La fracture numérique persiste malgré la fibre

Alors que fin 2022, deux objectifs principaux du Plan France Très Haut Débit sont arrivés à échéance - couvrir 100 % de la population d’un accès à Internet de très haut débit et permettre à 80 % de la population d’être éligibles à une connexion Internet en fibre optique – qu’en est-il réellement de l’accès des consommateurs à Internet fixe ?

Dans une étude rendue publique le 18 avril, l’UFC-Que Choisir montre que non seulement près de 12 millions de consommateurs n’ont toujours pas accès au véritable très haut débit, mais qu’en plus le déploiement anarchique de la fibre optique ne résout pas la situation, voire aggrave le problème.

Si l’objectif de couverture du territoire et d’éligibilité à la fibre semble atteint, l’UFC-Que choisir note toutefois que pour 17,2 % des foyers (soit 11,8 millions de personnes) l’accès à ce très haut débit n’est possible qu’en souscrivant des offres utilisant des technologies hertziennes (4G fixe, THD radio) ou satellitaires. « Des technologies de second ordre par rapport aux offres utilisant les réseaux filaires traditionnels (fibre, VDSL, câble), selon l’association de défense des consommateurs. Ces offres non filaires sont rationnées en termes de volume de données utilisables, voire ne proposent pas de services courants comme l’accès à la télévision ».

La fracture territoriale persiste

L’analyse de l’éligibilité au très haut débit selon la technologie et les territoires permet également de souligner la persistance de la fracture numérique géographique, déplore l’association. Ainsi, en ne prenant en compte que les technologies filaires, l’inéligibilité à une offre en très haut débit frappe plus de 20 % des consommateurs dans 45 départements et touche même plus de la moitié des habitants dans trois départements : les Côtes-d’Armor (52,1 %), l’Ardèche (53,5 %) et Mayotte (60,9 %).

Plus globalement, ce sont les départements les plus ruraux qui sont les principales victimes de la fracture numérique, selon l’étude. Près d’un tiers (32,6 %) des 8,8 millions d’habitants des communes de moins de 1 000 habitants ne disposent pas d’une connexion à Internet en très haut débit. Pire, 18,4 % des habitants de ces communes ne disposent même pas du « bon haut débit » (8 Mbit/s) promis en 2017 par le Président de la République, et 10,1 % sont tout simplement privés d’un Internet de qualité ne serait-ce que minimale (3 Mbit/s).

Pour que tous les citoyens bénéficient d’un accès au très haut débit, l’UFC-Que choisir demande la création d’un droit opposable à un accès à Internet de qualité, basé à la fois sur la détermination par la loi de débits minimaux dont doivent bénéficier les consommateurs, et sur les indemnisations dont ils devraient bénéficier si ces débits ne sont pas atteint. Elle souhaite également que les consommateurs puissent résilier sans frais leur abonnement en cas d’échec de raccordement ou d’interruption du service.

 

L’AVICCA et Infranum demandent une égalité numérique sur tout le territoire

Infranum, la fédération fondatrice du comité stratégique de filière des infrastructures numériques et l’AVICCA, l'association qui regroupe des collectivités publiques engagées dans le numérique, soulignent l’urgence de relever les grands défis de « l’après Plan France Très haut débit », ceci afin de garantir l’égalité d’accès au numérique pour tous les Français, la pérennité de l’offre de service et la solidarité entre les territoires.

Si le Plan France Très Haut Débit a permis à la France et aux territoires de faire un grand pas en avant dans la modernisation du pays, il est essentiel à présent que ce progrès puisse bénéficier à tous les Français. C’est dans cet état d’esprit que Patrick Chaize, sénateur et président de l’association AVICCA et Philippe Le Grand, président de la fédération Infranum proposent au gouvernement la mise en place d’un good deal du numérique, un pacte pour l’égalité numérique des territoires afin d’enraciner le plan France Très Haut Débit. « Sans mesures complémentaires, le Plan France Très Haut Débit pourrait durablement rester inachevé et présenter certaines faiblesses. Une fois de plus, c’est l’action conjuguée de la filière et des collectivités, sous l’arbitrage et l’organisation de l’Etat, qui peut nous permettre de résoudre les difficultés dont certaines n’ont que trop duré. Les enjeux sont si grands qu’il nous faut une approche globale pour un plan total» détaille Philippe Le Grand. Selon les deux organisations, il faudra pour cela mettre en place un fond de péréquation des réseaux optiques, afin de renforcer et sécuriser les réseaux d’initiative publique, et permettre à chaque Français d’accéder à un niveau de service comparable sur tout le territoire. Son coût : plusieurs centaines de millions d’euros à fiscalité constante. Cela passera également par la mise en place d’une structure nationale pertinente pour exploiter durablement le génie civil grâce à la mobilisation d’investisseurs, privés ou publics ainsi que par l’adaptation des tarifs sur le marché de gros dans les zones rurales afin de contribuer à la péréquation et garantir l’équilibre économique des réseaux d’initiative publique. « La transformation de notre pays reste inégale et trop d’actions publiques et privées en matière de numérique se font en ordre dispersé, voire avec des logiques contradictoires. Il est urgent de refonder le système actuel - y compris s’agissant de la fiscalité des télécoms - et définir une feuille de route ambitieuse partagée entre tous les acteurs pour cette décennie. » souligne Patrick Chaize. Les orientations proposées visent à relever de nombreux défis parmi lesquels le raccordement effectif à la fibre optique de tous les logements, l’accompagnement financier des particuliers pour leurs éventuels travaux d’accès à la fibre en partie privative ou encore la disponibilité systématique de la fibre dans les logements neufs lors de leur livraison.

280 millions d’euros pour généraliser la fibre optique sur tout le territoire à horizon 2025

En 2022, 100% des Français seront éligibles au très haut débit, dont 80 % grâce à la fibre optique. Le Gouvernement veut aller plus loin et fixe un nouvel objectif : la généralisation de la fibre optique jusqu’à l’abonné sur l’ensemble du territoire, à l’horizon 2025 et mobilise 280 millions d’euros dans le cadre du Plan France Très Haut Débit, en appui aux collectivités territoriales. Celles-ci peuvent désormais solliciter l’aide de l’Etat dans le cadre du nouveau cahier des charges mis en ligne le 21 février 2020, après une consultation publique qui a permis de recueillir plus d’une vingtaine de contributions des acteurs du secteur.

Plan Très Haut Débit : la filière tient ses promesses

« La filière est bien au rendez-vous du plan France Très Haut Débit. Il a fallu quelques années pour qu’elle s’industrialise mais nous y sommes ! En 2022, nous aurons collectivement atteint l’objectif de plus de 80% des locaux fibrés dans notre pays » s’est réjoui Etienne Dugas, Président d’InfraNum qui a présenté mardi 21 mai les résultats de l’édition 2019 de l’Observatoire national du Très Haut Débit, fruit de la seule enquête terrain réalisée à une telle échelle par Idate Digiworld et à laquelle ont contribué plus de 200 industriels et collectivités.

Tandis que le cap des 4 millions de prises FTTH produites par an devrait être franchi cette année, les industriels concentrent également leurs efforts sur la montée en puissance de leurs équipes. Les prévisions sont optimistes avec des taux de remplissage dans les centres de formation encore jamais égalés.

Toutefois, la question du nombre de prises restant à connecter en THD au-delà de 2022 et dont le nombre est estimé à 6,4 millions, reste en suspens. Parmi ces 6,4 millions de prises, au moins 3 millions n’ont pas encore trouvé de financement. « Ces prises, les plus difficiles à raccorder, pourraient coûter 5,715 milliards d’euros, dont 800 millions de fonds d’Etat (soit nettement moins que les prévisions réalisées en 2017) » précise Etienne Dugas. Un appel entendu par Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales qui s’est engagé à étudier les modalités de financement de ce « reste à faire » désormais chiffré avec précision.

La loi ELAN et le numérique : publication d'un vade-mecum

Édité par le Ministère de la Cohésion des Territoires et le Ministère de l’économie et des finances, cet ouvrage de 25 pages rend la lecture des dispositions numériques du texte immédiatement compréhensibles, mettant en évidence ses impacts et répondant aux différentes interrogations qu’elles ont pu déjà susciter. Destiné aux collectivités, aux propriétaires et aux opérateurs, il revient sur l’ensemble des mesures de la loi ayant permis une accélération des déploiements fixes et mobiles dans les territoires : réduction du délai d’information du maire, simplification de l’octroi des servitudes, etc. Il est téléchargeable notamment sur avicca.org et infranum.fr.