La désertification médicale gagne du terrain dans les zones rurales, faute de médecins
L’étude sur la santé en milieu rural que vient de publier l’Association des maires ruraux de France (AMFR) tire la sonnette d’alarme : les inégalités en matière d'accès aux médecins (généralistes et spécialistes) s’aggravent au détriment du monde rural. Une analyse précise des chiffres de la démographie médicale montre, en effet, clairement que le monde rural est le premier victime de la désertification médicale, avec 10 millions d’habitants qui vivent dans un territoire où l’accès aux soins est de qualité inférieure à celle de la moyenne des territoires français. Explications.
Alors que la population augmente et notamment celle des personnes âgées, la croissance du nombre des médecins ne permet plus de répondre aux besoins de santé des populations. Car depuis le début des années 2000, on assiste à une stagnation de la densité médicale. Quelle que soit la catégorie de médecins, la densité (pour 1000 h.) est systématiquement inférieure à la campagne par rapport aux territoires hyper urbains. Quant aux spécialistes, on en dénombre plus de 2 fois moins pour 1 000 habitants dans les départements hyper-ruraux. « La réalité est celle d’une profonde désertification médicale dans de nombreux territoires, notamment reculés » notent les experts de l’étude.
Un vieillissement plus marqué à la campagne et un plus faible renouvellement
En milieu rural, plus de la moitié des médecins a aujourd’hui plus de 55 ans et cela ne va pas en s’améliorant car les jeunes médecins se concentrent dans les départements urbains. Autre constat aggravant : la proportion de femmes médecins est en moyenne plus forte de 10 points dans les départements « hyper-urbain » que dans les départements « hyper-ruraux », même si dans les territoires ruraux le taux de féminisation augmente régulièrement.
Pourtant, début 2021, le nombre total de médecins exerçant n’a jamais été aussi élevé. Mais la population augmente et notamment celle des personnes âgées et la croissance du nombre des médecins ne permet plus de suivre la demande. Depuis la Libération, la population française est, en effet, passée de 42 millions à 67 millions d’habitants, et la part de la population âgée de plus de 75 ans est passée de 3,6 à 9,4 %, tranche d’âge la plus consommatrice de soins médicaux. Or dans le même temps, la densité médicale globale stagne depuis 20 ans et elle est loin d’être homogène sur le territoire. Quelle que soit la catégorie de médecin, la densité (nombre de médecins pour 1000 habitants) est systématiquement inférieure à la campagne par rapport aux territoires hyper urbains. « Sans compter que la stagnation est un trompe l’œil lié à la hausse du nombre de médecins spécialistes, car en ce qui concerne les médecins généralistes, on assiste à une véritable descente aux enfers, à peine compensée au milieu rural par la hausse du nombre des médecins salariés » alertent les experts.
Moins de généralistes, et encore moins de spécialistes
Les départements ruraux sont également moins bien desservis que les départements urbains en matière de spécialistes, puisqu’on en compte plus de 2 fois moins pour 1 000 habitants que dans les départements hyper-ruraux. « La réalité est celle d’une désertification « médicale » dans de nombreux territoires » se désolent les experts. Et de poursuivre : « ce sont des régions entières ou presque qui sont atteintes : la région Centre, la Champagne-Ardenne, l’Auvergne en dehors du Puy de Dôme ou la Bourgogne hormis l’est de la Côte-d’Or. » Aujourd’hui, 10 millions d’habitants du pays vivent dans un territoire où l’accès aux soins est de qualité inférieure à celle de la moyenne des territoires français.
« On a longtemps pensé que l’augmentation du nombre de médecins permettrait leur établissement en tous points du territoire. C’est un effort qui a été opéré par la multiplication des lieux de formation. Mais force est de constater que les effets régionaux escomptés n’ont pas été au rendez- vous. Seuls les départements sièges d’une université, et encore surtout les villes sièges et leur proche périphérie, ont bénéficié de ces implantations censées rééquilibrer les densités régionales. De fait, on observe « une forte polarisation de la médecine générale autour des centres universitaires les plus anciens et une concentration des médecins spécialistes dans les métropoles attractives » concluent les experts de l’étude.