Qualité des raccordements fibre : les départements soutiennent la proposition de loi de Patrick Chaize

Pleinement investis dans l’aménagement numérique du territoire, les départements de France soutiennent ce texte qui sera discuté au Sénat en séance publique le 2 mai prochain. Il vise à contraindre les opérateurs télécoms et leurs sous-traitants à garantir la qualité des raccordements réalisés jusqu’à l’abonné.

 

« Comment assurer le déploiement de la fibre partout et pour tous quand, après plus de six ans de signalement à l’État et aux instances de régulation, six ans de demandes d’intervention répétées auprès de la filière télécoms, la situation ne s’est pas améliorée et s’est même dégradée dans certains territoires ? » questionne François Sauvadet, Président de Départements de France. En France, ce sont en effet les opérateurs commerciaux (Bouygues, Free, Orange et SFR) qui raccordent les clients sur les réseaux de fibre optique construits par d’autres opérateurs. C’est le mode « STOC » (Sous-traitance opérateur commercial), modèle dans lequel l’opérateur d’infrastructures ne réalise pas le raccordement lui-même, mais délègue le déploiement des derniers mètres de fibre et l’opération de raccordement chez le client à l’opérateur commercial, soit les fournisseurs d’accès internet via un « contrat STOC ». En résultent des dégradations des infrastructures, des déconnexions impromptues de clients, des actes délibérés de vandalisme sur des réseaux FFTH (Fibre à l'abonné) antérieurs, une fragilisation et un vieillissement prématuré de ces réseaux, une explosion des charges d’exploitation et in fine, une image négative des réseaux publics, explique-t-on chez Départements de France. Et les différentes initiatives des opérateurs pour répondre aux attentes des élus et des administrés n’ont pas permis de rétablir la situation.

Ainsi, en l’absence de réponse efficace, une proposition de loi sera présentée en séance publique au Sénat le 2 mai prochain par le sénateur Patrick CHAIZE, Président de l’AVICCA, l'organisme fédérateur indépendant qui regroupe les collectivités engagées dans le numérique. L’application des mesures qu’elle contient permettra de contraindre les opérateurs et leurs sous-traitants à garantir la qualité des raccordements réalisés jusqu’à l’abonné, tout en évitant les dégradations quotidiennement constatées sur les équipements de réseaux optiques. « Si elle est adoptée, cette proposition de loi permettra à l’abonné de bénéficier, à son domicile, d’une installation conforme tout en limitant drastiquement le risque de pannes et de coupures. A défaut, il sera en droit de suspendre le paiement de son abonnement auprès de son fournisseur d’accès Internet et même de le résilier », se réjouit Claude Riboulet, Président de l’Allier et président de la Commission « Innovation, Numérique et Intelligence artificielle » de Départements de France.

La fracture numérique persiste malgré la fibre

Alors que fin 2022, deux objectifs principaux du Plan France Très Haut Débit sont arrivés à échéance - couvrir 100 % de la population d’un accès à Internet de très haut débit et permettre à 80 % de la population d’être éligibles à une connexion Internet en fibre optique – qu’en est-il réellement de l’accès des consommateurs à Internet fixe ?

Dans une étude rendue publique le 18 avril, l’UFC-Que Choisir montre que non seulement près de 12 millions de consommateurs n’ont toujours pas accès au véritable très haut débit, mais qu’en plus le déploiement anarchique de la fibre optique ne résout pas la situation, voire aggrave le problème.

Si l’objectif de couverture du territoire et d’éligibilité à la fibre semble atteint, l’UFC-Que choisir note toutefois que pour 17,2 % des foyers (soit 11,8 millions de personnes) l’accès à ce très haut débit n’est possible qu’en souscrivant des offres utilisant des technologies hertziennes (4G fixe, THD radio) ou satellitaires. « Des technologies de second ordre par rapport aux offres utilisant les réseaux filaires traditionnels (fibre, VDSL, câble), selon l’association de défense des consommateurs. Ces offres non filaires sont rationnées en termes de volume de données utilisables, voire ne proposent pas de services courants comme l’accès à la télévision ».

La fracture territoriale persiste

L’analyse de l’éligibilité au très haut débit selon la technologie et les territoires permet également de souligner la persistance de la fracture numérique géographique, déplore l’association. Ainsi, en ne prenant en compte que les technologies filaires, l’inéligibilité à une offre en très haut débit frappe plus de 20 % des consommateurs dans 45 départements et touche même plus de la moitié des habitants dans trois départements : les Côtes-d’Armor (52,1 %), l’Ardèche (53,5 %) et Mayotte (60,9 %).

Plus globalement, ce sont les départements les plus ruraux qui sont les principales victimes de la fracture numérique, selon l’étude. Près d’un tiers (32,6 %) des 8,8 millions d’habitants des communes de moins de 1 000 habitants ne disposent pas d’une connexion à Internet en très haut débit. Pire, 18,4 % des habitants de ces communes ne disposent même pas du « bon haut débit » (8 Mbit/s) promis en 2017 par le Président de la République, et 10,1 % sont tout simplement privés d’un Internet de qualité ne serait-ce que minimale (3 Mbit/s).

Pour que tous les citoyens bénéficient d’un accès au très haut débit, l’UFC-Que choisir demande la création d’un droit opposable à un accès à Internet de qualité, basé à la fois sur la détermination par la loi de débits minimaux dont doivent bénéficier les consommateurs, et sur les indemnisations dont ils devraient bénéficier si ces débits ne sont pas atteint. Elle souhaite également que les consommateurs puissent résilier sans frais leur abonnement en cas d’échec de raccordement ou d’interruption du service.

 

L’AVICCA et Infranum demandent une égalité numérique sur tout le territoire

Infranum, la fédération fondatrice du comité stratégique de filière des infrastructures numériques et l’AVICCA, l'association qui regroupe des collectivités publiques engagées dans le numérique, soulignent l’urgence de relever les grands défis de « l’après Plan France Très haut débit », ceci afin de garantir l’égalité d’accès au numérique pour tous les Français, la pérennité de l’offre de service et la solidarité entre les territoires.

Si le Plan France Très Haut Débit a permis à la France et aux territoires de faire un grand pas en avant dans la modernisation du pays, il est essentiel à présent que ce progrès puisse bénéficier à tous les Français. C’est dans cet état d’esprit que Patrick Chaize, sénateur et président de l’association AVICCA et Philippe Le Grand, président de la fédération Infranum proposent au gouvernement la mise en place d’un good deal du numérique, un pacte pour l’égalité numérique des territoires afin d’enraciner le plan France Très Haut Débit. « Sans mesures complémentaires, le Plan France Très Haut Débit pourrait durablement rester inachevé et présenter certaines faiblesses. Une fois de plus, c’est l’action conjuguée de la filière et des collectivités, sous l’arbitrage et l’organisation de l’Etat, qui peut nous permettre de résoudre les difficultés dont certaines n’ont que trop duré. Les enjeux sont si grands qu’il nous faut une approche globale pour un plan total» détaille Philippe Le Grand. Selon les deux organisations, il faudra pour cela mettre en place un fond de péréquation des réseaux optiques, afin de renforcer et sécuriser les réseaux d’initiative publique, et permettre à chaque Français d’accéder à un niveau de service comparable sur tout le territoire. Son coût : plusieurs centaines de millions d’euros à fiscalité constante. Cela passera également par la mise en place d’une structure nationale pertinente pour exploiter durablement le génie civil grâce à la mobilisation d’investisseurs, privés ou publics ainsi que par l’adaptation des tarifs sur le marché de gros dans les zones rurales afin de contribuer à la péréquation et garantir l’équilibre économique des réseaux d’initiative publique. « La transformation de notre pays reste inégale et trop d’actions publiques et privées en matière de numérique se font en ordre dispersé, voire avec des logiques contradictoires. Il est urgent de refonder le système actuel - y compris s’agissant de la fiscalité des télécoms - et définir une feuille de route ambitieuse partagée entre tous les acteurs pour cette décennie. » souligne Patrick Chaize. Les orientations proposées visent à relever de nombreux défis parmi lesquels le raccordement effectif à la fibre optique de tous les logements, l’accompagnement financier des particuliers pour leurs éventuels travaux d’accès à la fibre en partie privative ou encore la disponibilité systématique de la fibre dans les logements neufs lors de leur livraison.

570 millions supplémentaires pour le numérique du quotidien

Alors que la crise sanitaire a rendu le numérique indispensable dans notre quotidien, ce sont 570 M€ supplémentaires que mobilise l’exécutif, dans le cadre du plan de relance, pour l’accélération de la généralisation de la fibre optique sur le territoire national d’ici 2025. Un socle indispensable pour résorber les fractures numériques. « Disposer d’une bonne connexion internet constitue un enjeu majeur pour le quotidien des Français et pour le dynamisme et l’attractivité de nos territoires » ont estimé Bruno Lemaire, ministre de l’Economie, Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des Territoires et Cédric O, secrétaire d’Etat chargé de la Transition numérique. Dès à présent, 450 M€ ont été alloués à des projets portés par les collectivités locales dans les zones les plus rurales qui n’avaient pas pu profiter du plan France Très Haut Débit pour la généralisation de la fibre. L’utilisation des 150 millions restants sera précisée l’été prochain.

La Bretagne et l’Auvergne, les mieux dotées

Onze territoires – seine-et-Marne ; Aude ; Auvergne ; Cher ; Dordogne ; Doubs ; Haute-Savoie ; Indre ; Manche ; Sarthe ; Bretagne – bénéficient du soutien de l’Etat. La Bretagne et l’Auvergne étant les les mieux dotées avec respectivement 150 M€ pour le projet porté par Megalis Bretagne, Syndicat mixte de coopération territoriale qui assume la construction du réseau Très haut débit à l'échelle de la région Bretagne et 123 M€ pour le projet porté par Auvergne numérique, la régie régionale en charge de la mise en place du réseau numérique public. Désormais, le soutien de l’Etat s’élève à 3,57 milliards d’euros dans le cadre du Plan France Très Haut Débit.