HP lance EvoCycle, une cartouche de toner qui intègre des composants réutilisés et recyclés

EvoCycle, est une cartouche d’un nouveau genre conçue par HP. Elle combine des composants réutilisés et recyclés et en fait la cartouche plus durable de sa gamme. 100 % fabriquée France, EvoCycle répond aux engagements pris par HP d’atteindre zéro émission nette dans l'ensemble de sa chaîne de valeur d'ici à 2040, avec une baisse de 50 % d'ici fin 2030. Entretien avec Florent Vauchelle, Chef de produits Consommables chez HP France.

 

La crise du Covid-19 a accéléré la transformation des entreprises : comment HP les aide à repenser leur stratégie ?

C'est par l'innovation essentiellement que HP accompagne ses clients dans leur stratégie de développement durable car les nouvelles technologies sont un levier puissant de changement et d’accélération de la stratégie éco-responsable des entreprises. HP a pris des engagements forts en matière de développement durable et accompagne également ses clients dans leurs objectifs de réduction d’émissions carbone. La gestion de leurs solutions d’impression et consommables en fait partie. Et EvoCycle est l’une des réponses pour réduire l’impact environnemental.

Cette volonté qu’expriment les entreprises de consommer « plus vert » est-elle récente ?

Cela fait près de cinq ans que les entreprises affichent une réelle volonté de réduire leur impact environnemental, avec une accélération ces deux dernières années et nous souhaitons les aider dans cette démarche. Désormais les entreprises sont jugées autrement que par le seul profit qu’elles génèrent, elles sont évaluées également au travers de leur impact sur la planète et des valeurs qu’elles créent pour la société.

Alors que le plan de la Commission européenne pour atteindre la neutralité carbone en 2030 vise à réduire les émissions de CO2 de plus de 55 %, quels sont les engagements de HP pour protéger la planète ? 

Il y a 20 ans, HP publiait son premier rapport sur son impact social et environnemental, convaincu que l’entreprise devait se développer au-delà du seul critère de rentabilité. HP prévoit d’atteindre zéro émission nette dans l’ensemble de sa chaîne de valeur d’ici 2040, avec une baisse de 50 % d’ici 2030. Parallèlement, HP s’engage à atteindre 75 % de circularité parmi ses produits et emballages d’ici à 2030. De la supply chain à la production, en passant par l’offre produits et services, HP repense en permanence la conception, la distribution, la récupération et le recyclage de ses produits. Cette démarche a aussi un impact sur ses clients en leur permettant de générer de la croissance tout en réduisant leur empreinte carbone. Aujourd’hui, HP est une référence en matière de recyclage des plastiques en boucle fermée notamment depuis la création, il y a 30 ans, du programme HP Planet Partners.

Quelles sont les caractéristiques de cette nouvelle génération de cartouches développée par HP ? 

HP a conçu une cartouche de toner unique qui combine à la fois des composants réutilisés et recyclés. C’est la cartouche la plus éco-responsable de la gamme HP, conçue en France, fabriquée en France, avec un savoir-faire unique qui s’appuie sur du recyclage en boucle fermée avec une intégration complète. Nous collectons depuis longtemps nos consommables usagés, mais pour la première fois, nous avons développé un produit qui intègre, non seulement des plastiques recyclés, mais également des pièces réutilisées. Les cartouches HP EvoCycle contiennent uniquement des composants HP authentiques conçus pour répondre à nos critères en matière de qualité d'impression, de fiabilité et de performances.

Quelle durée de vie ont les cartouches EvoCycle ?

Comme l’ensemble de la gamme HP, les cartouches EvoCycle sont incluses dans le programme
HP Planet Partners, ce qui signifie qu'elles peuvent être collectées et recyclées pour fabriquer de nouvelles cartouches HP, contribuant ainsi à une économie circulaire. Elles sont conçues pour subir plusieurs cycles. Les pièces réutilisées sont réutilisables une seule fois, mais elles entrent ensuite dans un processus de recyclage de valorisation de matière.

En quoi les cartouches HP EvoCycle sont-elles différentes des autres cartouches HP ?

Les composants des cartouches HP EvoCycle sont constitués à 100 % de plastiques recyclés en boucle fermée : aucun nouveau plastique n'est ajouté au cours du processus de reformage. De plus, les cartouches HP EvoCycle sont les seules à réutiliser une partie du boîtier et du rouleau magnétique des cartouches HP. Enfin, grâce à son processus de fabrication française en boucle fermée, les cartouches EvoCycle ont un impact environnemental inférieur à celui des cartouches HP d'origine.

« Collecter des cartouches usagées, récupérer des pièces et recycler les matériaux pour ensuite fabriquer de nouvelles cartouches en boucle fermée sur un même site, en France - et précisément à Liffré - c’est la preuve que l’industrie française est bien vivante !»  Guillaume Bégué, Maire de Liffré.

Pour quelles imprimantes les cartouches HP EvoCycle sont-elles disponibles ?

Les cartouches EvoCycle sont destinées à plusieurs modèles des gammes HP LaserJet Pro, LaserJet Pro MFP, LaserJet Enterprise et LaserJet Enterprise MFP [1]. Ces imprimantes s’adressent aux professionnels du secteur public et privé. Elles concernent la nouvelle génération d’imprimantes que nous commercialisons depuis deux ans et qui couvre une part importante de notre parc d’impression. Nous envisageons d’étendre EvoCycle sur de nouveaux modèles à venir.

Où sont fabriquées les cartouches EvoCycle ?

Les cartouches EvoCycle sont fabriquées à Liffré, en Bretagne. Ce site industriel de recyclage et de fabrication emploie plus de 500 personnes. Le développement de cette nouvelle ligne de produits vient renforcer la valeur de ce site exceptionnel en France et participe au développement d’une économie circulaire.

En quoi les cartouches HP EvoCycle représentent un avantage pour les collectivités territoriales ?

D’abord, parce qu’elles sont fabriquées en boucle fermée. Ces produits sont collectés gratuitement auprès de nos clients, une démarche qui s’inscrit dans les objectifs responsables des collectivités locales et qui répond aux exigences de la loi française sur l'économie circulaire. Et aussi parce qu’elles permettent de soutenir l’emploi et l’innovation.

« A Liffré, nous sommes très engagés dans l’accompagnement de nos industries et de nos emplois. La ville de Liffré est ce qu’elle est aujourd’hui grâce à ce site industriel qui a été un gros pourvoyeur d’emploi et de revenus depuis bientôt 40 ans. Nous avons toujours eu à cœur de nous développer avec une forte conscience environnementale, avec en priorité, le bien-être de nos concitoyens et le respect de la biodiversité », Guillaume Bégué, Maire de Liffré.

[1] HP LaserJet Pro M402, LaserJet Pro MFP M426, HP LaserJet Pro M304 et M404, LaserJet Enterprise M406, LaserJet Pro MFP M428 et LaserJet Enterprise MFP M430.

Services publics : Les freins à l’adoption du cloud sont levés, l’heure est à l’innovation

Progressivement, les freins à l’adoption du cloud par les services publics ont été levés. Avec la mise en place, récemment, d’un véhicule de marché pour faciliter le processus d’achat des organisations en France, le cloud est plus que jamais simple et accessible à tous les acteurs de la sphère publique.

 Le cloud s’inscrit dans la modernisation des services publics

Afin d’offrir des services adaptés aux nouveaux usages de la société et servir les citoyens plus efficacement, l’État modernise les services publics, avec l’objectif de dématérialiser 100% des démarches administratives d’ici 2022.

Le cloud joue un rôle essentiel dans cet objectif de modernisation de l’action publique. Il permet aux institutions de se consacrer davantage à leur cœur de métier ; par exemple, les développeurs se focalisent sur la valeur ajoutée à apporter à un service public sans avoir à réécrire des programmes déjà disponibles. Le temps consacré à la recherche et au développement se réduit considérablement grâce à une large gamme de services cloud. Il facilite l’innovation, depuis une infrastructure hautement sécurisée, grâce à des méthodes de « test and learn » qui permettent de rapidement innover, expérimenter et itérer, sans risque d’investir à perte.

Jusqu’alors, 70% des dépenses informatiques des Ministères étaient consacrées à des dépenses récurrentes de Maintien en Condition Opérationnelle (MCO) d’infrastructures, diminuant d’autant la capacité́ de l’État à investir dans de nouveaux services. L’objectif d’encourager l’adoption du cloud est d’inverser cette tendance.

 Il est maintenant facile d’acheter des services cloud

Évoluer vers le cloud sonne comme une évidence mais encore fallait-il lever tous les freins administratifs. Ces deux dernières années, des améliorations significatives ont été accomplies et des structures d’achat sont désormais en place. Par exemple, GEANT (Gigabit European Academic NeTwork) qui agrège les réseaux nationaux d’éducation et de recherche en Europe, a attribué plusieurs marchés permettant de faciliter l’accès aux services cloud pour les institutions de recherche dans 40 pays européens, dont la France.

Une nouvelle étape importante a été franchie durant l’été 2020 pour élargir l’accès au cloud à l’ensemble des services publics. L’Union des Groupements d'Achats Publics (UGAP) dispose à présent d’un catalogue d’offres de cloud public, incluant AWS, à des tarifs préférentiels par l’intermédiaire de Capgemini. Cette offre est le fruit d’une collaboration étroite avec la Direction des Achats de l'État (DAE) et la Direction interministérielle du numérique (DINUM). Pour y accéder, les bénéficiaires ont juste à signer une convention d’engagement avec l’UGAP.

 

Par ailleurs, dans le cadre du Projet de Loi de Finances pour 2021, afin d’inciter les collectivités locales à migrer leur informatique dans le cloud, les parlementaires ont voté un amendement permettant aux dépenses en services d’infrastructure IT dans le cloud (IaaS) de bénéficier du même régime fiscal que des dépenses d’investissement et les rendant éligibles au FCTVA (Fonds de Compensation de la TVA).

Le cloud pour réduire ses couts informatiques au profit de projets pour les citoyens

Ces facilités d’accès au cloud ouvrent la voie à l’optimisation des dépenses informatiques. Dans le cloud,  seules les ressources informatiques effectivement consommées sont facturées, ce qui apporte une souplesse financière sans commune mesure avec ce qui se pratiquait dans le passé. Au-delà de la ressource informatique elle-même, le prix du cloud intègre tous les coûts associés dans son fonctionnement comme la mise à jour permanente des infrastructures, leur alimentation électrique ou encore leur maintenance.

Le cloud permet aussi de mieux contrôler les coûts et d'optimiser continuellement les dépenses, et ce, tout en continuant d’innover. En suivant les services de recommandations fournis gratuitement, il est possible non seulement de procéder en permanence à des optimisations techniques des architectures déployées dans le cloud, mais également à des optimisations financières pour s’assurer de toujours payer le prix juste.

Le cloud pour mieux contrôler la sécurité de ses applications

Comme nous avons pu l’observer ces derniers mois, le nombre de cyberattaques continue à croitre et malheureusement, les organisations publiques sont des cibles de choix. L’année dernière, l’Observatoire des signalements d'incidents de sécurité des systèmes informatiques de santé a publié un rapport soulignant une recrudescence de cyberattaques avec 85 % des déclarants étant des établissements de santé. Cette tendance ne va pas s’inverser, et c’est pourquoi la cybersécurité doit être une priorité pour tous.

Aujourd’hui, il est reconnu que les mechanismes de sécurité dans le cloud sont plus performants comparés à l'infrastructure sur site. Les processus étendus de certification et d'accréditation, le chiffrement des données au repos et en transit, les modules de sécurité matériels et une sécurité physique rigoureuse contribuent à une gestion sûre de l'infrastructure informatique des organisations publiques. Ces dernières bénéficient de centres de données et d'architectures réseaux conçus pour répondre aux exigences des organisations les plus sensibles. AWS propose d’héberger et de stocker leurs données en France, grâce à la Région AWS Europe (Paris) conçue pour répondre aux exigences strictes du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).

 Le cloud, un pilier pour les organisations publiques

Le cloud a joué un rôle clé pour soutenir l’économie, maintenir l’enseignement à distance et soulager le quotidien des soignants pendant la crise sanitaire de la COVID-19. Au-delà de la pandémie, la transformation digitale du secteur public par le cloud est indispensable à l’évolution des métiers et des usages, et permettra aux institutions de renforcer leurs liens avec les citoyens.

Vous trouverez plus d’informations dans l’étude L’impact d’AWS en France réalisée par le cabinet indépendant Public First sur la façon dont AWS soutien le secteur public, ici – dans la section « AWS aide les entreprises à créer de nouvelles solutions pour le secteur public ».

Auteur : Erick Jan-Vareschard, Directeur Secteur Public AWS France

Plus d’informations sur la façon dont AWS accompagne les acteurs du secteur public en France ici.

Délégué général du Laboratoire de la Mobilité inclusive

Agir pour une mobilité inclusive et durable

De quoi parle-t-on au juste quand on parle de mobilité inclusive ? Le laboratoire porte une approche systémique de la mobilité, une démarche qui se défait d’une approche technique, centrée sur les flux de déplacements, pour considérer la mobilité dans sa finalité́ d’accès, celle qui permet d’accéder à l’emploi, au soin, à l’alimentation, aux loisirs ou encore à la culture.

La mobilité est certes un fondement de notre société, mais un fondement qui reste fragile : en France une personne sur quatre déclare être contrainte dans sa mobilité et la crise sanitaire révèle chaque jour un peu plus combien les inégalités liées à la mobilité créent de nouvelles fractures.

Le LMI propose dans le cadre de ses travaux d’expliquer ce qui empêche la mobilité, en identifiant les freins et les inégalités qui pèsent sur la mobilité des plus fragiles. Ces inégalités sont de plusieurs ordres (territoriales, économiques, sociales ou cognitives) et se superposent parfois les unes aux autres.

Dans le même temps, Le LMI souhaite agir sur ce que « permet » la mobilité. À la croisée des enjeuxéconomiques, sociaux, environnementaux ou démocratiques, la mobilité inclusive représente en effet une réelle opportunité pour construire des politiques de territoire. C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet « Tous mobiles » lancé avec le soutien du Ministère de la Transition écologique. Ce site dédié à la mobilité solidaire a pour objectif de fournir aux collectivités les clefs de lecture et les outils nécessaires pour s’engager dans la voie de la mobilité solidaire, dans le contexte d’application de la LOM.

Si la mobilité inclusive est désormais au cœur des politiques publiques et des territoires, sa traduction concrète, auprès des collectivités et dans la vie des citoyens, reste encore à réaliser. Donner corps à ces projets de mobilités plus inclusifs est le défi le plus immédiat.

Une mobilité inclusive durable compatible avec nos engagements climatiques permettra, par ailleurs de répondre à un second défi, tout aussi important, celui de la cohésion et la solidarité territoriale.

Qui est-il ?

Le laboratoire de la Mobilité inclusive (LMI) est une fondation. Depuis sa création, en 2013, le LMI soutient, en tant que think tank et do tank, le développement d’une mobilité pour tous et agit pour favoriser une mobilité plus inclusive. Il compte 15 membres issus des sphères publiques, privées et de la société civile1.

1 Fondation TOTAL, ADEME, Croix Rouge française, FASTT, Fondation MACIF, Fondation FACE, Fondation PSA, Groupe La Poste, Malakoff Humanis, Mob'In, Pôle Emploi, Réseau APREVA, Secours Catholique, SNCF, Transdev

https://www.mobiliteinclusive.com/

TWITTER : https://twitter.com/mob_inclusive

LINKEDIN : https://www.linkedin.com/company/laboratoire-de-la-mobilité-inclusive/

Les maires ont un rôle important à jouer dans la lutte contre les violences sexuelles

RCL a rencontré le docteur Violaine Guérin, endocrinologue, gynécologue et présidente de l’association Stop aux violences sexuelles (SVS), créée en 2013, qui martèle que « lutter contre les agressions sexuelles, c’est avant tout protéger l’enfance en imposant une tolérance zéro ». Un combat qui n’effraie pas cette femme de conviction. Rencontre.

RCL : Quelle est l’ampleur
des violences sexuelles en France ?

V.G. : Environ un homme sur six et une femme sur quatre sont victimes de violences dans leur vie. Parler de violences sexuelles, c’est travailler avant toute chose à la protection de l’enfance, car les violences sexuelles débutent dès ce stade. Cette violence engendre de nombreux maux, conscients ou inconscients, le plus souvent non ou mal traités. Il faut réaliser qu’un enfant sur cinq est victime de violences sexuelles, garçons et filles à égalité, ce qui représente 13 millions de personnes, c’est un sujet de santé publique majeur ! Et les auteurs sont majoritairement des hommes mais aussi des femmes, et en France on a du mal à entendre cette réalité.

RCL : Avec la libération planétaire de la parole après l’affaire Weinstein et la mobilisation poli- tique croissante, peut-on parler d’avancée ?

V.G. : Assurément. Le su-
jet commence à être en-
fin pris au sérieux. En revanche, les hashtags #balancetonporc et #metoo ont recentré le débat
sur les violences sexuelles
subies par les femmes
 adultes alors que les enfants et les hommes sont également concernés. Or,
 on ne fait rien pour les
violences sur mineurs. 
Pire, on a supprimé les associations si précieuses. En novembre 2019, l’unité de recherche médicale de SVS a publié, dans la revue américaine Journal of General Pratice, la première étude française consacrée à ces conséquences somatiques des violences sexuelles. Les travaux ont été réalisés chez 188 patients, âgés de 5 à 77 ans (170 femmes et 18hommes), tous victimes de violences sexuelles (subies en moyenne 9,2 années pour les femmes et 3,8 années pour les hommes). Les résultats sont sans équivoque : les violences font exploser tout l’être.

RCL : De quels traumatismes parle-t-on ?

V.G. : On ne peut jamais vraiment connaître tous les traumatismes causés par un acte de violence sexuelle. Une chose est sûre : ces agressions provoquent des dégâts physiques et psycho- logiques graves. Et c’est parce qu’elles marquent une personne à vie que de telles violences sont à dénoncer. Le premier moyen de les combattre et les pré- venir : en parler sans gêne, ni pudeur et ni culpabilité. Il ne doit plus y avoir de tabou. Il ne faut jamais mini- miser l’agression subie car es dégâts sont désastreux. Nous avons découvert à travers cette étude que le corps parle là où il a souffert. On constate une sur- représentation de certaines pathologies : 45 % des femmes interrogées ont déclaré des problèmes gynécologiques, plus d’un sujet sur trois (48% des femmes et 18% des hommes) a au moins une fois tenté de se suicider. Sans compter le très grand nombre d’insomnies (48 % des interrogés), de dépressions (61 % des cas) et autres troubles psychiatriques (33 %). La prise en compte de ces troubles médicaux est primordiale pour accompagner les victimes de violences sexuelles.

RCL : Pensez-vous que la prise
en charge des patients doit être améliorée ?


V.G. : Effectivement. Un accompagne- ment adapté est nécessaire pour leur reconstruction. Médecins, thérapeutes, sages-femmes, avocats... tous ces corps de métiers doivent travailler de concert. C’est pourquoi, il y a beaucoup d’attentes de ce gouvernement qui a, a priori, compris l’importance de la transversalité, mais pas encore pris la pleine mesure du sujet.

RCL : Que préconisez-vous ?

V.G. : Améliorer la prévention qui passe par la formation des médecins, sages-femmes, mais également enseignants, parents et également les jeunes... Toutes les personnes désireuses, en somme, d’approfondir ses connaissances en matière de violences sexuelles. Les maires ont, également, un rôle important à jouer, pour cela ils doivent se former et former leurs équipes. Donnons-leur les moyens de s’appuyer sur des associations présentent sur leur territoire pour aider à prévenir cette épidémie. L’association SVS propose des bases en termes de connaissances épidémiologiques, juridiques, sociologiques et scientifiques à acquérir pour se sentir à l’aise avec le sujet des violences sexuelles. Via nos antennes régionales, nos formations sont ouvertes à tous les publics.

Propos recueillis par Danièle Licata

DES ÉDIFICES PLUS ÉCONOMES EN ÉNERGIE AU PROGRAMME DES COLLECTIVITÉS

Demain, les constructions publiques devront faire preuve d’exemplarité et afficher la plus grande sobriété énergétique. Pour les y aider, 4 milliards d’euros dont 300 millions pour les collectivités locales
ont été débloqués dans le cadre du plan de relance du gouvernement qui en a fait l’une de ses priorités.

La loi Elan du 23 novembre 2018 dans son article 175 introduit dans les bâtiments à usage tertiaire des objectifs ambitieux de réduction de la consommation énergétique globale de 40 % en 2030, 50% en 2040 et 60% en 2050 par rapport à 2010. Or aujourd’hui, les bâtiments publics qui représentent approximativement 280 millions de mètres carrés pour les collectivités territoriales – mairies, écoles, bibliothèques, centres sportifs et tous types de bâtiments communaux – sont très énergivores. « La facture énergétique du patrimoine gérée par les communes atteint ainsi près de trois milliards d’euros (en métropole) et peut représenter plus de 5% du budget total de fonctionnement », selon la Fondation pour la Nature et l’Homme créée par Nicolas Hulot qui se félicite de la hausse annoncée des moyens financiers attribués à la rénovation énergétique du tertiaire public. Pour quel résultat ? « C’est à la fois créateur d’emploi local, générateur d’économies d’énergie et aussi bénéfique pour le confort de ces lieux qui font notre vie collective comme les écoles, les mairies ou encore les Ehpad », déclarait début juillet Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire à l’occasion de la signature de la convention de programme ACTEE 2 qui finance 100 millions d’euros de certificats d’économie d’énergie (CEE), afin d’accompagner les collectivités qui rénovent leurs bâtiments tout au long de leurs projets. Avec un premier programme lancé en 2019, ACTEE est désormais le plus important programme de CEE voué à améliorer le patrimoine public des collectivités.

UNE OPPORTUNITÉ POUR L’ÉCONOMIE LOCALE

« En moyenne, un euro versé par ACTEE génère plus de dix euros d’investissement », affirme la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) qui a initié ce programme en partenariat avec EDF. Et dans la période post-Covid-19, ACTEE contribuera à dynamiser significativement la commande publique dans le bâtiment. » La rénovation contribue aussi à promouvoir l’innovation et l’usage de nouveaux matériaux tels que les biosourcés, plus respectueux de l’environnement, ce que défend régulièrement Christine Leconte, présidente de l’Ordre des architectes d’Île-de- France. « Il faut faire appel aux ressources et aux richesses du territoire. Les filières sont prêtes et suffisamment développées pour permettre cette utilisation notamment des matériaux biosourcés, assurer à la fois des emplois non délocalisables et répondre aux questions de santé dans le bâtiment. » Et aussi, aider à l’émergence de nouvelles filières. La région Île-de-France en a fait son objectif et prévoit de doubler la part de ces matériaux dans la construction francilienne d’ici 2025. C’est d’ailleurs l’une des 192 propositions inscrites dans l’acte II du plan de relance pour la reconstruction de l’Île-de-France.

FACILITER LE DÉMARRAGE DES PROJETS ET ASSURER LEUR PÉRENNITÉ

La mise en route des projets de rénovation énergétique constitue souvent la principale difficulté pour les élus constate la FNCCR. « Les enveloppes financières prévues dans le cadre du programme ACTEE 2 vont leur permettre l’embauche d’un économe de flux. Il aura pour mission principale de réaliser un état des lieux complet du patrimoine, première étape du projet de rénovation. Le programme as- sure également le financement des audits et des études énergétiques ainsi que l’acquisition d’outils de mesure et de comptage », explique Guillaume Perrin du département Énergie à la FNCCR. En parallèle, une boîte à outils composée de cours en ligne, guides, documents types est mise à disposition des collectivités. En se regroupant, certaines freinées par le manque de moyens humains peuvent accéder aux mêmes avantages que les territoires plus grands ou déjà structurés. C’est l’autre point fort d’ACTEE2 qui incite à la mutualisation des projets de rénovation entre collectivités via des appels à manifestation d’intérêt (AMI). « Après la réception des travaux, les élus devront suivre leur action dans le temps pour s’assurer que les économies d’énergie soient bien au rendez-vous », conseille Guillaume Perrin. Ils doivent également se questionner, régulièrement, sur l’optimisation des installations pour toujours aller plus loin dans la performance énergétique des bâtiments. Car réaliser des économies d’énergie, c’est aussi un moyen de valoriser son patrimoine bâti. Blandine Klaas

L’ÉCONOMIE MARITIME, UN ATOUT ÉCONOMIQUE POUR LA FRANCE

Le retour d’un véritable ministère de la Mer de plein exercice est une volonté clairement affichée
du nouveau gouvernement de Jean Castex de faire de la filière maritime un levier de croissance, à l’heure où l’économie française cherche de nouveaux relais pour pallier la récession et la montée du chômage. Une bonne nouvelle sous conditions.

Afin de porter la stratégie maritime de la France souhaitée par le président de la République, le ministère de la Mer rassemblera les acteurs de la croissance « bleue », des industries navales aux ports et au transport maritime, en passant par la pêche, l’aquaculture, mais aussi le tourisme, la plaisance, le nautisme, les énergies marines ou encore les biotechnologies, ainsi que tous les services associés », souligne un communiqué publié par le cabinet de la nouvelle ministre de la Mer Annick Girardin. Une nomination qui marque le grand retour de ce ministère rayé depuis bien longtemps de l’organigramme ministériel. En effet, créé pour la première fois en 1981, il s’est souvent transformé en secrétariat d’État
ou a été rattaché à d’autres ministères,
 comme l’Écologie ou les Transports. Et
 depuis 2017, le portefeuille avait même
 disparu.

« Le retour d’un véritable ministère de la Mer de plein exercice, est une grande satisfaction et une nouvelle espérance pour les hommes et les femmes qui œuvrent et se battent chaque jour pour que la France ait une économie maritime à la hauteur de son potentiel mondial et de ses acteurs économiques, avec comme mission essentielle de réussir à concilier l’activité économique et la préservation de l’environnement », avertit Frédéric Moncany de Saint-Aignan, président du Cluster Maritime Français. Et de poursuivre : « Mais cette espérance doit maintenant se concrétiser rapide- ment, avec un périmètre, des attributions et des moyens budgétaires à la hauteur pour agir sur l’ensemble des secteurs qui composent la filière à l’heure où l’économie ‘bleue’ peut jouer un rôle crucial dans la relance et la souveraineté française. »

Et l’enjeu est de taille. Avec ses onze millions de kilomètres carrés d’espace marin répartis sur trois océans, les territoires maritimes français abritent 10% de la biodiversité mondiale et s’imposent comme la deuxième puissance maritime mondiale derrière les États-Unis. « Car désormais, la mer pour l’avenir de la France est partie intégrante de la stratégie présidentielle. Emmanuel Macron l’a d’ailleurs rappelé lors de son allocution le 14 juin dernier », commente Frédéric Moncany de Saint-Aignan. Et pour cause : au sens du Cluster Maritime, l’économie maritime représente pour la France plus de 391000 emplois directs et un chiffre d’affaires de 72 milliards d’euros tiré par les filières dites « traditionnelles » comme le transport maritime, qui comprend également l’ensemble des activités portuaires ainsi que les activités logistiques associées ; l’industrie navale, qu’elle soit civile ou militaire et le nautisme ; les activités de pêche et de produits de la mer ; les ressources énergétiques en mer, avec par exemple les activités liées à l’extraction du pétrole offshore ; le secteur des télécommunications puisque 90% des câbles sont sous-marins et génère des flux économiques et financiers conséquents. Mais le secteur comprend également des filières plus émergentes qui constituent un potentiel économique d’avenir. Les énergies renouvelables marines avec l’éolien, l’hydrolien, les énergies houlomotrices ; les ressources minérales avec notamment les minerais présents sur les fonds marins ou à proximité ; les biotechnologies ; l’aquaculture qui reste un secteur économique peu développé à ce jour... « Ce sont autant d’activités qui offrent un large potentiel peu exploité », déplore Frédéric Moncany de Saint-Aignan. Et à cette longue liste s’ajoutent les activités de tourisme et croisière, le fleuron de l’activité française.

UN GISEMENT INSUFFISAMMENT EXPLOITÉ

Pour autant, la diversité des activités directes et indirectes que le maritime comprend ne se traduit pas par un poids économique conforme aux attentes avec une telle présence maritime. D’où la nécessité d’engager des actions pour transformer le potentiel économique de ces zones en réalité. L’enjeu aujourd’hui pour la France consiste à utiliser ses atouts pour faire germer les futurs champions français, avec à la clé des centaines de milliers d’emplois à forte valeur ajoutée. Pour cela, la politique maritime devra adopter une vision globale et mettre en œuvre une gestion intégrée de l’ensemble des activités maritimes pour comprendre les interactions entre économie, environnement et société dans toutes les dimensions, mer, interface terre-mer et territoires. Pour Frédéric Moncany de Saint-Aignan, le point central de développement reste les ports : « La France a développé sur ses territoires une multitude de ports, qu’ils soient de plaisance, de pêches ou les grands ports de commerce. Or l’existence historique de ces activités sur les territoires implique des ports français nécessitant de l’entretien ainsi que des modifications pour ré- pondre aux attentes et aux standards contemporains, notamment sur les conditions environnementales. » En d’autres termes, la nécessité de ces travaux pousse à mener une politique d’investissements volontaire dans les ports français afin d’y maintenir une activité forte et continuer à conforter le poids de ces outils portuaires dans les années à venir. L’acte 1 de la feuille de route du ministère de la Mer semble écrit.

Danièle Licata

Les élus locaux démultiplient les aides d’urgence aux plus précaires de plus en plus nombreux

Un Français sur trois a subi une perte de revenus depuis le confinement alors que les dépenses départementales pour le RSA ont bondi de 10 %. Alors que la crise sanitaire qui perdure précipite dans la précarité beaucoup de concitoyens et conduit à accroître les besoins des associations caritatives, les élus locaux des quatre coins de France se mobilisent et démultiplient les aides d’urgences.

Les sondages sur la montée de la précarité se suivent et se ressemblent tous. Dans son dernier rapport 2020, « État de la pauvreté en France », le Secours Catholique alerte sur la dégradation du niveau de vie des ménages en situation de précarité - de plus en plus de ménages ne percevant plus aucune ressource - pointant les privations quotidiennes et les arbitrages impossibles auxquels ils sont confrontés : chauffer le logement ou se nourrir, acheter un vêtement ou payer la facture d'électricité.

Même cri d’alarme du Secours populaire. « La crise sanitaire a plongé dans la précarité des millions de personnes, du jour au lendemain » selon le dernier « baromètre pauvreté » réalisé avec l’institut de sondage Ipsos. Un Français sur trois a subi une perte de revenus depuis le confinement, même si les dispositifs d’activité partielle et d’arrêts de travail pour garde d’enfants ont servi d’amortisseurs. Si près de la moitié des Français ont mis de l’argent durant ce, un tiers n’arrive chaque mois qu’à boucler péniblement son budget ; tandis que 18 % sont systématiquement à découvert et dont 8% craignent de basculer dans la précarité. De son côté, l’Assemblée des départements  alerte sur la progression des dépenses départementales pour le RSA de presque 10 %, selon leur dernière étude réalisée sur un échantillon d’une quinzaine de départements mais également sur la forte hausse de l’aide alimentaire.

« Alors que dans le plan de relance aucune mesure significative concerne les personnes les plus fragiles, la montée de la pauvreté est palpable au quotidien. En témoigne la demande auprès des associations caritatives qui explose » alarme Thierry Granturgo, maire de Villers-sur Mer (14). Johanna Rolland, maire de Nantes enfonce le clou. « Les gilets jaunes ont remis en lumière les difficultés du quotidien et la crise sanitaire a amplifié le phénomène. « Et pour la première fois de leur vie, ce sont aussi les classes moyennes qui frappent aux portes des associations ». La crise sanitaire qui perdure, précipite dans la précarité beaucoup de concitoyens et conduit à accroître les besoins des associations caritatives, qui font face à une augmentation sans précédent du public en grande difficulté (entre 30 et 45 % d'augmentation selon les territoires).

En frappant de nouveaux publics n’ayant parfois jamais eu recours de leur vie à l’aide sociale, la crise sociale mobilise désormais tous les élus locaux. Les villes, les départements et les régions ne regardent plus à la dépense pour soutenir directement ou via des associations caritatives les populations précaires.

 

En Nouvelle-aquitaine, le Conseil régional a par exemple, accordé deux aides de 300 000 euros chacune à la Banque alimentaire de Bordeaux et de la Gironde et au Secours populaire français qui viennent s’ajouter aux soutiens aux associations habilitées à distribuer l'aide alimentaire sur l'ensemble du territoire régional : Banque alimentaire, Secours populaire français, Restaurants du cœur, Secours catholique et Croix rouge française. Résultat, ce sont 890 000 euros qui ont déjà été mobilisés par la Région pour aider à financer des actions relevant principalement de l'aide alimentaire.

Mais ces dernières semaines, c’est la dégradation dangereuse de la situation financière des jeunes qui inquiète tout particulièrement les élus locaux.

Du coup, les aides d’urgence à destination des moins de 25 ans se multiplient. En janvier 2021, la part d'étudiants aidés par le Crous a bondi de 39% par rapport à la même période en 2020 selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Environ 9 100 étudiants ont bénéficié d’une aide de 400 euros par bénéficiaire en moyenne. Le montant total des aides attribuées de septembre à décembre 2020 a augmenté de 48% par rapport à la même période l’année précédente.

En Seine-Saint-Denis, 3 millions d'euros de ce deuxième plan de rebond sont ainsi consacrés à des actions d'aides spécifiquement à destination des jeunes, dont 1 million d'euros pour le Fonds d'aide aux jeunes, multiplié par 5 pour l'année 2021. Ce fonds social déjà existant, et abondé par le Département, est utilisé par les missions locales dans le cadre d'aide d'urgence en matière notamment d'hébergement, d'alimentation ou d'hygiène. « Alors que la crise et ses conséquences économiques et sociales perdurent, nous avons mis en place de un deuxième Plan de rebond solidaire et écologique. Dans un département jeune et populaire comme la Seine-Saint-Denis, il nous semblait essentiel de soutenir les jeunes dont la situation s'est fortement dégradée, et pour lesquels les mesures gouvernementales sont insuffisantes » se désole Stéphane Troussel, Président du Département de la Seine-Saint-Denis.

De leur côté, la ville de Rennes (Ille-et-Vilaine) et la Région Bretagne en lien avec les établissements de l’université de Rennes (UniR) et le Crous Bretagne viennent de présenter un plan concerté de soutien aux jeunes, et plus particulièrement aux étudiants. Les priorités portent sur la précarité alimentaire et la santé mentale. A Rennes, de nouvelles mesures seront présentées le 1er avril et soumises au vote du bureau de la métropole. Elles visent à renforcer l’aide psychologique (embauche de deux assistantes sociales supplémentaires au service social du Crous), l’aide alimentaire (subvention de 5 000 € pour chacune des épiceries solidaires de Rennes 1 et de Rennes 2) et les emplois étudiants (embauche de vacataires pour les référents étudiants et dans les épiceries solidaires).

Sur l’ensemble de son territoire, la Région Bretagne a ainsi distribué 30 000 colis aux étudiants et a débloqué 8 200 aides financières directes. Le 9 avril, lors de sa prochaine session, elle va examiner 32 nouvelles mesures pour un total de 3 millions d’euros.

A Paris aussi, l’heure est au soutien de la jeunesse. Florence Berthout, maire du 5e arrondissement de Paris, quartier historique des étudiants, a décidé d’agir en accueillant depuis février dernier une épicerie solidaire dans les locaux de la mairie du 5e pour les étudiants boursiers. Avec l’association Epi’Sol, les étudiants pourront se procurer des produits de première nécessité en bénéficiant chaque mois d’un panier d’achats d’une valeur de 150€ qui leur sera facturé entre 20% et 30% de sa valeur réelle. Attenant à l’épicerie est également créé un espace Cause Cafet’ pour que les étudiants y trouvent un lieu de rencontre et de soutien psychologique. Espace de sociabilité et lieu de sensibilisation à la fois, Cause Cafet’ sera dédié à l’échange, à l’information et à l’accompagnement des étudiants dans leurs différentes démarches.

Danièle Licata

Numérique : l’indispensable montée en compétence des agents territoriaux

Beaucoup d’agents territoriaux ne maîtrisent que partiellement leur environnement numérique. C'est le constat d'une enquête qui vise à mieux cerner leurs besoins à l’heure de la digitalisation des services publics, prévue pour 2022 et plus généralement de la transformation numérique des territoires.

Parmi les 1337 agents interrogés dans le cadre cette étude, seuls 35% ont un degré de maîtrise suffisant pour être autonome dans leurs usages numériques quelles que soient leurs missions, 27 % des répondants ont un niveau débutant et 38 % un niveau intermédiaire, soit un degré de maîtrise insuffisant pour pouvoir évoluer "sereinement" dans un environnement numérisé. C’est ce que révèle l’enquête présentée à l’occasion du forum des interconnectés organisé les 17 et 18 mars 2021 et réalisée au dernier trimestre 2020 par Pix, le service public en ligne des compétences numériques, les Interconnectés, l’association nationale de diffusion des usages numériques au service des territoires, et Syntec Numérique, le premier syndicat des entreprises du numérique afin « d’éclairer le débat sur la transformation numérique des collectivités territoriales, et en particulier sur l’enjeu des compétences numériques à maîtriser ».

L’âge, un facteur déterminant

L’étude dévoile de fortes disparités de niveaux selon les thématiques abordées. En effet, si l’on constate naturellement une maîtrise d’usages classiques comme les e-mails, le niveau de maîtrise diminue à mesure que les usages se complexifient. Ainsi, les compétences numériques en lien avec la sécurité ou la gestion des données personnelles sont encore loin d’être maîtrisées par les agents. L’étude pointe également le rôle déterminant de l’âge des agents dans le niveau de maîtrise de leur environnement numérique. Ainsi, parmi les -34 ans, seulement 9% ont un niveau débutant contre 48% chez les 55 ans et plus. Pourtant, malgré un niveau de compétence plus élevé, les -34 ans parfois trop rapidement qualifiés de digital natives, restent fragiles sur des sujets liés à la sécurité et aux données personnelles, des compétences indispensables dans le cadre de leur activité.

Enfin, si 46% des agents de catégorie A (fortement représentés parmi les répondants), les plus exposés aux outils numériques, ont un niveau autonome, plus de la moitié n’ont pas le niveau de maîtrise suffisant pour maîtriser des situations nouvelles et en comprendre les enjeux (19% ont un niveau débutant et 34% un niveau intermédiaire). Les agents de la catégorie C (35% ont un niveau débutant) affichent, eux, un intérêt marqué pour les compétences numériques : 52% d’entre eux sont en en demande de formation sur le digital. Pour les auteurs de l’étude, « il est urgent d’accompagner la transformation numérique des collectivités en offrant aux agents territoriaux des formations ambitieuses et adaptées à leurs besoins ». Mais il s’agit aussi de changer radicalement d’approche car « l’enjeu n’est pas ou plus de former à tel ou tel “outil” mais de doter chacun d’une culture numérique transverse et large, leur permettant de s’adapter à des environnements numériques en évolution permanente ».

"On aménage le territoire sans aménager la vie"

Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly-sur-Seine (92) et Carlos Moreno, professeur associé et directeur scientifique de la chaire ETI (Entrepreneuriat Territoire Innovation) de l’IAE Paris- Université Paris I, spécialiste de la ville intelligente, militent pour une nouvelle organisation des territoires autour des villes moyennes qui privilégient la diversité humaine. À condition de développer des services nécessaires à la qualité de vie. En d’autres termes, il s’agit de mettre en place un urbanisme par les usages. Rencontre.

 

(suite…)

Les collectivités misent plus que jamais sur les circuits courts

Les collectivités réfléchissent à de nouveaux modèles de production organisés localement, au plus près du territoire. Développés depuis quelques années déjà pour les productions agricoles et la restauration, les circuits courts s’invitent aussi dans la production d’énergie, les carburants ou encore la construction.

 

(suite…)

Les outils numériques au service de la propreté des villes

DÉCRYPTAGE. Dépôts sauvages, poubelles qui débordent, encom- brants abandonnés dans la rue, etc. : la propreté des espaces publics est un enjeu crucial pour les élus locaux. Et si les outils numériques pouvaient les aider à garder leur ville plus propre ?

A la Rochelle, plus de 1 200 conteneurs d’apports vo- lontaires sont équipés de sondes de té- lérelève qui mesurent, en temps réel, le taux de remplissage. À Montélimar, les agents utilisent leur smartphone au quotidien pour prendre des photos, avant et après chacune des interventions effectuées suite aux signalements des citoyens via une application. Le digi- tal serait-il devenu incontournable pour améliorer la propreté de nos villes ?

UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DES FLUX

À Metz, la municipalité a engagé une réflexion autour des mobiliers de propreté connectés. « Nous avons réalisé une période d’expérimentation durant toute une année avec des résultats consolidés autour de différentes technologies que nous avons testées, comme les puces RFID et GPRS, l’horodatage des corbeilles de propreté ou encore les QR Codes », explique Régis Gabriel, chef de service Pôle Propreté Urbaine de la ville de Metz. Loin d’être de simples gadgets, ces technologies présentent selon lui des avantages pour la gestion de son service au quotidien : « Les in- formations collectées par les différents capteurs nous permettent de réajuster nos collectes de corbeilles pour éviter les débordements ou bien de revoir l’im- plantation des corbeilles en fonction de leur taux d’utilisation. Ces outils sont utiles également pour suivre la maintenance effectuée sur ces équipements. L’idée étant que l’on puisse grâce aux informations que nous collectons affiner notre tournée de collecte de corbeilles pour optimiser au maximum le temps de travail des agents et mieux calibrer les véhicules pour la tournée. » Optimiser les tournées de collecte engendre une réduction de la consommation de fluides et des émissions de CO2, selon le chef du service propreté. Des capteurs installés dans ses mobiliers de propreté couplés à une solution globale de gestion de ses équipements déployée par Sigrenea, filiale de Suez, ont permis à l’agglomération rochelaise de réduire son effort de collecte de 30%, tout en maintenant un taux de débordement inférieur à 1% de son parc. Une alerte e-mail est émise si- tôt que le seuil de remplissage fixé est atteint. Le superviseur peut alors réagir instantanément en déclenchant une intervention. « Le premier objectif étant l’optimisation de la collecte puis la vidange afin de garder ces espaces le plus propre possible et prévenir les déchets sauvages à proximité », explique Annelise Avril, directrice Recherche, Innovation et Transformation Digitale chez Suez.

L’EXPÉRIENCE CLIENT, UN ATOUT POUR LES VILLES
Impliquer les citoyens dans la propreté de leur cadre de vie, c’est ce que pro- posent TellMyCity, SoNet, Dans ma rue ou encore Néocity, des applications que les villes françaises sont nombreuses à déployer. Grâce à elles, les riverains peuvent géolocaliser la présence de dépôts sauvages ou toute autre incivi- lité dans l’espace public et les signaler aux services concernés. « Avec ce type d’outil il s’agit de faciliter la vie de l’usager de façon ce que son comporte- ment soit le plus vertueux possible vis- à-vis de la propreté urbaine pour éviter les déchets sauvages », analyse Anne- lise Avril. Dans sa panoplie d’outils et services à destination de ses clients col- lectivités, le groupe Suez a développé « Mon service déchets » lancé en 2019 qui propose bien des fonctionnalités : « À l’échelle d’une ville, le citoyen peut rechercher où se situent les points d’apports volontaires près de chez lui ou consulter les horaires d’ouverture d’une déchetterie. Et en scannant le code-barres des produits équipements il saura dans quel bac déposer ses dé- chets. » Car faciliter le tri de certains déchets est aussi une manière de limi- ter les dépôts sur les trottoirs. Dans le même esprit, l’appli Va Bene permet en un clic de commander une benne de chantier pour y déposer des déchets de travaux et de la même façon en com- mander le retrait une fois le dépôt terminé. « Mettre ces outils digitaux au service des usagers c’est aussi faire en sorte que les comportements les moins vertueux puissent être évités », selon Annelise Avril. À Metz, l’outil de signalement des incivilités baptisé « Publik » est géré directement par le service de la propreté. À chaque signalement, des agents de contrôle équipés de smart- phones sont envoyés sur le terrain. Ils prennent une photo avant et après l’intervention. Une réponse est automatiquement générée à l’usager. « Les outils numériques nous permettent de comptabiliser et de rationaliser nos interventions et de générer automatiquement une cartographique de l’incivisme en temps réel », explique Régis Gabriel. En fonction de la nature des dépôts ou des déchets rencontrés, se- ront mis en place, de manière localisée, des actions de sensibilisation ciblées. En interne, le service de la propreté développe ses propres applications. L’une d’entre elle est destinée aux agents de propreté qui renseignent en fin de tournée les rues qu’ils ont traitées. Une manière de suivre le taux de réalisation du plan propreté.

« C’est une manière nouvelle d’appréhender la propreté et surtout d’intégrer une notion qui jusqu’à présent était très peu connue dans les métiers de la propreté, à savoir l’anticipation sur des comportements déviants d’usagers », constate Régis Gabriel. Depuis peu, l’intelligence artificielle a fait son entrée dans les services propreté avec une solution mise au point par la start- up suisse Cortexia. Le principe de cette solution déjà expérimentée en Île-de- France ? Des caméras installées sur un véhicule détectent les déchets et prennent une photo à l’instant T des zones présentant un problème de pro- preté urbaine afin de déclencher une intervention rapide. Attention cepen- dant car trop de réactivité pourrait aus- si déresponsabiliser certains usagers...

Blandine Klaas

Le règlement intérieur du conseil municipal

L’adoption du règlement intérieur est un rendez-vous obligé des conseils municipaux dans les six mois qui suivent l’entrée en fonction. Me Philippe BLUTEAU, Avocat au Barreau de Paris, (Cabinet Oppidum Avocats) fait le point. 

Le règlement intérieur doit-il obligatoirement traiter certains sujets ?

« LA RÉPONSE DE L’EXPERT »

Oui. À plusieurs reprises, le Code général des collectivités territoriales prévoit que les dispositions législatives qu’il prévoit devront être précisées par le règlement intérieur de la commune, ce qui constitue donc autant d’articles obligatoires à traiter : les questions orales en séance, l’espace d’expression de l’opposition dans les supports d’information, le déroulement du débat d’orientations budgétaires, les modalités de consultation des projets de contrats de commande publique avant
la séance et, dans les communes de 50000 habitants et plus, les conditions de création des missions d’information et d’évaluation.

Que se passe-t-il si le règlement intérieur n’est pas adopté ?

« LA RÉPONSE DE L’EXPERT »

En application de l’article L.2121-8 du Code général des collectivités territoriales, dans les communes de 1000 habitants et plus, le conseil municipal doit en principe établir son règlement intérieur dans les six mois qui suivent son installation. Mais la loi NOTRe du 7 août 2015 a ajouté une précision bienvenue, qui s’applique depuis l’entrée en fonction des conseils municipaux élus en 2020 : tant que le nouveau règlement n’a pas été adopté, y compris si le délai de six mois est dépassé, le règle- ment intérieur adopté au cours du mandat précédent continue à s’appliquer jusqu’à l’établisse- ment du nouveau règlement. Il n’y a donc plus de vide juridique en cas de carence de la nouvelle majorité.

Le règlement intérieur peut-il limiter le temps de parole des conseillers municipaux ?

« LA RÉPONSE DE L’EXPERT »

C’est toujours périlleux, le juge administratif pouvant an- nuler les articles des règlements intérieurs qui lui apparaissent excessivement restrictifs au détriment des conseillers. Ainsi, par exemple, ont été annulées les dispositions d’un règlement intérieur enfermant le temps
de parole total de chaque élu à six minutes par séance (CAA Versailles, 30 décembre 2004, Commune de Taverny, n°02VE02420) ou le limitant à trois minutes par délibération (TA Grenoble, 15 septembre 1999, Lapelerie, n°9503317), ou limitant à une seule interven- tion par groupe la discussion d’une délibération (CAA Paris, 22 novembre 2005, Commune d’Issy-les-Moulineaux, n° 02PA01786)..

Le règlement intérieur peut-il imposer un délai pour déposer des questions orales ?

« LA RÉPONSE DE L’EXPERT »

Oui, mais, pour rester légal, ce délai ne doit pas être trop important : ainsi, le règlement intérieur peut légalement pré- voir l’obligation pour les élus
de déposer le thème de leurs questions vingt-quatre heures
au moins avant la séance du conseil (TA Versailles, 8 déc. 1992, n°925961). Quant au
délai de 48 heures, il n’a jamais été censuré et peut donc être également valablement retenu. En revanche, un délai plus long, par exemple de trois jours francs avant la séance, a été jugé exces- sif (TA Montreuil, 1er mars 2018, n°1705131).

Le règlement intérieur peut-il prévoir un nombre minimal d’élus pour constituer
un groupe ?

« LA RÉPONSE DE L’EXPERT »

Oui. En revanche, un règle- ment intérieur qui prévoirait
que les conseillers municipaux qui ne sont pas membres d’un groupe forment d’office une réunion administrative repré- sentée par un délégué élu par elle, habilité à s’exprimer en leur nom au cours des séances, est il- légal. De même, la loi prévoyant que les droits d’expression (à l’oral en séance, comme à l’écrit dans les supports municipaux) sont individuels, le règlement intérieur ne pourra pas subor- donner l’exercice de ces droits à l’appartenance à un groupe constitué.

Retrouvez toutes nos solutions documentaires sur weka.fr

La reconquête de l’industrie passera par les territoires

Baisse massive des impôts de production, développement de projets portés par Territoires d’industrie, simplification d’installations de sites, (re)localisations... la reconquête industrielle accélère. « Nous faisons de notre industrie le moteur de la relance sur tout le territoire national », promet Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Industrie lors de l’interview qu’elle a accordée à RCL. Rencontre.

RCL : Les pénuries apparues au début de la crise sanitaire sur des produits essentiels comme les masques, les respirateurs ou certains médicaments, ont révélé l’ampleur de la désindustrialisation de la France. De toutes parts, des voix se sont élevées pour appeler à relocaliser des activités stratégiques. Vous les avez entendues ?

Agnès Pannier-Runacher : Non seulement nous les avons entendues, mais nous les avons devancées. La reconquête industrielle est au cœur de la politique économique que nous menons depuis l’élection du président de la République en 2017. Et nous avons commencé à en récolter les fruits. De 2017 à 2019, pour la première fois depuis seize ans, nous avons recréé de l’emploi industriel net. Aujourd’hui, il faut aller plus loin. C’est l’objectif du plan « France Relance » présenté par le gouvernement début sep- tembre. Dans le cadre de ce plan, nous avons décidé de consacrer près de 35 milliards d’euros à l’in- dustrie, sur un total de 100 milliards d’euros. Pour accélérer le processus de réindustrialisation, nous avons lancé dès cet été des appels à projets dans cinq secteurs stratégiques : la santé, l’électronique, les intrants critiques de l’industrie (chimie, maté- riaux, métaux), l’agroalimentaire et les applications 5G. Mais il est clair que l’on ne va pas reconstruire en trois ans des pans entiers détruits au cours des dernières décennies. N’oublions pas qu’entre 2000 et 2016, la France a détruit 1 million d’emplois industriels. Nous avons réussi à inverser la tendance en 2017 grâce notamment aux réformes profondes engagées en matière de fiscalité et de droit du travail. La France est devenue en 2018 et 2019 la première destination en Europe des investissements directs étrangers pour les projets industriels et pour la R & D. Ces résultats solides sont autant d’éléments sur lesquels nous devons capitaliser aujourd’hui en déployant le plan de relance.

RCL : Quelles sont les ambitions du plan de relance ?
APR : « France Relance » a quatre ambi- tions affichées. Tout d’abord nous allons localiser ou relocaliser des productions critiques en France. En outre, nous ac- célérerons les transitions énergétique et écologique qui sont de puissants moteurs de création d’emplois à moyen terme. Par ailleurs, nous devons moderniser notre appareil productif. En effet, nous avons pris du retard en matière de numérique et de robotique alors que la technologie permet de gagner en qualité et en coût de revient, et donc en compétitivité. Enfin, nous renforçons l’innovation et l’investissement dans les technologies clés pour prendre ce quart d’heure d’avance indispensable pour se démarquer de nos concurrents étrangers.

RCL : Pourtant, cet appel à la réindustrialisation n’est pas récent : La crise de 2008-2009, puis le rapport Gallois en novembre 2012 qui avait émis une série d’alertes sur la compétitivité française et enfin les prises de paroles d’Arnaud Montebourg...

A.P.R. : Durant les décennies passées, les gouver- nements n’ont pas su empêcher la destruction systématique des emplois industriels, à la différence de l’Allemagne. Le rapport Gallois et les prises de paroles d’Arnaud Montebourg ont été des alertes, certes, mais sans action profonde pour renverser la tendance et prendre les mesures structurantes pour encourager les industriels à revenir investir en France. Un exemple éclairant est celui des impôts de production qui sont sept fois plus élevés qu’en Allemagne. La baisse de 10 milliards d’euros que nous engageons enfin va aider les entrepreneurs à jouer à armes égales avec leurs concurrents européens. On ne peut pas leur demander d’être les meilleurs et les taxer à chaque fois qu’ils investissent ou créent de l’emploi.

RCL : La désindustrialisation est-elle finalement seulement une affaire de fiscalité et de coût de production ?
A.P.R. : Non bien sûr. Nous souffrons également de la complexité administrative qui décourage les investis- seurs étrangers et ils nous le font savoir. Nous nous sommes attaqués à ce chantier. La loi Asap (accélé- ration et simplification de l’action publique) qui vient d’être adoptée par le Sénat et l’Assemblée nationale va ainsi faciliter l’installation et l’extension de sites industriels en France. Mais au-delà des mesures de simplification, nous avons un plan d’actions avec Bu- siness France et la Direction générale des entreprises pour rencontrer les investisseurs, leur expliquer nos réformes et les moyens financiers et d’accompagne- ment qui peuvent aider à leur installation. C’est un véritable travail de dentelle. Avec « France Relance », nous allons pouvoir renforcer notre action en accom- pagnant un grand nombre de projets de création ou d’extension de chaines de production. Nous aidons également les industriels à monter en compétences et à prendre le risque d’investir dans un contexte incertain. Nous avons ainsi confirmé plusieurs centaines de projets, notamment dans les secteurs durement touchés par la crise sanitaire, comme l’automobile et l’aéronautique.

RCL : Le risque de fermeture de l’usine Bridgestone implantée à Béthune, dont son maire, Olivier Gacquerre était l’invité du numéro précédent, reflète la situation de l’industrie française... De quelle arme disposez-vous pour éviter les drames sociaux ?

A.P.R. : Sur le site de Bridgestone, aucun inves- tissement n’a été fait depuis le début des années 2010. Aujourd’hui, nous en faisons les frais, alors que l’usine était un des fleurons européens du pneu dans les années 2010. À Béthune comme dans les autres villes de France frappées par la fermeture d’usines, il faut, pour éviter un drame social, construire des projets industriels solides en investissant dans l’équipement et les compétences des salariés, non pas par idéologie, mais parce que la France a de vrais atouts : la qualité de sa main- d’œuvre, sa logistique, ses capacités d’innovation. Il s’agit de trouver les leviers pour être les meilleurs pour décrocher des commandes à l’international. L’investissement dans la numérisation des chaînes de production en est un. Il peut nous faire gagner jusqu’à 30 % de gains de compétitivité et il est adapté à un pays qui dispose de bons opérateurs, de bons techniciens et de bons ingénieurs. C’est grâce à cet avantage comparatif que nous pourrons prétendre à des coûts de production compétitifs par rapport à ceux d’entreprises qui produisent dans des pays à bas coûts.

RCL : Concernant l’usine Bridgestone, où en est, à ce stade, le dossier ?
APR : Nous avons recruté un cabinet de conseil indépendant qui a mené une contre-expertise qui a, sans surprise, pointé les difficultés du marché
du pneu en Europe, mais surtout du pneu à faible valeur ajoutée produit à Béthune. Nous avons bâti un scénario viable pour maintenir une activité de production de pneus. Bridgestone a fermé la porte à ce scénario et confirmé son intention de quitter le site en 2021. Cette décision est indigne mais notre combat ne s’arrête pas là. Pour les salariés, pour leurs familles et pour le territoire béthunois, nous allons nous battre pour trouver des repreneurs pour maintenir une activité industrielle sur le site et nous rechercherons des postes pour les Bridgestone. Nous examinerons tous les scénarii industriels possibles. Notre responsabilité, ma responsabilité, est de maintenir l’emploi industriel et d’offrir des perspectives à chacun des salariés qui y travaillent.

RCL : Est-ce que la réponse à la mondialisation pourrait être la décentralisation ?
APR : La réponse à la mondialisation, c’est la concurrence équitable. Le commerce mondial est un facteur de richesse, mais lorsque les entreprises européennes font des efforts importants en matière sociale et environnementale, il n’est pas illégitime de contrôler les marchandises étrangères qui sont vendues sur notre marché européen. On ne peut pas demander aux entreprises européennes de réduire leur empreinte carbone et dans le même temps laisser entrer sur le marché européen des marchan- dises dont la production a nécessité dix fois plus de carbone et s’avèrent de ce fait moins coûteuses. C’est tout le sens de la politique industrielle ambitieuse que nous prônons avec le président de la République et Bruno Le Maire, notamment en défendant un mécanisme de taxation carbone aux frontières. En matière de décentralisation, l’enjeu est d’embarquer les élus locaux qui sont des mail- lons indispensables de la relance. Derrière chacun des objectifs du plan que j’ai énoncés, il y a des en- treprises, des territoires et des élus mobilisés. Nous avons besoin de leur connaissance du terrain, indis- pensable à l’implantation d’usines, au recrutement de la main-d’œuvre, à sa formation et à l’insertion des salariés dans la vie locale.

RCL : Quel message avez-vous envie d’adresser aux maires de France ?
APR : Nous avons besoin de vous ! Vous êtes des acteurs centraux du plan de relance. Vous êtes les entrepreneurs du quotidien et la reconquête indus- trielle passera par vous.

Propos recueillis par Danièle Licata

Internet donne aux acteurs locaux une nouvelle capacité d’action

TENDANCES. La crise du Covid-19 a imposé une gestion locale au plus près du terrain et une collaboration interrégionale et nationale plutôt réussie grâce aux outils numériques mais qui suppose une volonté politique forte de les faire fonctionner
et une organisation décentralisée et collaborative. Explications.

LE MODÈLE FRANÇAIS HIÉRARCHISÉ DÉSORMAIS INADAPTÉ

La France a bâti sa puissance sur la construction d’un modèle centralisateur depuis la bataille (perdue pendant la guerre de Cent Ans) d’Azincourt, avec des administrations fortes attirant les ambitieux vers la capitale, lieu de concentration de tous les pouvoirs. La Révolution française n’a fait, depuis, qu’amplifier le phénomène par un « darwinisme républicain », le mouvement de décentralisation « à la française » de la fin du XXe siècle restant très loin des modèles de nos voisins européens.
Dans les années 1980 commence à émerger le protocole HTML, qui per- mettra la création de l’Internet, système global décentralisé et collaboratif. Mais la France s’en méfiera et perdra au pas- sage dix ans à mener la bataille du Minitel comme standard mondial contrôlable par France Telecom qui appartient... à l’État (pour les rattraper dans la décennie suivante, la centralisation n’a pas que des défauts !).
L’appropriation par les collectivités de ces outils numériques, simples ou sophistiqués, par définition matriciels, permet aujourd’hui l’émergence d’un modèle hybride, encore à bâtir, où girondisme et jacobinisme s’optimisent par une meilleure efficacité des pouvoirs et des services publics.

DES NOUVELLES FORMES DE COLLABORATION NATIONAL-LOCAL

Le système collaboratif et décentralisé d’Internet donne aux acteurs locaux une nouvelle capacité d’action tout en déployant relativement simplement des services performants, en parallèle d’une meilleure coordination nationale et européenne.

L’action concrète déployée au niveau des bassins d’emplois et de vie, donc locale, peut s’appuyer, grâce aux outils numériques, sur des collectes de données sanitaires ou économiques et leur traitement en fonction des objectifs de la puissance publique locale et nationale, afin de gérer dans la finesse les moyens et les besoins. Ces outils très performants, (certains développés par des entreprises françaises) sont déjà au service des acteurs pour au- tant que ces derniers le souhaitent et s’y forment.

Ainsi, la crise du Covid-19, internationale par nature, a imposé une gestion locale au plus près du terrain, plutôt réussie dans le contexte, et une collaboration interrégionale et nationale. La mesure rapide des taux d’occupation des hôpitaux, remontés directement du terrain, et la communication numérique simple entre des acteurs divers géographiquement éloignés, confinés ou non, a permis d’organiser au niveau national (et européen) des transferts de patients.

DES OUTILS POUR MIEUX GÉRER LA COMPLEXITÉ DE LA COLLECTIVITÉ

Une collectivité, ce sont des activités humaines impliquant des transports, des établissements scolaires, du ramassage de déchets, des réseaux de télécommunication et d’énergies... fondamentales et interdépendantes les unes des autres. On peut déjà citer quelques exemples des outils numériques investis sur ces champs.

L’optimisation des investissements. Certaines plateformes (dont des françaises) combinent algorithmes et intelligence artificielle, et permettent de rentrer les données de tous les acteurs impliqués dans un problème pour trouver des solutions intelligentes (et pas forcément numérique d’ailleurs) rapidement. Ainsi cette grande collectivité locale qui s’apprêtait à investir plusieurs millions dans un métro pour limiter les embouteillages du matin, qu’une plateforme numérique a permis d’économiser en montrant qu’un décalage de l’ouverture des cours des universités et des bureaux permet- tait d’alléger suffisamment la circulation.

La mesure de la performance et le contrôle des processus publics et privés. La généralisation d’outils comme la maquette numérique (BIM) dans le monde de la construction par exemple, permet déjà de gagner en efficacité-coût, mais aussi en transparence, vis-à-vis des maîtres d’œuvre que sont les collectivités et de leurs administrés.

La dématérialisation des procédures et la simplification de la relation avec les administrés. Déjà largement engagée avant le confinement, elle a permis aux collectivités locales de continuer à fonctionner pendant la période de confinement, tout en protégeant leurs agents publics.

Les outils d’information sur la vie locale et sur le fonctionnement des services publics optimisent le dialogue avec la population. Ils ont aussi montré l’appétence à la citoyenneté, et la collaboration solidaire parfois organisée en dehors, mais rarement contre les élus, qui s’est accélérée avec la crise.

DE NOUVELLES FORMES DE TRAVAIL

La crise du Covid-19 a aussi imposé une adoption massive du télétravail ce qui permet d’en tirer quelques enseignements. Pour beaucoup se structure, il a permis à la fois une meilleure efficacité de l’organisation du travail, a fait économiser du temps de transports, mais a aussi attiré de nouveaux talents désireux de demeurer dans un environnement agréable.
L’enclavement géographique, sous ré- serve d’une connectivité fonctionnelle, est devenu relatif : beaucoup de cadres confinés ont continué à avoir accès et rencontrer virtuellement des « gens pertinents » basés dans n’importe coin du monde, collègues, homologues, étrangers, prestataires... Tous ont appris à réfléchir, discuter, négocier à travers les écrans. Le monde de demain devra ainsi continuer à mélanger les rencontres physiques et virtuelles pour élargir les horizons de tous.
Enfin, au niveau des salariés, le « cadre de vie » s’est avéré déterminant dans la manière dont le confinement a été vécu. Ainsi, les villes moyennes ont su tirer leur épingle du jeu en proposant un environnement agréable et une forte connectivité numérique.

UNE ÉVOLUTION INDISPENSABLE MAIS... QUI DÉPEND DE LA VOLONTÉ DES ACTEURS

Les outils numériques peuvent donc permettre de mener de manière pragmatique et efficacement cette double approche, nationale et locale, chacun efficace dans son domaine, pour le bénéfice de nos concitoyens. Ils supposent néanmoins d’abord une volonté politique de les faire fonctionner et une organisation qui reflète leur réalité technique, donc décentralisée et collaborative.
Ils supposent également un vrai effort de formation, tant pour le personnel les utilisant, que les managers qui devront apprendre à déléguer, plutôt qu’à imposer.

Thaima Samman, avocate associée, fondatrice du cabinet Affaires publiques.

Covid-19 : Les réseaux sociaux d’entraide des villes, une réponse aux besoins urgents des populations

ACTU. Depuis le début du confinement, le nombre de visites sur les plateformes collaboratives des villes explose révélant le mouvement de solidarité face aux besoins urgents de la population fragile. Parmi les acteurs de la civic tech, Cap Collectif, la start-up déjà à la manœuvre lors du Grand débat national.

Rapprocher les initiatives et les besoins des habitants, évaluer sa faisabilité, tout en assurant un soutien opérationnel pour la mise en œuvre grâce à une entrée unique, voilà la vocation des réseaux sociaux d’entraide qui depuis l’apparition du Covid-19
poussent comme des champignons.

« Durant cette crise, beaucoup de collectivités ont souhaité accompagner les initiatives citoyennes de solidarité sur leur territoire pour permettre de traverser au mieux la période de confinement. Nous avons alors mis à leur disposition un réseau social d’entraide pour répondre aux solutions d’urgence du quotidien, comme les gardes d’enfants, les courses alimentaires, le soutien psychologique ou même les aides administratives », explique Cyril Lage président et fondateur de Cap Collectif, qui propose de mettre à disposition des villes un réseau social d’entraide gratuit.
Objectif des collectivités : faciliter la mise en relation en toute confiance. « C’est aussi l’occasion pour les collectivités d’organiser l’échange direct entre individus qui était jusque-là la prérogative des réseaux sociaux », souligne Cyril Lage.

Résultat : on dénombre pas moins de 12 250 utilisateurs en quelques semaines. De Paris, Rennes, Lille, Orléans, Mulhouse, en passant par le Havre, Poitiers, Courbevoie, Bourg-la-Reine, Villecresnes ou Meudon ce ne sont pas moins de seize villes qui ont fait appel à la start-up pour mettre à disposition de leurs administrés ce service d’échanges de pair à pair. La région Grand Est, et les départements des Deux-Sèvres, du Calvados, de la Corrèze ou de la province de Namur leur ont emboîté le pas.

« Depuis le début de l’épidémie, la ville et les associations se mobilisent active- ment pour apporter aide et soutien aux populations fragiles. Mais dans le même temps, de nombreuses et nombreux Parisiennes et Parisiens s’engagent aussi pour les autres. Grâce à ce nouveau service numérique, idee.paris.fr, nous avons pu soutenir et favoriser à plus grande échelle les réseaux d’entraide de proximité. Cette plateforme recense les initiatives de solidarité entre particuliers à Paris et a permis à de nombreux Parisiens d’aider leurs voisins de quartier ou d’immeuble », explique Pauline Véron, maire adjointe à la ville de Paris, chargée de la Démocratie locale, la participation citoyenne, la vie associative et jeunesse.

À Mulhouse, Michèle Lutz, maire de la ville a pu constater que grâce au réseau #Mulhouse, la solidarité à l’échelle lo- cale à améliorer le quotidien du confine- ment : « la crise sanitaire profonde qui affecte notre territoire a paradoxalement été à l’origine de formidables initiatives souvent spontanées de citoyens, d’associations, d’entreprises pour organiser la solidarité à l’échelle locale. Ce travail, nous souhaitons, à Mulhouse qu’il
se prolonge au-delà du confinement. Désormais, #Mulhouse se réinvente et offre l’opportunité à chaque Mulhousien d’apporter sa pierre pour imaginer et construire Mulhouse, après la crise du Covid-19. Les idées et suggestions pro- posées par chacun seront analysées et débattues, en toute transparence, par les autres utilisateurs. Elles pourront devenir des pistes de travail pour favoriser davantage la participation citoyenne. »

VERS UN DÉCONFINEMENT RÉUSSI

« Pour les collectivités, il s’agit désormais de réussir le déconfinement avec la nécessité de prendre les meilleures mesures possibles, mais de travailler aussi à leur acceptabilité par la population. Car le risque est que, sans adhésion de la celle-ci pour les semaines et les mois à venir, ces mesures ne soient pas ou peu appliquées », avertit Cyril Lage. Pour aider les collectivités, Cap Collectif rend la totalité de sa plateforme participative gratuite pendant six mois pour permettre aux collectivités d’associer leurs habitants à des démarches participatives dans une perspective de sortie de crise. Consultations citoyennes, boîtes à idées, questionnaires... Les huit applications proposées habituellement sur la plateforme sont désormais toutes accessibles pour leur permettre de mobiliser les habitants autour d’un projet collectif.

Danièle Licata

 

"La récession en France pourrait atteindre 10% cette année"

Pour Patrick Artus, chef économiste de la Banque Natixis et professeur à l’École d’économie de Paris, la crise sanitaire a provoqué une récession violente sans précédent qui explique les mesures volontaires de la part de l’exécutif. Pour l’après-crise sanitaire, il défend une baisse des impôts de production pour soutenir l’investissement et les embauches des entreprises, et favoriser la relocalisation de secteurs stratégiques.

RCL: La crise sanitaire a plongé le monde dans une crise sans précédent. Quel est l’état des économies à ce jour [20 avril, date de l’interview] ?

Patrick Artus : Tous les signaux de l’économie mondiale sont passés en quelques semaines au rouge vif. Après la Chine, l’Europe, l’Inde, cela a été au tour des États-Unis de plonger. En quelques jours, des millions d’emplois ont été détruits, sans pouvoir, comme en France, bénéficier de la mesure protectrice du chômage partiel. En fin d’année, le taux de chômage pourrait être de 20 %. Le gouvernement américain se mobilise pourtant avec un plan de relance massif et un chèque de 1200 dollars sous conditions de ressources pour tous les Américains. Soit un effort qui représente 10 % du PIB [produit intérieur brut, NDLR] américain! C’est deux fois plus qu’au moment de la crise de 2009. Et supérieur à ce qui avait été engagé par les États-Unis au début de la Seconde Guerre mondiale.

Comment évaluer l’impact de la crise du coronavirus sur l’économie en France ?

P.A.: L’Insee [Institut national de la statistique et des études économiques] a chiffré à 35 % le recul mensuel du PIB avec le confinement, soit 3 points de PIB par mois de confinement. Dans le cadre de notre hypothèse, avec reprise progressive dès le mois de mai, le recul annuel du PIB pourrait atteindre au moins 8 % en France et 8 à 10 % dans la zone euro. Mais avec les pertes plus fortes encore dans les secteurs les plus touchés, qu’il s’agisse du transport aérien, du tourisme, de la restauration ou de la culture, et dans le cas d’une reprise beaucoup plus longue, la chute en France pourrait plutôt avoisiner les 10 % en 2020. Peu à peu, dès la fin du confinement, l’activité va reprendre pour tendre vers une normalisation, autour du quatrième trimestre de cette année. Pour autant, les composantes du PIB seront différentes, avec un retour de l’activité très fort dans le commerce en ligne et les télécoms, une activité ralentie dans le transport aérien et l’automobile, et des chutes violentes dans le tourisme, la restauration et la culture, les grands perdants de la crise sanitaire. L’immobilier de bureaux, avec la montée en puissance du télétravail, risque de s’effondrer. Ce qui pose, bien sûr, la question de la qualité des réseaux télécoms dans les territoires.

Quel peut être l’effet réel des mesures exceptionnelles prises par les banques centrales et les États ?

P.A.: En réaction à la crise du coronavirus, la Réserve fédérale (FED) américaine et la Banque centrale européenne (BCE) ont décidé de mettre en place une monétisation illimitée, c’est-à-dire de financer les pertes brutales d’activité par des achats de dettes publiques, via la création monétaire. En d’autres termes, les États supportent en totalité les croissances négatives en 2020 par une politique budgétaire massive à la hauteur des récessions. La logique de la politique menée en France est la même. L’État décharge les entreprises des salaires par le chômage partiel, et baisse ou reporte les impôts. Parallèle- ment, il tente de maintenir le revenu des ménages via des aides à la consommation, notamment pour les plus fragiles. Autant de mesures qu’il ajuste au jour le jour. Face à cette crise violente sans précédent, la priorité de l’exécutif est d’éviter l’explosion du nombre de faillites d’entreprises. Évidemment, la politique mise en place est à saluer. N’oublions pas qu’en 2009, le nombre d’entre- prises qui avaient mis la clé sous la porte avait été multi- plié par quatre.

Qu’en est-il alors de l’orthodoxie budgétaire imposée par la BCE ?

P.A.: La question ne se pose plus aujourd’hui, et la BCE n’a pas d’autre choix que de distribuer massivement de la monnaie aux entreprises et aux ménages sans contre- partie. Car il s’agit, encore une fois, de maintenir sous oxygène les entreprises et les ménages, pour ne pas couler et éviter ainsi un chômage de masse à l’issue de la crise sanitaire. En fin d’année, les déficits publics en France devraient atteindre 10 % du PIB alors que le taux d’endettement pourrait grimper à 115 % du PIB.

Faudra-t-il rembourser, à l’issue de la crise, ces déficits ?

P.A.: Si François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France dans une tribune au JDD a déclaré qu’il faudra à un moment rééquilibrer les comptes publics, il n’y a pas de consensus sur le sujet. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, et même Christine Lagarde, présidente de la BCE, s’y opposent. Je ne crois donc pas à un resserrage budgétaire à l’issue de la crise sanitaire. La seule solution est que la BCE achète cette dette et la garde dans ses livres sans les revendre. Une façon d’éviter des problèmes de financements pour les États. Car, n’oublions pas que l’activité ne reprendra que progressivement et que le gouverne- ment n’a pas fini de mettre la main à la poche. La hausse du chômage ne sera pas résorbée. Il faudra revaloriser les salaires des professionnels de santé, de la police... Et puis il faudra relocaliser des secteurs stratégiques. Ce élevés même en 2021 et 2022. Et si on ne veut pas un mouvement antieuropéen violent, il faudra mutualiser les dettes. Sans cette solution, je ne suis pas sûr que l’Italie puisse, par exemple, financer 5 à 6 % de déficit public en 2021, car ces taux d’intérêt pourraient s’envoler.

Qu’est-ce qui vous inquiète ?

P.A.: Ce n’est pas tant la dette des États que celle des entreprises qui sortiront bien plus endettées et adopteront le réflexe naturel qui consiste à améliorer leur bilan. Ce qui entraînerait une baisse de l’investissement et des embauches. Or moins d’investissement et moins d’embauches, c’est aussi moins de consommation et donc moins de croissance. J’ai peur que la croissance en 2021 atteigne à peine 3 % du PIB, alors qu’il faudrait au moins le double pour récupérer le niveau d’avant crise. D’où la nécessité de continuer à aider les entreprises qui auront besoin de mesures fortes d’aides à l’embauche et à l’investissement. Une baisse de taxes de production serait non seulement un signe fort à leur égard, mais également une nécessité. Car il est désormais urgent de financer des relocalisations d’activités stratégiques comme la santé, les biens d’équipements pour les énergies renouvelables et les télécoms... Or cette fiscalité de production pénalise aujourd’hui les sociétés qui élisent domicile sur notre territoire, et en particulier les entreprises industrielles. Restera à réfléchir comment compenser le manque à gagner auprès des collectivités locales.

Propos recueillis par Danièle Licata

Oui, l'eau du robinet peut se boite en toute confiance

DÉCRYPTAGE. De l’avis de l’OMS et de tous les professionnels, l’eau du robinet peut être consommée en toute confiance. Car le coronavirus, comme tout autre virus, résiste pas aux traitements de désinfection pratiqués dans les unités de production d'eau potable. Alors, buvez tranquille.

Panique dans la capitale. Le laboratoire de la régie municipale Eau de Paris a découvert, au début du mois d'avril, la présence en quantité infime de traces du COVID-19 sur 4 des 27 points de prélèvements testés sur le réseau d’eau non potable, ce qui a conduit la mairie à suspendre immédiatement l’usage de son réseau, dans le cadre du principe de précaution.

En effet, « des fragments de génome du COVID-19 peuvent passer dans les selles des personnes infectées. Mais il s’agit de l’eau non potable qui n’a pas vocation à être consommée, mais à être utilisée pour le nettoyage des rues parisiennes, ou les cascades des bois de Boulogne ou de Vincennes. Car la particularité de la capitale est de disposer de deux réseaux distincts. Le premier fournissant l’eau non potable, qui fait l’objet de processus d’épuration via un système de tamisage, mais sans système de désinfection. Pour autant les équipes de R&D du laboratoire d’Eau de Paris, analysent minutieusement cette eau même si elle n’a pas vocation à être consommée, car elle est un bon indicateur de l’avancement en particulier grâce à l’ozonation, la dé- des virus, grippe, gastro-entérite ou, au- sinfection UV et la chloration, qui, ajou- jourd’hui, COVID-19. Le second réseau tée en petites doses, empêche les virus est celui qui fournit l’eau potable qui et les bactéries de se développer, et per- coule dans nos robinets. Et cette eau est met de garantir la qualité de l’eau entre “l’aliment” le plus contrôlé et surveillé l’usine de traitement de l’eau et le verre par les pouvoirs publics. Dans ce réseau d’eau prêt à être consommé. Chaque parisien aucun virus ne peut survivre année ce ne sont pas moins d’un million aux nombreux traitements », explique de mesures qui sont réalisées », garantit Estelle Desarnaud, directrice générale Estelle Desarnaud.
adjointe d’Eau de Paris.

En effet, cet opérateur public respecte les 56 paramètres de potabilité définis par le Code de la santé publique dans le cadre des normes européennes qui forment le standard de qualité sanitaire le plus élevé au monde. Elle ne présente aucun risque pour la santé d'une personne qui en consommerait toute sa vie. Le contrôle sanitaire obligatoire est assuré par l’Agence régionale de santé (ARS), qui fait réaliser les prélèvements et analyses par un laboratoire agréé et consolide les résultats avant d’en diffuser une synthèse. Les résultats ob- tenus, en 2019, sont de 100 % de conformité pour la qualité bactériologique (recherche de bactéries du type entérocoques ou Escherichia coli) et 100 % pour la qualité physico-chimique (composition de l’eau, présence de plomb, de pesticides...).
« Et de son côté, Eau de Paris, qui des- sert 3 millions d’usagers dans la capitale, assure, elle aussi, une autosurveillance de la qualité. Les usines mettent en place plusieurs traitements successifs permettant d’éliminer tous les virus, en particulier grâce à l'ozonation, la désinfection UV et la chloration, qui, ajoutée en petites doses, empêche les virus et les bactéries de se développer et permet de garantie la qualité de l'eau entre l'usine de traitement de l'eau et le verre d'eau prêt à être consommé. Chaque année ce ne sont pas moins d'un million de mesures qui sont réalisées", garantie Estelle Desarnaud.

 

ET DANS LES AUTRES RÉGIONS DE FRANCE ?

De l'avis de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'eau du robinet peut également être consommée en toute confiance, les différentes étapes de traitement de l'eau (dont la désinfection qui est garantie) éliminent tous les virus, dont le coronavirus.

Les professionnels du secteur sont encore plus affirmatifs: « Il n’y a aucun risque de présence du COVID dans l’eau du robinet quelle que soit la région, c’est une certitude absolue », insiste Régis Taisne, chef du département cycle de l’eau à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). « Et puis n’oublions pas que l’eau du robinet évite d’aller acheter de l’eau en dehors du domicile et les manipulations que l’on peut avoir sur les bouteilles d’eau », ajoute Régis Demoly, directeur eau et assainissement de Grand Besançon Métropole. Et si elle peut être consommée en toute confiance, elle est également un moyen très efficace, pour se laver les mains avec du savon, comme geste barrière au COVID-19.

UN GOÛT DE CHLORE PLUS FORT QUE D’HABITUDE

« À Paris, c’est une impression. Peut- être que les Parisiens y sont plus attentifs en cette période de crise sanitaire. Mais l’eau qui arrive dans nos robinets contient 0,1 mg/l de chlore, rien de plus, rien de moins que d’ordinaire », assure Estelle Desarmaud.
Régis Taisne admet que, dans certaines régions de l’Hexagone, le dosage du chlore a été augmenté. « La diminution de l’activité économique et le confinement de la population à domicile peuvent avoir un effet sur les habitudes de consommation et donc sur la circulation de l’eau dans les canalisations, faisant stagner l’eau un peu plus longtemps. Le débit ayant été réduit, l’eau potable reste plus longtemps dans les canalisations, ce qui conduit à augmenter légèrement la teneur en chlore pour éliminer tout risque de pollution et de contamination. »

UNE SOLIDARITÉ EN PLACE

Le contrôle, un travail d’orfèvre que les opérateurs publics de l’eau et de l’assainissement continuent d’assurer en dépit des équipes réduites. Alors, pour continuer à fournir de l’eau potable de qualité et assurer le traitement des eaux usées des services publics encore plus essentiels, le réseau France Eau Publique, la FNCCR et l’Association des maires de France (AMF) ont constitué un réseau d’entraide entre opérateurs publics d’eau et d’assainissement. « Ce dispositif n’a pas vocation à suppléer au rôle des services de l’État, mais vise à mettre en œuvre, lorsque c’est possible, des actions de solidarité (dépannage matériel et humain, interventions d’urgence...) entre opérateurs publics d’eau et d’assainissement, afin de permettre à ces services de continuer à fonctionner malgré des difficultés dues au contexte exceptionnel de la crise du COVID-19 », souligne-t-on à la FNCCR. Dans l’éventualité où un service d’eau ou d’assainissement se trouverait confronté à une situation d’urgence qu’il ne serait pas en mesure de résoudre, les maires disposent désormais, par le biais de leurs associations départementales des maires, des coordonnées d’un service volontaire – proche ou assez proche – qui, dans la mesure de ses moyens, tentera de leur apporter le meilleur soutien possible. « Cette initiative illustre la capacité des collectivités et de leurs opérateurs publics à se mobiliser, et renforcer leurs synergies pour garantir un service public optimal, surtout en période de crise », conclut Régis Taisne.

Danièle Licata

Dossier crise sanitaire : des milliards comme s'il en pleuvait...

L’économie française est à l’arrêt depuis le début du confinement. Si la situation inédite de la crise rend difficile l’élaboration d’un scénario de reprise fiable, les injections massives de liquidités dans l’économie devraient permettre d’éviter des dépôts de bilan en cascade et un chômage de masse. Du moins c’est le pari du gouvernement.

En quelques jours, la France a plongé dans une crise économique inédite. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, parle « de la pire année de récession depuis la Seconde Guerre mondiale ». Comme pour lui faire écho, tout au long des 55 jours de confinement, les études économiques se sont succédé plus inquiétantes les unes que les autres. « Selon les informations disponibles au 23 avril 2020, l’activité économique française aurait diminué de l’ordre de 35 %. Dans les seules branches marchandes, hors loyers, la perte d’activité économique serait de presque 50% », écrit l’Insee dans sa note de conjoncture. « Alors que dans l’industrie, la chute de l’activité atteint 39%, quasiment autant dans les services marchands (-38 %) et que la construction s’effondre littéralement (- 79 %), Emmanuel Macron veut minimiser l’impact ‘quoi qu’il en coûte’ et maintenir sous oxygène les entreprises à l’arrêt pour éviter les défaillances en chaine », décrypte Karl Toussaint du Wast, cofondateur de Net investissement. Et le gouverne- ment ne regarde pas à la dépense. Jusqu’à 300 milliards d’euros de prêts aux entreprises mises à mal par les conséquences du confinement. Et après ? « La relance économique sera verte ou ne sera pas », a réaffirmé Bruno le Maire. Alors que le gouvernement présentera son plan de relance de l’économie en septembre prochain, le tourisme, l’automobile et l’aéronautique sont d’ores et déjà classés prioritaires pour bénéficier d’aides et d’accompagnement spécifiques jusqu’à la sortie de crise. « En parallèle, de nombreux dispositifs de soutien à la demande devraient être annoncés pour retrouver, voire dépasser le niveau d’avant crise », promet le ministre. Reste que ces injections massives d’argent liquide dans l’économie vont creuser inévitablement les déficits publics et alourdir la dette de l’État qui dépasse désormais 100% du PIB, mais également celle des entreprises qui atteint 70% du PIB. Comme un boulet au pied, ces niveaux de dettes publique et privée risquent de freiner l’accélération. Sauf à croire en une reprise en V... comme après un ouragan.

Danièle Licata

"Derrière les discours d'après-crise se profile une légitimation du protectionnisme"

« Nous sommes face à un choc exogène, dont on peut se relever assez vite dans la mesure où la chute d’activité est liée à l’impossibilité qu’ont les gens de travailler », décrypte Jean-Marc Daniel, économiste professeur émérite à l’ESCP Business School et directeur de rédaction de la revue Sociétal.

RCL : Moins de 8 % de croissance: a-t-on déjà, par le passé, connu un tel choc exogène ?

Jean-Marc Daniel : Il faut remonter à des guerres ou à des révolutions pour avoir en France une telle contraction d’activité. Ainsi, en 1947, le revenu par habitant était le même qu’en 1913. Entre ces deux années, l’économie française avait connu des phases de croissance et des phases de perte brutale de production. Il faut insister sur le fait que le choc est exogène, c’est-à-dire qu’il ne traduit pas une défaillance propre à l’économie sous sa forme actuelle de marché mondialisé, mais qu’il est la conséquence des décisions prises pour affronter la pandémie de coronavirus. Précisons, par ailleurs, qu’au- tour de nous, des pays ont connu récemment des récessions de même ampleur. Le PIB [produit intérieur brut, NDLR] de la Grèce s’est contracté de 9 % en 2011; et celui de la Russie s’est réduit en 1992, à la sortie du communisme, de 14,5 %.

Quelle comparaison avec le choc pétrolier ?

J.-M.D.: Il y a une forme de similitude dans la mesure où le choc pétrolier avait induit une perte sévère de croissance. En effet, nous sommes passés de 6,3 % en 1973 à une récession de -1 % en 1975. En outre, ce choc avait conduit les pays de l’OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques] à mener des politiques de relance budgétaire dont ils avaient, en fin de compte, été amenés à constater l’inefficacité relative. À l’époque, ce constat avait été entériné par la publication, en 1977, du rapport McCracken. On peut penser que le FMI [Fonds monétaire international] et l’OCDE seront appelés, en 2021, à faire de même un bilan critique des politiques monétaires et budgétaires conduites depuis les débuts de la pandémie. Néanmoins, il y a trois différences majeures. La première est que le choc pétrolier constituait un transfert massif de pouvoir d’achat des importateurs de pétrole vers les exportateurs. On avait alors assisté à un recul global de la création de richesse, mais le phénomène essentiel était que l’appauvrissement des uns nourrissait l’enrichissement des autres. Aujourd’hui, tout le monde s’appauvrit. La deuxième différence est que le prix du pétrole est devenu un paramètre durable de l’évolution de la croissance mondiale alors que, normalement, le choc sanitaire devrait être de courte du- rée. Enfin, dans les années 1970, la croissance de long terme avait amorcé son déclin. C’était la fin des « Trente Glorieuses ». On peut espérer qu’aujourd’hui, où la croissance potentielle est devenue faible, l’économie peut s’engager dans un redémarrage soutenu grâce au numérique.

Quelle est votre analyse: peut-on sortir vite d’un tel choc ?

J.-M.D.: On peut sortir assez vite dans la mesure où la chute d’activité est liée à l’impossibilité qu’ont les gens de travailler. Dès que cette impossibilité sera levée, le travail pourra reprendre puisque le capital physique n’a pas été détruit. Néanmoins, pour reprendre une formule de Manuel Valls, « pour qu’il y ait des employés, il faut des employeurs ». Plus il y aura eu de faillites et plus tardif sera le retour à la normale.

Comment l’économie peut-elle rebondir? Et sur quel ordre de grandeur tabler ?

J.-M.D.: Le taux de croissance de l’année prochaine sera élevé. On peut espérer un ordre de grandeur de 10 %. Essentiellement parce que la base de référence, c’est-à- dire la production de 2020, sera amoindrie.

Quelles conséquences sur les déficits publics ? Et comment l’économie peut-elle répondre à de tels niveaux ?

J.-M.D.: Les déficits publics explosent. En France nous allons vers 10 % du PIB. Aux États-Unis, on pourrait at- teindre 3800 milliards de dollars, soit 19 % du PIB. De tels niveaux ne pourront pas être financés par l’épargne et donc le seront par de la création de monnaie, la célèbre « planche à billets ». On peut craindre une résurgence de l’inflation, même si le niveau de concurrence des économies modernes va contenir la dérive des prix. Mais, surtout, on doit craindre des mécanismes de repli des investisseurs, ce que l’on appelle des phénomènes d’« équivalence ricardienne »; c’est-à-dire que les agents privés épargnent plus et se tournent vers des placements sans risque. L’évolution du cours de l’or en fournit une preuve. Pour éviter cela, il faudra que la reprise en main des finances publiques s’affirme très vite. N’oublions pas la célèbre maxime de Montaigne : « Les sujets d’un prince excessif en dons se rendent excessifs en demandes. »

Pour l’après-crise, le président Emmanuel Macron parle de planification, de relocalisations. Croyez- vous à un retour de l’État? Et pour quel type d’État?

J.-M.D.: Un retour suppose qu’il y ait eu départ. Avec un poids des dépenses publiques dans le PIB de 53,8 % en 2019, l’État était déjà très présent. En fait, cette crise fait réapparaître des discours de contestation qui n’ont rien à voir avec ce qui se passe. Certains demandent le retour de l’ISF [impôt de solidarité sur la fortune], d’autres ré- clament une grande politique industrielle, et certains un plan de relance axé sur la transition énergétique. Le problème est que derrière tous ces discours se profile une légitimation du protectionnisme. Or celui-ci signifie une baisse du pouvoir d’achat et il est peu probable que cela corresponde aux attentes générales de la population.

Pourquoi l’État répond-il à la crise par de la pauvreté et de l’enfermement ?

J.-M.D.: Le désarroi de nos dirigeants est patent. Il est compréhensible, mais il les conduit à s’appuyer sur des experts dont les avis se sont révélés approximatifs, voire parfois contradictoires. Ils ont choisi l’appauvrissement en considérant que ce dernier serait justifié par la sauve- garde de nombreuses vies, sauvegarde qui ne pourrait ja- mais leur être reprochée. Si cela paraît à première vue à la fois cohérent politiquement et estimable moralement, il n’en reste pas moins que la sauvegarde en question paraît contestable, dès lors que son prix, y compris en termes de vies par ailleurs perdues, devient socialement insupportable. Cela pose des questions sur le rapport à la mort et au principe de précaution qui dépassent la simple ré- flexion économique.

Propos recueillis par Danièle Licata

Un plan Marshall pour relancer le tourisme

Secteur d’activité parmi les plus touchés par les restrictions liées au coronavirus, les professionnels du tourisme se préparent à des mois difficiles. C’est ce qui ressort de l’étude menée par le cabinet de conseil Roland Berger auprès des entreprises du secteur. À moins que l’aide d’urgence massive que vient de débloquer le gouverne- ment permette la sortie de crise.

Le coup d’arrêt brutal porté au secteur du tourisme et des loisirs se prolongera au-delà du déconfinement. Les professionnels le savent, la convalescence sera longue. Interrogés par le cabinet de conseil Roland Berger, ils tablent d’ores et déjà sur une chute de 40% de chiffre d’affaires en 2020 par rapport à l’année précédente. Le bilan s’annonce aussi très lourd en termes de profitabilité, avec un recul estimé à 64% de la profitabilité (EBITDA / EBE) selon les sondés. Mal- gré un impact considérable, l’hôtellerie de plein air (campings / groupes de campings dont l’activité est supérieure à 10 M€ de chiffre d’affaires) serait moins touchée (-40% de profitabilité) que le tour-operating, qui plonge (-79%).

UNE REPRISE ATONE

Reste désormais à savoir à quoi ressemblera la reprise post-confinement. « Les professionnels privilégient majoritairement un scénario très prudent avec même pour bon nombre d’entre eux une activité atone qui pourrait durer », observe le cabinet Roland Berger. Mais après avoir débloqué une aide d’urgence de 6,2 milliards d’euros de prêts garantis par l’État pour les 62 000 entreprises de la filière (hôtels, restaurants et voyagistes), le gouvernement veut aller encore plus loin. Il s’agit de façon urgente d’accompagner la relance d’un secteur mis à terre par l’épidémie qui représente 7% du PIB français et deux millions d’emplois directs et indirects. Jeudi 14 mai, le chef du gouvernement, Édouard Phi- lippe, a dévoilé, un plan de relance massif du tourisme, représentant pour les finances publiques un engage- ment de 18 milliards d’euros.
« L’effort d’investissement » de l’État sera porté par La Banque des territoires et Bpifrance, « qui ont formalisé un plan de relance tourisme commun de plus de trois milliards d’euros de financements entre aujourd’hui et 2023 », sous forme de prêts et d’investisse- ment en fonds propres, selon les détails du plan. L’en- semble des mesures gouvernementales représente « un engagement de 18 milliards d’euros pour les finances publiques : c’est sans précédent, c’est massif, c’est nécessaire », a déclaré le Premier ministre. Parallèle- ment, deux revendications du secteur ont été en partie entendues : le recours à l’activité partielle sera possible jusqu’à fin 2020 pour les entreprises du tourisme et de l’événementiel, tandis que l’accès au fonds de solidarité, pour les entreprises du secteur des cafés-hôtels-restaurants, du tourisme, de l’événementiel, du sport et de la culture, sera prolongé jusqu’à fin septembre.

CE PLAN MARCHALL SUFFIRA-T-IL À AIDER LE SECTEUR À SE REDRESSER ?

« Alors que les Français pourront sillonner la France en juillet et en août, le risque est qu’ils favorisent leur environnement local cet été », avertissent les professionnels. Sans compter, que la confiance des ménages sera, elle aussi, un élément déterminant de la reprise du secteur. Et l’on sait qu’elle est essentielle dans l’acte « d’achat » et donc de réservation. Aujourd’hui, les professionnels interrogés craignent que le budget consacré aux vacances d’été soit plus faible impliquant des vacances plus courtes et de préférence dans la fa- mille, alors que dans le même temps, le nombre de touristes étrangers en France devrait décroître de façon significative (71 % des professionnels interrogés tout à fait d’accord).
Reste également la capacité d’offre qui conditionnera le niveau d’activité des prochains mois. Et là encore, les acteurs interrogés pensent que la reprise sera suspendue à un recours généralisé à des mesures sanitaires (tests de dépistages massifs, mise en place d’équipements sanitaires...). Le gouvernement fixera-t-il des limites aux capacités d’accueil ?

VERS UN NOUVEAU PAYSAGE CONCURRENTIEL ?

Il demeure aussi probable que face à une demande plus faible, ou à des contraintes sur l’offre, certains opérateurs n’ouvrent pas la totalité de leurs capacités d’accueil, même pour la haute saison. « Ce qui occasionnera d’im- portantes pertes d’exploitation, les faibles revenus ne couvrant alors pas des coûts fixes », prévient le cabinet Roland Berger. Du coup, les professionnels interrogés anticipent même un impact qui aura lieu bien au-delà de 2020. « L’addition continuera d’être payée en 2021 et 2022, rapporte l’étude qui prédit une reconfiguration du paysage concurrentiel ». Et de poursuivre, « la crise va durablement changer les pratiques des professionnels, qui devront notamment s’adapter pour prendre en compte des considérations sanitaires et environne- mentales. Cette crise pourrait être un accélérateur du mouvement vers le local. » Et quoi qu’il en soit, « elle aura indéniablement un impact sur les modèles économiques des entreprises du tourisme et des loisirs, avertit l’étude ». Ainsi, 2/3 des entreprises pensent s’appuyer sur les enseignements de la crise pour réinventer leur produit, repenser leur architecture tarifaire (49%), voire nouer des partenariats avec des acteurs inédits (62%).

Emmanuel Legrand