Décentralisation : pour les élus franciliens, les promesses ne sont pas au rendez-vous

Réunis à Paris les 27 et 28 juin à l’occasion du salon de l’association des maires d’Ile-de-France (AMIF), les élus franciliens ont débattu de nombreux sujets parmi lesquels la décentralisation, amorcée il y a quarante ans déjà et dont les promesses, selon eux, sont loin d’être tenues.

Véritable temps fort du salon la conférence inaugurale organisée mercredi 27 juin à été l’occasion pour les élus de revenir sur quarante années de décentralisation (1983-2023). « Le principe était simple : un transfert de compétences accompagné d’un transfert de moyens qui permettait de mettre en place ces compétences. De toute évidence aujourd’hui on n’y est plus, a déploré Stéphane Beaudet, président de l’Association des Maires d’Ile-de-France (AMIF) et maire d’Evry-Courcouronnes. Nous nous retrouvons aujourd’hui avec de moins en moins de moyens, de moins en moins de capacité d’indépendance à porter nous-mêmes les programmes électoraux sur lesquels nous avons été élus, parce que nos dotations sont en baisse constante, notre capacité à activer les différents leviers fiscaux ont quasiment disparu ». Citant l’exemple d’Evry-Courcouronnes (Essonne-80.000 habitants), ville populaire dont il est le maire depuis 2001, l’édile affirme que la taxe foncière reste aujourd’hui son seul levier d’action, un le vier déjà actionné en début de mandat afin de rénover la ville.

Othman Nasrou, vice-président de la région Île-de-France estime quant à lui qu’ « il n’y aura pas de décentralisation tant que nous n’aurons pas une fiscalité qui correspond à des compétences. Tant que les  ressources seront remplacées par des dotations qui ne sont jamais pérennes, qui ne sont jamais réindexées et jamais et jamais réactualisées ». A ce titre, a-t-il expliqué, la dotation régionale pour les équipements scolaires est gelée depuis 2001. Or, depuis cette date, la région  compte 34% de lycéens en plus. « Comment peut-on avoir une décentralisation qui fonctionne quand on a un gouvernement qui prend seul les décisions ? » s’est interrogé l’élu.

Pour Emmanuel Grégoire, Premier adjoint à la Maire de Paris en charge de l’urbanisme, de l’architecture, du Grand Paris, des relations avec les arrondissements et de la transformation des politiques publiques, il existe un problème de choc culturel qui selon lui doit être levé : « Nos dirigeants au sommet de l’Etat croient parfois que les élus locaux sont par nature des irresponsables qui dans leur frénésie clientéliste de servir leurs électeurs dépensent de l'argent et inutilement. » Avec pour conséquence directe sur le terrain une crise démocratique et politique extrêmement forte et des citoyens de moins en moins en phase avec la réalité. « 67%, c’est le taux de taux de satisfaction des maires en France qui sont de loin les élus préférés des Français. Ce taux était à 75% il y a Trois ans. Les raisons de cette baisse ? Il y a une crise démocratique sous-jascente, avec un renvoi de responsabilité vers le local qui est profondément injuste et dont nous allons souffrir durablement » s’est agacée Stéphane Beaudet.

S’exprimant au nom de l’ensemble des maires de la métropole du Grand Paris, Éric Césari, vice-président délégué à la stratégie et aux partenariats institutionnels de la métropole du grand Paris (MGP) pose le même constat. « Il existe un décalage entre ce que nous vivons nous élus de terrain et ce que décide le gouvernement ». Ce qu’il regrette le plus : l’impossibilité pour un élu local de détenir un mandat parlementaire. « Le contrat législatif aujourd’hui ne s’appuie plus sur l’expérience d’élus locaux. Et je pense qu’on trouve là une des sources des incompréhensions ».

Egalement présent à cette table ronde, Philippe Laurent, vice-président de l’Association des maires de France (AMF) et maire de Sceaux a déploré le discours tenu par l’administration centrale depuis le début des années 2000 et qui selon lui tient d’un blocage culturel : «  Il est une constante qu'une partie de l'administration centrale pense que l’on ne peut faire confiance aux élus locaux parce que ce sont des gens irresponsables. Nous devons changer ça, ce sera extrêmement difficile mais nous devons y arriver parce que le prix à payer, si on ne le fait pas, c'est la diminution voire la disparition d'un certain nombre de services publics locaux et c'est l'arrêt de l'équipement de nos territoires. »

Ce que souhaitent les élus : retrouver de la liberté d'action ainsi qu’une forme de relation de confiance entre l'Etat et les collectivités locales, mais aussi plus d'autonomie fiscale et financière. Et pourquoi pas un système de bonus pour les villes bien gérées ? Pour Stéphane Beaudet, président de l’AMIF, l'explosion de la démission hein des maires n’est pas uniquement liée aux violences subies par les élus. « La plupart des maires démissionnaires ont été élus en 2020. Ils ont été confrontés d'un seul coup à la réalité de du terrain, ils n'avaient pas les moyens de mettre en œuvre le programme pour lequel ils ont été élus. »

Gérard Larcher engage au Sénat les travaux sur la décentralisation

Le Président du Sénat, Gérard Larcher, a réuni mercredi 5 octobre 2022, pour la première fois, le groupe de travail sur la décentralisation, avec l’ensemble des groupes politiques du Sénat.

Le Sénat a rendu publiques, à l’été 2020, 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales, qui ont donné lieu à trois propositions de loi sénatoriales, constitutionnelle, organique et ordinaire. Le groupe installé ce jour a pour objet d’approfondir le projet d’un nouvel équilibre entre les pouvoirs locaux et le pouvoir central.

Présidé par Gérard Larcher, Président du Sénat, représentatif de chaque groupe dans sa composition, il a pour rapporteur général François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Trois co-rapporteurs ont également été désignés, Françoise Gatel, présidente de la Délégation aux collectivités, Mathieu Darnaud, tous deux co-rapporteurs de la récente loi 3DS et Jean François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Participent également es qualités, le président de la commission des Finances, Claude Raynal, ainsi que le président de la délégation aux Outre-mer, Stéphane Artano, Le groupe de travail formulera des propositions concrètes dès la fin du premier trimestre 2023.

Les Français ont une bonne opinion de la décentralisation

La poursuite du processus de décentralisation est perçue par 3 Français sur 4 comme « une bonne chose », notamment pour renforcer la proximité des pouvoirs de décision, la différenciation des compétences entre territoires et l’efficacité de l’action locale. C’est l’un des enseignements d’une enquête CSA menée pour le compte du Sénat auprès du grand public sur la perception par les Français de la décentralisation et de l’action publique locale. À 68 %, ils se disent favorables à ce que les lois nationales puissent être adaptées aux spécificités des territoires, en particulier chez les plus jeunes (moins de 35 ans) et chez les habitants de l’Est et du Sud. Si la quasi-totalité des Français (95 %) exprime une volonté de changement de l’organisation territoriale actuelle, les avis divergent sur la méthode à adopter : 40 % souhaitent une réforme en profondeur alors que 55 % se prononcent pour une adaptation de l’organisation sans « transformation radicale ». La bonne perception de la majorité des Français de la décentralisation n’efface toutefois pas un clivage sur la question du risque d’une France « à deux vitesses » : si l’application du principe de subsidiarité (41 % d’opinions favorables contre 35 %) ou la différenciation des compétences entre collectivités de même catégorie (58 % d’opinions favorables contre 42 %) recueillent davantage d’opinions favorables que défavorables, les sondés pointent le risque de complexification de l’organisation territoriale.

Régions de France, l’ADF et l’AMF réclament un acte III de la décentralisation

Alors que le Grand débat national voulu par Emmanuel Macron s’achève ce vendredi 15 mars, Régions de France, l’Assemblée des départements de France (ADF) et l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité (AMF)ont présenté mercredi leur contribution commune. « Ce que nous proposons avec Dominique Bussereau et Hervé Morin c’est un acte III de la décentralisation. Je suis convaincu que c’est une réponse avantageuse pour l’Etat qui va pouvoir se concentrer sur ses missions régaliennes » a déclaré François Baroin, président de l’AMF et maire de Troyes.

Convaincus de la nécessité de faire évoluer la décentralisation et d’adapter les politiques publiques à chacun des territoires, les trois présidents ont dévoilé cinq propositions qui serviront de base pour engager des discussions avec le gouvernement. Ce qu’ils souhaitent en premier lieu c’est une réforme en profondeur des principes qui organisent les relations entre l’Etat et les collectivités. Ils réclament aussi l’autonomie financière et fiscale des collectivités pour laquelle une modification de la constitution sera nécessaire. Et de rappeler ce principe maintes fois évoqué : « qui décide paie et qui paie décide ». Le troisième objectif est de mettre la commune au cœur de la démocratie de proximité. Ils souhaitent à ce titre son inscription dans l’article 72 de la Constitution au titre de sa compétence générale. Et pour une décentralisation véritable, les trois présidents estiment qu’il faut renforcer le rôle des collectivités dans les politiques publiques en donnant au département le pilotage de toutes les politiques sociales et de solidarité et aux régions la responsabilité de la cohésion de tous les territoires dans toutes ses déclinaisons : développement économique, enseignement supérieur, financement des territoires d’excellence. La politique de proximité étant incarnée par la commune.« Enfin, nous voulons ouvrir le chantier d’une nouvelle répartition des compétences concernant certaines politiques publiques de proximité, a indiqué François Baroin. C’est le cas dans le domaine du logement, du sport, de la culture mais aussi dans le domaine de l’insertion et de l’emploi ».

Dans un communiqué, le ministère de la Cohésion des Territoires a remercié l’AMF, Régions de France et l’ADF pour leur contribution au Grand Débat National et rappelé que « les collectivités territoriales jouent un rôle déterminant dans les réponses aux problèmes de vie quotidienne des Français ».