en 2019 par Vendée eau.
Pendant un an, les eaux issues de cette unité d'affinage seront rejetées à la mer pour s'assurer que toutes les performances prévues soient bien remplies. Ensuite, à partir de 2023 elles seront rejetées dans le milieu récepteur. La réutilisation des eaux usées deviendra une expérimentation grandeur nature.
Un comité de pilotage, indépendant fonctionnellement du programme Jourdain, accompagnera ce projet. Un comité scientifique a également été désigné. Et pour répondre à la volonté des élus de faire de ce projet une plateforme d’open démonstration en France, des appels à manifestation d'intérêt et appels à projets seront lancés dès 2021 « afin que des start-up, des laboratoires universitaires où privés puissent se servir de ce terrain d'expérimentation pour des recherche en relation avec la réutilisation des eaux en France ».
Cette encore question taboue en France de la réutilisation des eaux usées traitées n’a jusque-là suscité aucune réaction hostile selon le directeur général de Vendée eau. « L'acceptabilité générale par les élus et les associations est plutôt positive ; sans doute bâtie sur un constat partagé de rareté de la ressource en eau en Vendée et aussi de confiance dans l'acteur Vendée eau pour développer une vision de long terme, afin que la disponibilité de la ressource en eau ne soit pas une contrainte dans le développement des projets en Vendée ».
Le projet Jourdain ne doit pas son nom au hasard nous révèle le directeur général. « Comme M. Jourdain (Le bourgeois gentilhomme- Molière) faisait de la prose sans le savoir comme nous faisons de la réutilisation d’eaux usées sans le savoir, de manière assez constante en France. En amont d’une ville, il y a toujours une autre ville qui rejette ses eaux usées. Le projet Jourdain invite à changer de paradigme et à considérer que l’eau qui sert à produire de l'eau potable est toujours en partie une eau usée réutilisée ; il questionne pour le long terme la qualité de cette eau qu’il invite à recaractériser ».
Coût et financement
Coût global du programme : 20 millions euros environ
Financement : L'agence de l'eau Loire-Bretagne, la région Pays de la Loire à travers le fonds européen de développement régional (Feder), le département de la Vendée, l'Europe à travers des programmes ponctuels de recherche et Vendée eau.