À Meudon, une ancienne usine à dirigeables se réinvente
Dans un décor naturel spectaculaire en lisière de la forêt de Meudon (Hauts-de-Seine), cet emblème du patrimoine industriel et aéronautique français abandonné depuis quarante ans rouvrira en mars 2023. Cette renaissance est le fruit d’un partenariat public-privé inédit au bénéfice d’un meilleur cadre de vie pour les citoyens.
Qui aurait pensé que ce bâtiment éprouvé par sa détérioration progressive tout au long du XXe siècle et abandonné depuis si long- temps puisse un jour devenir ce joyau qui aujourd’hui fait la fierté de la ville de Meudon ? « Il est unique et exceptionnel de pouvoir réouvrir un lieu fermé depuis près d’un demi-siècle qui fait partie de l’ADN de cette ville », affirme Denis Larghero, maire de Meudon. Le Hangar Y est exceptionnel par son histoire, rappelle-t-il, puisqu’il fut érigé à la fin du XIXe siècle dans l’Établissement central de l’aérostation militaire à partir des éléments de structure de la grande galerie des Machines de l’exposition universelle de 1878. « De par son positionnement entre deux morceaux de ville, ce lieu aura pour vocation d’être un trait d’union formidable entre le Haut et le Bas de Meudon, la ville et la forêt », ajoute le maire, rappelant que sa réhabilitation constitue également la première pierre du projet bien plus vaste de reconstitution et de valorisation de la grande perspective d’André Le Nôtre qui traverse la ville, presque invisible aujourd’hui mais qui a vocation à réapparaître comme un axe structurant. Site d’accueil du premier Musée de l’Air et des Transports, utilisé en 1964 par le peintre Marc Chagall pour y assembler le plafond de l’Opéra Garnier puis abandonné définitivement en 1981, le bâtiment aux dimensions spectaculaires – 70 mètres de long pour 40 mètres de large et une hauteur de 23 mètres – sera classé au titre des monuments historiques en 2000 avant de susciter à nouveau de l’intérêt. Depuis 2014, la société Culture & Patrimoine, dont la vocation est de redonner vie à des bâtiments d’exception, étudie des pistes pour rénover le Hangar Y en friche et revaloriser son patrimoine culturel, paysager et scientifique.
De nouveaux usages « Le meilleur moyen de conserver un site historique est de l’utiliser. En lui donnant un usage, nous pourrons le préserver et le valoriser tout en augmentant l’attractivité du territoire », explique Didier Gouband, président de Culture & Patrimoine. Il aura fallu un peu plus d’une année de travaux durant laquelle quelque quatre-vingts artisans et compagnons sont inter- venus pour redonner vie à ce patrimoine si long- temps resté dans l’oubli. Sa vocation : être un lieu de découverte culturelle et scientifique ouvert au grand public comme aux entreprises avec des expositions, de grands événements publics et des séminaires. La transformation concerne tant le bâtiment que son environnement immédiat, un ensemble de 9 hectares d’espaces boisés aux portes de la forêt, agrémentés d’une pièce d’eau, l’étang de Chalais, que la ville a souhaité rendre accessibles aux promeneurs. « Nous avons réalisé un travail d’une extrême précision en partenariat avec les services de l’État qui ont validé tous les arbres qui devaient être abattus pour des raisons sanitaires ou de sécurité. 900 arbres existants ont été soignés et conservés tandis qu’une centaine a été plantée et des parcours intérieurs ont été aménagés » précise Patrick Supiot, directeur général Immobilier d’entreprise chez Vinci Immobilier. Dès la fin de l’année, la fondation culturelle Art Explora devrait y créer un lieu culturel et artistique, afin d’organiser des expositions, des événements ou encore des cartes blanches à des artistes.
Un montage financier gagnant-gagnant
La renaissance du site du Hangar Y est le fruit d’une coopération inédite entre acteurs publics et privés : le ministère de la Culture, propriétaire des lieux, la ville de Meudon ou le site est localisé, le promoteur Vinci immobilier spécialisé dans le recyclage urbain ainsi que la so- ciété Culture & Patrimoine à l’initiative du projet. Cette dernière soumet au ministère de la Culture un projet de trans- formation et d’exploitation des lieux, par l’intermédiaire d’un bail emphytéotique administratif de valorisation (BEVA), un modèle juridique imaginé par le législateur pour l’État en 2012, qui permet de transférer la propriété du bien pendant plusieurs décennies à un acteur privé, qui devra le restituer à l’État au terme du bail. « Le BEVA est un pari gagnant-gagnant, explique le président de Culture & Patrimoine. Ce dispositif a pour particularité de transférer la garde du site sur une période identifiée. Il a également pour objet de transférer la maîtrise d’ouvrage, l’ensemble de la rénovation à l’emphytéote. Nous agissons dans le cadre d’un accompagnement par le ministère de la Culture, avec un contrôle scientifique et technique, notre travail est également suivi par un architecte des monuments historiques. Néanmoins, le maître d’ouvrage est privé. Il s’agit d’un véritable partenariat public-privé, le public ayant des objets, le privé ayant un objectif d’exploitation. Dans trente-cinq ans, nous rendrons les clés au ministère de la Culture d’un objet qui aura été rénové et entretenu avec un véritable usage ». Le budget global pour la rénovation du site : 25 M€.
Un projet au cœur d’une stratégie de territoire
« Ces transformations s’inscrivent dans le projet de Vallée de la culture des Hauts-de-Seine qu’il vient enrichir », se réjouit Jeanne Bécart, vice-présidente du département en charge de la culture. Ce projet départemental qui vise à créer un chemine- ment culturel le long de la Seine s’est construit autour de la scène musicale inaugurée en avril 2017, du musée Albert Kahn récemment rénové, de La Tour aux figures de Jean Dubuffet à Issy-les-Moulineaux, du Jardin des métiers d’Art et du Design à Sèvres ou encore du futur musée du Grand Siècle à Saint-Cloud qui sera installé sur le site de l’ancienne caserne Sully. « La culture est un facteur de lien social évidemment. Nous en avons besoin plus que jamais après cet épisode de crise sanitaire ; c’est aussi un facteur d’attractivité économique pour notre territoire », déclare l’élue. Avec l’organisation fin septembre de Star’s UP, le festival de la science, de l’aérospatiale et de l’innovation, le Hangar Y a définitivement renoué avec son passé aéronautique.