Angers propose une charte aux promoteurs pour un développement équilibré

Sauvegarde de son identité architecturale et urbaine, présence du végétal, densité de ses équipements, dynamisme de son centre commerçant, logements accessibles... sont autant d’enjeux que la ville s’est lancés.

Face à un marché immobilier très dynamique, avec toujours plus d’opérateurs cherchant à construire sur cette ville attractive qui gagne en moyenne 1000 habitants par an depuis 2015, les élus ont adopté en 2021 la charte d’engagement pour un développement immobilier équilibré sur le territoire afin de mieux encadrer les projets immobiliers. Signée en mars 2022 par quelque 60 promoteurs, elle se veut « plus souple et ouverte, plus adaptée aux réalités que les documents réglementaires dont disposent les collectivités pour construire et reconstruire la ville avec les différents opérateurs », explique Roch Brancour, adjoint au maire à l’urbanisme, à l’aménagement du territoire et au logement. Chaque projet, selon la charte, doit offrir une programmation équilibrée, des modes de construction respectueux des enjeux de transition écologique, une intégration architecturale, urbaine et paysagère, une offre de logements répondant aux besoins des Angevins et une qualité de conception-finition des logements. L’atteinte de ces objectifs passera par la mise en oeuvre de cinq orientations déclinées dans le document.

DES LOGEMENTS À DES PRIX ABORDABLES

Les promoteurs devront concourir à la transition écologique du territoire à la fois sur le plan de la performance énergétique que du bilan carbone des constructions, mais aussi en privilégiant la réhabilitation des bâtiments existants plutôt que la démolition-reconstruction et enfin en réalisant notamment au minimum une opération sur cinq en construction à ossature totale ou majoritaire bois tout en respectant la nature en ville ainsi que la végétalisation du territoire. Il leur est demandé de proposer une offre diversifiée de logements qui réponde aux besoins de tous les habitants de l’agglomération.

Ainsi, « chaque programme devra offrir une proportion de logements permettant d’atteindre au moins la moitié de T3, T4 et plus », stipule la charte et la moitié d’entre eux devra être dotée d’un espace extérieur. Et dans chacune des opérations de plus de vingt logements, chaque promoteur s’engage à réaliser, conformément aux orientations du PLUi, au moins 25 % de logements à prix maîtrisés. « Nous avons inséré dans cette charte, le principe d’équilibre de développement sur le territoire. Toute opération réalisée sur la ville d’Angers devra faire l’objet d’une opération concommitante sur le territoire de l’agglomération d’Angers Loire Métropole dans les opérations d’aménagement publiques ou dans le cadre d’opérations du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). C’est une manière d’inciter les promoteurs à travailler sur l’ensemble du territoire angevin », ajoute Roch Brancour. L’autre aspect important de cette charte, selon l’élu, réside dans sa capacité à proposer des règles sur la manière d’informer et d’engager la concertation autour des projets. « C’est un outil pour bâtir des projets de manière équilibrée avec les promoteurs et faire en sorte que les projets aboutissent avec le meilleur niveau de qualité possible, la meilleure acceptabilité et le meilleur équilibre entre les intérêts des promoteurs, les intérêts du territoire et ceux des habitants qui occuperont ces bâtiments. C’est pourquoi nous avons coconstruit cette charte avec les promoteurs et opérateurs immobiliers. » Pour Julien Boillaud, directeur de programmes du Groupe Gambetta, promoteur immobilier implanté sur le territoire Angevin depuis une vingtaine d’années et signataire de la charte, « concevoir et construire est plus que jamais le fruit d’un travail collectif, de mise en jeux de synergies, allant au-delà des usages ou du simple respect réglementaire ». Il estime également qu’il appartient aux opérateurs et aux collectivités « de rendre compatibles les aspects esthétiques, techniques, sociaux, environnementaux et économiques, pour engendrer de l’efficacité et de l’intelligence collective dans l’acte de construire ». La charte fera l’objet d’une évaluation annuelle, pour analyser son impact, et, le cas échéant, prendre en compte les évolutions de la conjoncture ou des besoins et des priorités du territoire. L’intérêt étant, pour l’agglomération comme pour les opérateurs immobiliers, que les projets se réalisent.

LES 5 ENGAGEMENTS : DE LA CHARTE

Blandine Klaas

Pour Olivier de la Roussière, président de Vinci immobilier : « Le développement urbain fondé sur l’artificialisation des sols n’est plus tenable sur le plan environnemental »

2022 marque un tournant dans la stratégie environnementale du promoteur VINCI Immobilier qui prend cette année deux engagements très forts. Atteindre l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) pour l’ensemble de ses activités de promotion immobilière, dès 2030 et réaliser plus de 50 % de son chiffre d’affaires, avant cette date, dans des opérations de recyclage urbain. Les explications d’Olivier de la Roussière, président du groupe dans un entretien avec RCL.

RCL : La loi Climat et résilience fixe l’objectif ZAN à 2050. Le groupe VINCI Immobilier veut atteindre cet objectif avec vingt ans d’avance sur l’objectif de la loi Climat et résilience...

Olivier de la Roussière : Notre stratégie ZAN 2030 repose sur la conviction que le développement urbain fondé sur l’artificialisation des sols n’est plus tenable sur le plan environnemental en raison notamment de l’altération des fonctions naturelles du cycle de l’eau et de l’impact des constructions sur la biodiversité. Nous devons continuer à construire pour répondre aux besoins, mais si nous devons artificialiser à certains endroits, nous le ferons avec le plus de sobriété possible. Et nous compenserons chaque mètre carré de surface artificialisée par la désartificialisation d’une surface équivalente sur d’autres projets. C’est la signification de l’objectif zéro artificialisation net. Depuis le début 2022, toute nouvelle opération qui artificialise plus de terrain qu’elle ne produit de mètres carrés sera refusée en comité d’engagement foncier. Pour atteindre cet objectif ambitieux que nous nous sommes fixé, nous devrons renoncer à certaines opérations que nous avions programmées et qui représentent près de 10 % de notre chiffre d’affaires.

Vous vous engagez également à réaliser la moitié de votre chiffre d’affaires avec des opérations de réhabilitations de friches. Quelles en sont les vertus ?

OR. : Ce deuxième engagement est directement lié au premier, puisque le ZAN nous conduira à intervenir le plus possible sur des terrains déjà artificialisés. Or, il existe en France un nombre important de friches constituées par nombre de bâtiments inusités, à l’abandon ou tout simplement devenus obsolètes en termes d’usage. Je pense notamment à des sites industriels désaffectés, des parkings sous-occupés, des centres commerciaux, des entrepôts, d’anciens bâtiments hospitaliers ou administratifs qui peuvent être réhabilités de manière intelligente. Ce parc immobilier va générer de nombreuses opportunités de transformation. À nous d’être malins et inventifs pour réussir à tenir cet engagement que nous avons pris de réaliser plus de 50 % de notre chiffre d’affaires en recyclage urbain avant 2030. À Troyes par exemple, nous avons recréé un morceau de ville, à proximité de la gare, sur un terrain dont les bâtiments étaient inutilisés depuis dix ans. Nous avons créé sur cette friche deux résidences, seniors et étudiants, avec nos filiales OVELIA et Student Factory, des commerces ainsi qu’un hôtel quatre étoiles. En améliorant le tissu urbain ainsi que la vie des habitants, la réhabilitation de friches présente un réel intérêt pour les collectivités en termes d’aménagement.

La logistique urbaine constitue-t-elle une opportunité pour la reconversion d’anciens parkings ?

O. R. : Il est évident que nous allons vivre une révolution dans nos sous-sols en raison des centaines de milliers de mètres carrés d’anciens parkings disponibles mais qui toutefois n’ont pas toujours la capacité de résistance nécessaire au niveau des planchers, rendant quelquefois coûteuse leur transformation. Il s’agit là d’un sujet difficile à appréhender en raison de la complexité des valeurs de foncier : le recyclage de friches coûte plus cher en milieu urbain. La logistique du dernier kilomètre est un sujet complexe sur lequel de nombreuses start-up se penchent.

D’une manière plus générale quelle est votre stratégie environnementale ?

O. R. : Nous généralisons cette année la mise en place d’un cahier des charges environnemental, avec un certain nombre d’exigences autour de la lutte pour la préservation de la biodiversité et contre le réchauffement climatique, afin que nos opérations soient très bonnes en termes de qualité environnementale. Par exemple, sur certains projets nous avons augmenté nos budgets en espaces verts. Nos mesures sur le ZAN et sur le recyclage urbain ne doivent pas occulter les autres engagements environnementaux que nous avons pris. Nous appliquons depuis 2016 la charte chantiers propres sur l’ensemble de nos opérations. Elle consiste à mettre en place un plan de gestion de déchets en amont de chaque chantier, de conserver le site en état de propreté ou encore d’utiliser des engins moins bruyants. Le groupe Vinci s’est engagé à accroître dans ses constructions la part des matériaux biosourcés et de béton ultra-bas carbone. 90 % de béton bas carbone sera mis en œuvre dans leurs constructions en 2030, avec pour objectif de réduire de 40 % des émissions de CO2 du groupe d’ici à la fin de la décennie.

Avez-vous recours au réemploi de matériaux recyclés dans vos programmes de construction ?

O. R. : Le Village des athlètes que nous construisons à Saint-Denis, dans le cadre des événements sportifs de 2024, est notre chantier modèle. Certains matériaux utilisés pour les ouvrages provisoires seront réemployés dans le futur quartier. Par ailleurs, 6 000 tonnes de bétons concassés issues des démolitions ont été réutilisées pour le terrassement et comme revêtement de voiries provisoires. Sur l’ensemble de l’opération, les bâtiments visent un bilan carbone inférieur de 40 % à celui de bâtiments conventionnels en faisant appel au réemploi bien sûr, mais également en choisissant des matériaux constructifs qui seront à faible empreinte carbone : bois, béton bas carbone et ultra-bas carbone, lequel sera utilisé pour la première fois à cette échelle. Le sujet du réemploi et du recyclage de matériaux est en pleine émergence dans les secteurs de l’immobilier et du BTP avec toutefois beaucoup de difficultés à la fois en termes d’assurances et de réglementation. À partir de 2022, nous allons suivre les taux de recyclage et de tri des matériaux sur l’ensemble de nos chantiers.

Comment allez-vous évaluer l’ensemble de vos actions ?

O. R. : Il est fondamental que nous puissions démontrer les engagements que nous prenons. Systématiquement désormais, nous produirons une fiche pour chaque opération depuis son lancement jusqu’à la livraison afin d’en connaître l’impact sur son environnement. Grâce à nos outils de mesure et de reporting nous pourrons suivre, année par année, notre progression ainsi que les premiers effets des mesures que nous avons prises. Notre objectif étant de progresser dans tous les domaines en mettant en œuvre les mesures que nous décidons, en les implémentant, mais aussi en les partageant avec nos collaborateurs.

Propos recueillis par Blandine Klaas

Construction durable : 350 millions d’euros pour accompagner les collectivités

Un nouveau dispositif du plan de relance devrait permettre aux élus de contribuer au financement des équipements et espaces publics permettant d’améliorer le cadre de vie de leurs administrés. En effet, une enveloppe de 350 M€ sur 2 ans vient d’être débloquée à destination des collectivités territoriales développant des programmes de logements denses autorisés à la construction du 1er septembre 2020 au 31 août 2022. « Le but est d’accélérer la reprise de la construction, tout en répondant à un triple objectif : contribuer à la relance économique du secteur du BTP, répondre au besoin de logements tout en limitant la consommation d’espace en cohérence avec l’engagement de « zéro artificialisation nette » porté par le Gouvernement » précise le ministère de la Transition écologique. Ce dispositif, automatique, prévoit une aide de 100€ par m² de surface nouvelle de logement dépassant un seuil de densité défini par commune. L’aide sera bonifiée de 20% pour les communes concernées par un programme partenarial d’aménagement (PPA) ou une opération de revitalisation de territoire. Pour Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du logement « le plan de relance va aider la construction à redémarrer, car nous avons besoin de logements de qualité en particulier dans les zones tendues. Nous serons toutefois attentifs à ce qu’il le fasse en limitant l’étalement des villes au détriment des terres agricoles, des forêts et des zones naturelles ».