Un nouveau souffle pour l’ingénierie des collectivités
Les élus bénéficieront dorénavant d’une ingénierie plus lisible, plus accessible et plus proche de leurs besoins ont annoncé Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et Dominique Faure, ministre chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité. Une annonce qui renvoie aux conclusions du rapport d’évaluation de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) rendu public le 2 février dernier par les membres de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat et remis ce mercredi 8 février aux deux ministres. Trois ans après la création de l’agence, le rapport du sénateur Charles Guené et de la sénatrice Céline Brulin fait le constat d’un jugement critique des élus locaux sur l’agence, et notamment sur l’implication des préfets en matière de soutien et d’animation de l’ingénierie qu’ils considèrent très inégale d’un département à l’autre et qui selon eux ne va pas assez dans le sens de soutien des écosystèmes locaux.
Quatre propositions
Dominique Faure a dit souhaiter « un nouveau souffle pour l’ingénierie des collectivités » et annoncé quatre premières décisions pour l’agence soit mieux identifiée et encore plus proche du terrain, à commencer par le renforcement des moyens de l’ANCT dans les territoires dès le premier semestre 2023 avec un doublement des effectifs des délégués de proximité « pour que, dans toutes les régions, les élus possèdent, auprès du préfet, un interlocuteur privilégié pour construire leurs projets ». Quant aux décisions de soutien au titre de l’ingénierie sur mesure, elles ne seront plus prises au niveau national à compter de 2024 ; le marché d’ingénierie sur mesure de l’Agence sera donc mis en œuvre localement, par les préfets, pour mieux répondre aux besoins des collectivités. Les deux autres mesures portent sur l’organisation d’ici au mois de juin, dans chaque département, de forums locaux de l’ingénierie pour faire se rencontrer l’ensemble des acteurs de l’ingénierie et les élus locaux ainsi que sur le lancement d’un tour de France des régions par les ministres, le président et le directeur général de l’ANCT pour rencontrer les élus et échanger avec eux sur leurs attentes et leurs besoins d’accompagnement.
Pour rappel, l’Agence nationale de la cohésion des territoires, principal opérateur de l’Etat pour l’aménagement et la cohésion des territoires a soutenu plus de 1 600 communes dans la construction d’un projet de territoire au sein des Petites villes de demain et 229 villes moyennes dans leur revitalisation dans le cadre du programme Action cœur de ville.
Sécurité des ponts : une aide à l’ingénierie pour les petites communes
Si les gestionnaires des réseaux routiers ou ferroviaires principaux assurent en général un bon standard de gestion de leur patrimoine d’infrastructures, reposant sur leurs services techniques, il en va autrement pour les petites communes. Déjà un rapport de la mission d’information du Sénat rendu public en juin 2019 faisait le constat suivant : « 90 % des élus des communes et des intercommunalités ayant répondu indiquent que leur collectivité ne dispose pas de ressources en interne pour assurer la gestion de leurs ponts ». Dans son rapport, la mission relevait également que 80 % des élus des communes et intercommunalités ayant répondu à la consultation estiment ne pas disposer des ressources nécessaires pour assurer la surveillance et l'entretien de leurs ponts, ce pourcentage montant même à 83 % s'agissant de la capacité à conduire des travaux de réparation des ponts. Pour y remédier, l’Etat a annoncé mardi 15 décembre 2020 qu’il mobilisera, dans le cadre du plan de relance, 40 millions d'euros d'appui à l'ingénierie de ces communes souvent démunies en termes de connaissance de l’état de leurs ouvrages et de procédures d’entretien de leur patrimoine, au travers du programme national Ponts qui comprend 2 volets : un programme de recensement et dévaluation des ouvrages pour les petites communes, et un appel à projets "ponts connectés".
L’accompagnement des petites communes
Le premier pilier du programme repose sur l’élaboration d’un carnet de santé des ouvrages. Ce carnet, remis aux collectivités afin qu’elles se l’approprient, leur permettra de retrouver toute leur place dans leur responsabilité de gestionnaire et d’inscrire dans la durée l’effort initié par le plan de relance. Le second porte sur le recensement des ouvrages et l’évaluation approfondie des plus sensibles, afin de disposer d’une vision nationale du patrimoine des petites collectivités. Pour réaliser les visites de recensement et d’évaluation des ouvrages sur le terrain, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), pilote du programme, mobilisera les bureaux d'études privés. Le dernier pilier, enfin, a vocation à développer l’innovation et accompagner la transformation numérique de la gestion de patrimoine. L'appel à projets Ponts connectés lancé le mercredi 16 décembre 2020 offrira ainsi aux collectivités des moyens pratiques, performants et peu onéreux pour la surveillance de leurs ouvrages.
Cette initiative s’inscrit dans le cadre de l’appui en ingénierie proposé aux collectivités par l’Agence nationale de Cohésion des territoires (ANCT). Les quelque 28000 communes éligibles - celles qui remplissent les critères du décret n° 2002-1209 du 27 septembre 2002- seront informées via les préfets de département, délégués territoriaux de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, dès début janvier 2021.
Alpes-Maritimes : une agence d’ingénierie départementale au services des collectivités
Pour répondre à la solitude des maires qui disposent de peu de moyens humains et rencontrent des difficultés d’action, le Département des Alpes-Maritimes ouvre son Agence départementale d’Ingénierie. Baptisé l’agence 06, cet établissement public administratif va apporter une assistance juridique (sur les questions de fonctionnement démocratique, l’urbanisme, le foncier, la commande publique) et technique (relative au domaine de la voirie, du bâtiment, de l’aménagement, de l’environnement, du tourisme, de la santé, du développement rural) pour accompagner les communes répondant aux critères de la ruralité ou ayant de faibles ressources. « Sa mission principale est d’aider les 99 communes éligibles dans le département des Alpes-Maritimes, mais aussi les intercommunalités, en leur proposant un accompagnement en ingénierie sur le plan administratif, technique et juridique, explique Charles-Ange Ginésy, le président du conseil départemental. Les communes rurales ont besoin de ce soutien pour porter des réalisations structurantes et complexes. Sans se substituer à leurs projets, le Département, à travers l’AGENCE 06, se tient à leurs côtés pour les accompagner. Véritable facilitateur, elle permet ainsi à chacune d’elle de continuer à proposer une stratégie de développement et d’aménagement équilibré de leur territoire. Dans cette optique, elle met à la disposition de l’ensemble des municipalités une équipe spécialisée pour de courtes missions ». Après le passage de la tempête Alex, qui a fortement touché le département les 1er et 2 octobre 2020, l’Agence 06 prend tout son sens. Elle sera aux côtés des Maires et de leur commune pour reconstruire et aller de l’avant.
25 propositions pour développer l’ingénierie dans les territoires
Malgré l’essor de l’ingénierie publique locale, principalement au niveau départemental, mais aussi intercommunal par le biais des mutualisations de services en matière d’urbanisme, un constat demeure : la difficulté récurrente pour nombre de collectivités d’accéder à une ingénierie stratégique et de conception. Telles sont les conclusions du rapport intitulé « Les collectivités et l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) au défi de l’ingénierie dans les territoires », publié par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales présidée par Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin). « On peut estimer à 30 000 le nombre de communes ou intercommunalités qui n'ont toujours pas les moyens d'organiser leurs propres services d'ingénierie » note le rapport qui constate également que « dans plus de 52 % des cas, les collectivités locales ne sont pas parvenues à prendre en charge la suppression de l’ingénierie publique d’Etat dans le domaine de l’eau ».
Le rôle de l’ANCT
Evoquant le rôle de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) mise en place le 1er janvier 2020, les rapporteurs ont estimé que sa création ne devait pas se limiter à une réorganisation administrative sans moyens supplémentaires ainsi qu’à une fusion de trois agences de l'État existantes mais à favoriser l’émergence de projets locaux. « Si l'ANCT n'est qu'un « opérateur d'opérateurs », qui eux-mêmes continuent à fonctionner en silo, le dispositif risque de ne pas changer significativement la donne au niveau local » avancent-ils. « Pour les élus locaux, la priorité est que l'ANCT soit en mesure de sortir de la logique verticale visant à décliner localement les programmes décidés à l'échelle nationale et soit à même de renforcer l'appui aux projets de territoire et l'aide à leur émergence ». Et de formuler 25 propositions, dont une première série de 12 vise à mieux faire reconnaître le rôle de l’ingénierie publique locale, à adapter les ressources humaines des collectivités aux besoins de nouvelles compétences et à ouvrir de nouveaux moyens financiers en faveur de cette ingénierie. Une seconde série de 13 propositions spécifiques à l'ANCT vise à en faire un outil de lutte contre les inégalités territoriales, notamment en priorisant une ingénierie « sur-mesure » à l’écoute des besoins des territoires pour faire émerger les projets locaux.
http://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-591-notice.html