La SPL Lyon Confluence lauréate du programme européen ASCEND pour créer un quartier à énergie positive

Désignée à la tête d’un consortium de huit villes lauréates, la SPL Lyon Confluence veut accélérer la mise en œuvre de bâtiments à haute efficacité énergétique, de solutions de mobilité décarbonée et la constitution de communautés énergétiques.

Lauréate du programme européen ASCEND– Horizon Europe qui apporte son soutien de 20 M€ à huit villes sur une durée de cinq ans, dont Lyon et Munich sont les villes phares, la SPL Lyon Confluence veut multiplier la construction d’immeubles à très haute performance qui conjuguent une conception d’une grande sobriété énergétique avec la mise en œuvre de systèmes de gestion « intelligents ». Au-delà de l’autoconsommation d’énergie à l’échelle d’un bâtiment, puis d’un îlot, l’enjeu pour la SPL Lyon Confluence est de constituer des communautés énergétiques à l’échelle du quartier, qui permettent de partager les énergies renouvelables produites localement auprès de l’ensemble des habitants et usagers. La SPL Lyon Confluence est aujourd’hui pionnière en France de l’expérimentation de ce nouveau dispositif. L’objectif est non seulement d’accorder davantage de place en surface à la végétation et aux modes de déplacement actifs, mais également de trouver des solutions permettant d’accompagner la transition vers des mobilités décarbonées dans les sous -sols . Il s’agit par exemple de développer les offres alternatives à la voiture individuelle, tels que l’autopartage et la création d’espaces de logistique urbaine proposant des modes décarbonés de livraison au dernier kilomètre. Les autres villes lauréates du programme, Alba Lulia (Roumanie), Budapest, Charleroi, Porto, Prague et Stockholm se concentreront sur la mise en œuvre de certaines solutions développées par les villes phares.

 

Relever le défi de la décarbonation afin d’agir sur les émissions de CO2

Pour atteindre la décarbonation des transports terrestres d’ici à 2050, il est possible d’agir sur la demande de transport, le report modal, le remplissage des véhicules et leur efficacité énergétique, mais également sur la décarbonation de l’énergie utilisée. Cinq leviers à actionner en urgence pour atteindre les objectifs climatiques.

Avec 30 % des émissions, le transport, et en particulier des personnes, est de loin, le principal émetteur de CO2. « La voiture pèse à elle seule 16% des émissions de notre pays. Voilà pourquoi la décarbonation de nos économies est assurément l’enjeu clef du XXIème siècle » alerte Jean Coldefy, Directeur des programmes d'ATEC ITS France et conseiller du président de Transdev. Car même si la France s’est engagée à réduire de 55% en 10 ans ses émissions de CO2 et à atteindre une décarbonation quasiment complète du secteur des transports à l’horizon 2050, depuis 2000, la part kilométrique de la voiture n’a baissé que de seulement 3%. « Si la dépendance à la voiture reste forte, c’est parce qu’aujourd’hui, on constate un déficit d’alternatives à la voiture pour accéder aux zones d’emplois des agglomérations et aux besoins du quotidien » décrypte Jean Coldefy. Alors comment décarbonner le secteur des transports de personnes ? Pour atteindre les objectifs de court et de long termes, la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) mise sur cinq leviers pour réduire les émissions des transports.

Le 1er levier d’action consisterait à modérer la demande de transport, à savoir le nombre de kilomètres parcourus par les voyageurs, ou le nombre de tonnes /kilomètres transportées pour les marchandises. Selon Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports (associé à la Chaire Énergie et Prospérité), c’est le facteur qui a le plus influencé les émissions, comme en témoigne la multiplication par 4,7 de la demande des voyageurs et de 3,4 pour les marchandises entre 1960 et 2017, entrainant une multiplication respectivement par 4,2 et 3,3 des émissions de CO2. L’influence des politiques publiques dans la modération de la demande est pour l’instant très faible, pour Aurélien Bigo, elles nécessiteraient de penser l’aménagement du territoire et l’organisation des mobilités avec plus de proximité au quotidien indispensables pour obtenir un report modal significatif.

Le second levier de décarbonation consisterait à favoriser le report modal. La croissance du vélo, accélérée par la grève de fin 2019, le déconfinement et les aménagements temporaires, est, certes, bien plus dynamique que les autres modes de transport alternatifs, mais sa part dans les kilomètres parcourus reste inférieure à 1 %. Pour produire des effets significatifs sur les émissions de CO2, cela nécessiterait un maillage plus efficace sur l’ensemble du territoire. Car faire un report d’1 % d’un mode carboné (voiture, avion, poids-lourds) vers un mode décarboné (modes actifs, ferroviaire) permet de réduire les émissions d’1% seulement. Or d’ici 2050, les scénarios de prospectives les plus ambitieux sur ce levier prévoient une baisse des émissions de l’ordre de 20%.

Le 3ème levier est de développement du covoiturage. S’il s’est développé ces dernières années sur la longue distance, les bénéfices climatiques sont cependant minces puisque la moitié des usagers auraient pris le train. En revanche, pour les trajets courts, notamment domicile-travail, l’Exécutif multiplie les initiatives : création de voies réservées, création de Zones à Faibles Emissions (ZFE), Plan de Mobilité Employeur (PDME). Sans compter le versement d’une allocation aux conducteurs et aux passagers (subventions des trajets, défiscalisation de ces aides, forfait mobilités durables) que développent les collectivités territoriales. Objectif : tripler ces déplacements en 2024 à 3 millions de trajets par an.

Le 4ème levier consiste à baisser les consommations d’énergie par kilomètre parcouru. C’est essentiellement sur ce levier que repose la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) pour faire baisser les émissions à court terme, via les améliorations technologiques, telles que l’hybridation ou les progrès sur le rendement des moteurs. Reste que les améliorations récentes ont été compensées pour les véhicules neufs par le regain de l’essence par rapport au diesel, et surtout par la croissance des SUVs (sport utility vehicles), des véhicules moins aérodynamiques et plus lourds donc plus énergivores. D’où la nécessité de tendre vers plus sobriété pour gagner en efficacité, notamment sur la taille, la puissance, le poids et l’aérodynamisme des véhicules.

Décarboner l’énergie

Enfin, le 5ème levier concerne la décarbonation de l’énergie, en passant du pétrole qui représente plus de 90 % des consommations actuelles des transports, à l’électrique, l’hydrogène, les biocarburants ou le biogaz, à condition que ces énergies soient produites de manière durable. Pour le moment, cette décarbonation a été très faible, car les biocarburants développés (7 % des consommations d’énergie des transports) ne sont pas moins émetteurs que le pétrole. Les plus forts espoirs sont désormais tournés vers l’électrique, particulièrement adapté pour les véhicules les plus légers. Les émissions des voitures électriques en France sont environ 2 à 3 fois moindres que les voitures thermiques, en prenant en compte l’analyse de cycle de vie complète des véhicules.

Danièle Licata

« Réussir la décarbonation, nécessite de prendre en compte les spécificités des territoires pour mener des politiques publiques plus équitables »

Comment décarboner les déplacements de manière équitable ? Combien cela coûtera-t-il et qui paiera? Quels impacts sur la gouvernance publique ? Autant de questions auxquelles Jean Coldefy, directeur des programmes d’ATEC ITS France et conseiller du président de Transdev, apporte une réponse dans son dernier livre «Mobilités – changer de modèle – solutions pour des déplacements bas carbone et équitables» aux éditions Publishroom. Rencontre.

RCL : Face à l’urgence, quels sont les enjeux pour une décarbonation équitable ?

Jean Coldefy : La mobilité est au coeur de nos activités. On ne se déplace pas pour se déplacer, mais pour réaliser des activités. La mobilité n’est pas une nuisance elle est une nécessité. Si on a connu un incroyable développement économique, c’est parce que les marchandises et les individus ont pu se déplacer et de plus en plus loin. Permettre à des populations d’aller chercher non pas à côté de chez eux mais un peu plus loin un emploi, a permis d’augmenter le taux d’emploi et ainsi de contenir le taux de chômage. La mobilité favorise ainsi l’accès à plusieurs espaces d’opportunités, pour soi et pour les autres. Elle permet ainsi de réduire les inégalités régionales et donc d’instaurer plus d’équité et d’offrir à chacun l’opportunité d’accroître ses propres revenus. Il ne faut pas oublier que nous sommes un pays de classe moyenne ; or, si d’un point de vue national on a pu réduire les inégalités par un système de redistribution qui a fait ses preuves, sur le plan territorial, elles sont plus fortes, notamment en ce qui concerne l’accès aux transports en commun. En Île-de-France par exemple, 20 % de la population a à sa disposition 50 % de l’offre nationale. Plus on s’éloigne des villes centres des agglomérations plus l’offre se tarit. Notre système de transports en commun en particulier TER n’a pas suivi la dynamique métropolitaine. Conjugué avec un urbanisme d’éparpillement, du fait d’une gestion trop locale de l’urbanisme dans le périurbain, ceci a grandement favorisé l’usage de la voiture pour accéder aux emplois des agglomérations. Ces flux entre la commune-centre et les couronnes représentent la moitié des émissions de la mobilité des aires urbaines, les villes-centres ne pesant que 2 %, vingt-cinq fois moins ! Ces dernières disposent des alternatives à la voiture à l’inverse des couronnes, voilà pourquoi des centaines de milliers de voitures engorgent les grandes villes. Sur Lyon 220000 personnes travaillent sur la métropole sans y habiter, on a 35000 places de disponibles en TER. Vous avez des situations similaires dans quasiment toutes les grandes agglomérations. Les parcs relais sont partout sous-dimensionnés, pour les vélos comme pour les voitures. Nous avons un problème d’offre de transports en commun.

Que faire pour répondre à l’urgence ?

J.C. : 77 % des kilomètres quotidiens parcourus en France sont le fait de trajets supérieurs à 10 km, c’est hors de portée du vélo, qui doit plutôt être pensé en intermodalité. La voiture électrique si elle permet à terme de baisser nos émissions de 60 % n’est pas zéro carbone et ne résout en rien le problème de l’occupation de l’espace public en ville : le report modal vers les transports en commun s’impose pour arriver au zéro émission. Mais au final, l’urgence c’est adapter notre système de gouvernance territorial qui est complètement déconnecté des bassins de vie des Français c’est-à-dire de là où nous habitons et là où nous travaillons.

Quelles solutions préconisez-vous pour relever ces défis ?

J.C. : À chaque mode sa zone de pertinence : le vélo pour les courtes distances, la voiture dans les zones rurales, les transports en commun au sein des villes, la combinaison vélo/voiture et transport en commun pour accéder aux villes. Le vélo ne peut pas répondre à l’essentiel des kilomètres parcourus, déployer des transports en commun dans des zones peu denses n’est pas pertinent. Les difficultés du ferroviaire mettront plus d’une décennie à se résoudre compte tenu des problèmes d’infrastructures et des coûts de la SNCF. La mise en concurrence permet déjà de faire de fortes économies aux régions qui se sont lancées, mais nous avons pris beaucoup de retard par rapport à nos voisins qui pour le même budget public font circuler deux fois plus de TER. Si le rail est un moyen de transport rapide, il ne permet pas de desservir tous les territoires et répondre à tous les besoins : Le réseau ferré c’est 30000 de kilomètres de voies, le réseau routier, 1,1 million de kilomètres. En complément de la régénération ferroviaire, les RER métropolitains doivent intégrer la route avec une adaptation des voiries pour les transports en commun et la voiture partagée. Des parkings relais en amont des agglomérations pour garer sa voiture ou son vélo, des cars express à haute fréquence en heures de pointe circulant sur des voies réservées sur les grands axes routiers en accès aux agglomérations, autant d’aménagements qui obtiennent des résultats saisissants. J’ai conduit une évaluation pour France Mobilité, qui démontre que les services de cars express sont une réponse efficace et efficiente. Là où ils sont déployés, on est obligé de renforcer les fréquences, passer à des cars à double étage tellement la demande est forte. Concrètement, ce mode de transport représente une économie de temps de 40 minutes par jour et financière de 200 € par mois. Concentrons nous sur les petites et grandes couronnes en déployant des offres économes en CO2 et qui de surcroît allègent les budgets des ménages. Dans les centres-villes, les mobilités sont déjà décarbonées, l’essentiel du trafic provenant de gens en provenance de l’extérieur. C’est par la voiture/vélo et les transports publics que passera la solution.

Le monde de la décarbonation s’avère plus contraignant, non ?

J.C. : Il est clair que le monde de la décarbonation sera, pour les mobilités, plus contraignant que celui qui a prévalu jusqu’à aujourd’hui. L’acceptabilité des contraintes nouvelles notamment du report vers les autocars express ou le train, ou du poids financier du passage à la voiture électrique demandera une évolution de la gouvernance et de la régulation des transports. Pour ce faire, les autorités organisatrices de la mobilité doivent acquérir un champ d’action plus étendu, qui ira bien au-delà de l’organisation de l’offre de transports publics. Cette gouvernance des mobilités devra se faire en cohérence avec le périmètre économique des agglomérations, ce que l’on appelle une aire urbaine : aujourd’hui on ne travaille plus là où l’on habite. Sans ce changement de gouvernance, les villes s’occuperont de leurs habitants, les régions des zones rurales et pas grand monde de ceux qui font la navette, pourtant très nombreux et à l’origine de l’essentiel des émissions de la mobilité. Pour tenir nos engagements climatiques, la décarbonation appelle un doublement des financements actuels dans les infrastructures et services de mobilité : c’est un programme additionnel ciblé de 50 Md€ qu’il faut déployer autour des 22 métropoles françaises. Alors que les collapsologues prospèrent dans une société française profondément pessimiste des voies existent pour adapter notre système de mobilité aux enjeux du XXIe siècle : relier les territoires et réduire fortement d’ici à moins de dix ans nos émissions de CO2. Le réchauffement climatique peut et doit être un facteur de cohésion sociale vers un futur désirable qui nous fasse tourner la page des excès du consumérisme afin de privilégier à nouveau l’investissement, le futur sur le bien-être immédiat, à l’image de l’effort collectif entrepris après 1945 pour redresser le pays.

Propos recueillis par Danièle Licata