"Le marché, un endroit propice aux rencontres et aux échanges"
Les couleurs, de la fraîcheur et de la bonne humeur! « C’est la recette gagnante des marchés cou- verts ou de plein air, qui déploient leurs étals chatoyants dans environ 6 500 communes de France, et attirent aujourd’hui de plus en plus de chalands désireux de manger mieux ou local », garantit François Mounier, fondateur et dirigeant du Comptoir des marchés, une entreprise prestataire des collectivités. Face à cet engouement, une centaine de marchés verrait le jour chaque année en France sous l’impulsion de collectivités qui misent sur leurs atouts pour redynamiser leurs centres-villes.
RCL : Jamais les marchés alimentaires n’ont eu autant la cote ; comment l’ex- pliquez-vous ?
François Mounier : On comptabilise, en France, 107 000 marchés alimentaires, couverts et découverts, et leur nombre continue de croître tout comme leur part dans le volume des ventes. Dans les petites villes qui ont souffert, ces dernières années, de la dévitalisation commerciale, les marchés sont souvent les seuls endroits où en dehors des moyennes et grandes surfaces, sou- vent en périphérie, où on peut trouver des commerces de bouche. Et ces lieux de proximité ne désemplissent pas. La recette ? L’abondance, la fraîcheur, la convivialité, l’immédiateté. N’oublions pas que ce sont également des lieux de rencontres et d’échanges, des lieux où se créent des rituels, comme celui d’aller boire son café une fois son cabas rempli, et des lieux où l’on peut se restaurer et prendre l’apéritif.
RCL : Finalement, le marché a une fonction humaine...
F. M. : Il est vrai que l’humain y est omniprésent. Il ne faut pas oublier qu’il est la forme originelle du commerce ! Ici, on revient aux racines de la vente et de la relation humaine. Les maires le savent bien : le marché est le poumon de la ville, l’endroit où ils prennent le pouls de leur population. Et c’est le lieu où circulent les informations. Il y a deux ans, le maire de Serris, une com- mune située dans le département de Seine-et-Marne, m’a demandé de réfléchir à la création d’un marché. Pourtant, cette commune est proche de Val d’Europe avec 150000 m2 de surface commerciale ! Mais sa ville n’avait pas de lieu pour rassembler le dimanche matin. Or, le maire souhaitait que sa commune puisse refléter une image
humaine, une ville où il fait bon vivre. Quoi de mieux que le marché pour tisser
des liens humains. Nous avons créé un marché avec une douzaine de commerçants près de l’hôtel de ville, et non pas près de la gare, un lieu de passage. Plus la numérisation de l’économie accélère, plus paradoxalement, on a besoin de rapports humains.
RCL : Quelle est la typologie des marchés ?
F. M. : Il faut distinguer les marchés couverts que l’on appelle également halls et les marchés plein vent. En France, on a essentiellement des marchés plein vent. À Paris par exemple, on en dénombre 80 pour seulement 10 marchés couverts, que l’on retrouve surtout dans les villes de plus de 50000 habitants.
RCL : Comment fonctionnent les marchés ?
F. M. : Les marchés sont, tout, sauf des bazars, même si parfois, c’est l’image qu’ils peuvent refléter. L’organisation est très rigoureuse. Pour avoir un emplacement, les commerçants doivent s’engager à être présents à chaque marché. La taille de l’emplacement et la vente sont circonscrites à un périmètre et les prix doivent être affichés au poids ou volume. Le marché reste administré par le maire qui peut décider de le déléguer à une société spécialisée dont le métier consiste à recruter des commerçants, aménager le lieu et l’animer. Toute cette organisation repose sur un responsable, le placier qui recueille les droits de place.
RCL : Comment ont évolué les marchés en France ?
F. M. : Par le passé, le marché servait essentiellement d’approvisionnement à la fois au commerce de gros, à la restauration et à l’hôtellerie. C’est dans les années soixante que les marchés de gros se sont développés afin de fournir les professionnels. En Île-de-France, Rungis, le plus gros marché d’Europe, fournit tous les commerçants. Aujourd’hui encore, les marchés continuent leur mue. Le bien-manger bio a conquis les étals. La tendance est porteuse, no- tamment avec la crise sanitaire. Car les produits du terroir et en circuits courts attirent de plus en plus, même si les prix sont plus élevés. Et au-delà de sa fonction première, le marché est également un lieu touristique. Comme le marché de Notre-Dame à Versailles créé au XVIIe siècle, est un lieu historique et très visité. Le projet que l’on a dans la Vienne par exemple, est de déplacer le marché tout près de l’office du tourisme, car il est devenu un lieu de visites et d’animation à part entière. Il participe clairement à l’attractivité du territoire.
RCL : Bon nombre de maires voudraient créer leur marché ; quel est le mode d’emploi ?
F. M. : Le mode d’emploi n’est pas com- pliqué, l’essentiel de la réussite repose sur ses commerçants, la qualité de leurs produits, les prix pratiqués et leur régularité. Mais pour qu’un commerçant accepte de s’y installer, il devra obtenir la garantie de réaliser un chiffre d’affaires suffisant. Pour cela, il faut une volonté et une vision municipales, mais également des investissements, pour y apporter l’eau et l’électricité par exemple, pour mettre les commerçants en confiance. Un marché qui fonctionne est un marché qui s’inscrit dans la durée. Faire venir des commerçants, c’est facile mais les maintenir dans la durée c’est le défi à relever. C’est pourquoi, il faut bien réussir son casting.
Propos recueillis par Danièle Licata