La cour des Comptes pointe la fragilité de la politique du patrimoine

La dépense publique totale consacrée à la sauvegarde du patrimoine monumental n’a cessé d’augmenter ces dernières années pour atteindre 2 milliards d’euros en 2021. Mais un quart des monuments historiques reste pourtant dans un état préoccupant, avertit la Cour des comptes dans un récent rapport.

L’incendie qui a ravagé la cathédrale Notre-Dame de Paris, en avril 2019, puis celui qui a touché celle de Nantes, en juillet 2020, ont révélé l’état dégradé de bon nombre de monuments nationaux. Face à l’émotion collective, Emmanuel Macron a fait de la protection des sites patrimoniaux une des priorités de son action culturelle lors de son premier mandat. Résultat : avec la « Mission Patrimoine » confiée à Stéphane Bern, plus de 600 monuments ont été restaurés, financés en partie par le Loto et les 600 millions d’euros du plan de relance dans le cadre de la crise sanitaire. Hélas, une goutte d’eau, face aux 44500 édifices recensés dont 35 % de manoirs et châteaux et 41 % d’architecture religieuse, de toutes les époques, couverts par le régime des monuments historiques, aux- quels s’ajoutent en réalité plusieurs centaines de milliers d’édifices et d’espaces environnementaux qui sont protégés au titre des abords des monuments historiques ou des sites. Or, « près d’un quart des monuments historiques français est dans un état préoccupant » s’alarment les magistrats financiers de la Cour des comptes dans un récent rapport sur la politique de l’État en faveur du patrimoine monumental.
Pourtant en 2021, ce ne sont pas moins de 2 milliards d’euros qui ont été dépensés essentiellement pour conserver le patrimoine, contre 1,3 milliard avant la crise sanitaire, à peu près à parts égales entre l’État (480 millions de dépenses budgétaires et 115 millions de dépenses fiscales) et les collectivités locales (environ 660 millions, dont environ 310 millions au niveau communal, 243 pour les départements et 110 pour les régions). L’État ayant fortement augmenté ses crédits en sortie de crise sanitaire pour les allouer « à de grands travaux, principalement sur des monuments de premier plan, ou inscrits dans le plan de relance », précisent les « sages de la rue de Cambon à Paris ».

DES RÉFORMES SANS RÉSULTAT
Ces chiffres sont tous des estimations avertit la Cour des comptes qui regrette le manque d’informations, car « visiblement, même au niveau de l’État, hors crédits du ministère de la Culture, on n’a pas vraiment de vue d’ensemble, notamment s’agissant du montant des aides de l’État dont bénéficient les collectivités territoriales au titre du patrimoine local ». Quant aux dépenses des collectivités elles-mêmes, leur estimation « est encore plus imprécise ».
Déjà le « bilan sanitaire » des monuments historiques réalisé en 2018 avait pointé l’état « préoccupant » pour près d’un quart d’entre eux. Or pour les « Sages », les objectifs visés de hausse des opérations de conservation du patrimoine, en dépit des réformes successives (2004, 2005, 2009 et 2016), n’ont vraisemblablement pas été atteints en dépit des mannes financières « importantes et constantes ». Ils pointent notamment une désorganisation au niveau des collectivités territoriales depuis que la maîtrise d’ouvrage est confiée aux pro- priétaires (collectivités territoriales ou propriétaires privés) mais également des carences en matière de maîtrise d’ouvrage de la part des propriétaires que les services de l’État (directions régionales des affaires culturelles – DRAC –, services déconcentrés) sont amenés à compenser. À cela vient s’ajouter une mauvaise répartition territoriale des architectes avec un niveau tech- nique « hétérogène » alors que de nombreux départs à la retraite sont à venir dans les corps techniques de l’État (conservateurs, architectes, ingénieurs, techniciens...). Tout cela fait que « l’exercice des protections des monuments et des sites reste pointilliste, au détriment d’une démarche globale de mise en va- leur ». La politique du patrimoine « laisse trop peu de place à une approche intégrée passant par le conseil aux collectivités et la concertation avec les acteurs locaux », alors même qu’une telle approche serait « essentielle pour des petites et moyennes villes anciennes dotées d’un patrimoine remarquable mais confrontées à de réelles difficultés économiques et sociales » déplore la Cour des comptes.

QUELLES PISTES D’AMÉLIORATION ?

Les recommandations de « la rue de Cambon » pour la préservation du patrimoine portent sur quatre thèmes : La dépense publique, avec notamment une harmonisation des conditions des aides de la DRAC et un traçage plus précis des besoins des collectivités ter- ritoriales. La protection des monuments historiques, avec la création d’un « carnet sanitaire » pour chaque édifice.La conservation et la mise en valeur des monuments, avec un renforcement de la mission de soutien des architectes des bâtiments de France auprès des maîtres d’ouvrage. La fiscalité, avec l’appel à un travail interministériel d’évaluation des dispositifs fiscaux applicables aux monuments historiques.

Danièle Licata

 

Transports express régionaux : la Cour des comptes dénonce un service dégradé

Baisse de la fréquentation, dégradation de la qualité de service, augmentation des coûts d'exploitation. Les transports express régionaux qui assurent la desserte des zones périurbaines, des villes régionales et des territoires isolés font l’objet de dysfonctionnements constate la Cour des Comptes dans un rapport rendu public mercredi 23 octobre. Ainsi, « malgré le fort engagement des régions qui ont investi 3,3 Md€ dans le renouvellement du matériel roulant et 2,1 Md€ dans les infrastructures (réseau ferroviaire et gares), ces dépenses se sont accompagnées d’une baisse de la fréquentation » relèvent les Sages de la rue Cambon. Une baisse de fréquentation qui trouve sa cause principale dans la dégradation de la qualité de service, qui s'explique autant par les difficultés de gestion de l'exploitant que par le mauvais état des infrastructures. Les coûts d’exploitation, en hausse constante et couverts en grande partie par les régions sont également montrés du doigt. Selon le rapport, « ils tiennent, à la faible productivité de SNCF Mobilités et à des charges de personnel élevées, mais aussi à une offre de service par les régions qui pourrait être optimisée ». Cet état des lieux explique les fortes tensions, sur la période, entre l'exploitant ferroviaire historique, SNCF Mobilités, et les régions, en qualité d'autorités organisatrices. Quant à l’ouverture à la concurrence, qui doit permettre de rééquilibrer ces relations, « cela suppose que les régions montent en compétence pour contrôler l'activité de l'exploitant et expérimenter leurs premiers appels d'offres » estime la Cour des Comptes qui précise que « de son côté, SNCF Mobilités doit impérativement améliorer sa performance pour être concurrentielle et gagner en autonomie en envisageant la filialisation de l'activité TER ».