Congrès des maires : Elisabeth Borne veut donner aux maires plus de pouvoir d’agir

C’est dans un climat morose que s’est déroulé les 21, 22 et 23 novembre à Paris la 105e édition du congrès des maires. A l’occasion des nombreux débats, tables rondes et ateliers organisés à l’attention des élus, ces derniers ont exprimé les nombreuses difficultés, et ce n’est pas nouveau,  qu’ils rencontrent dans l’exercice de leur mandat, conduisant nombre d’entre eux à jeter l’éponge. Plus de 1400 démissions ont été enregistrées depuis le début du mandat, du jamais vu ! La montée de la violence les préoccupe : elles ont augmenté de 32% l’an dernier. Ils éprouvent quelquefois un sentiment d’impuissance face à une situation quotidienne de plus en plus difficile pour de nombreux administrés. Sans cesse ils doivent composer avec des ressources en baisse et des injonctions de l’Etat toujours plus nombreuses. « Les maires ont besoin d’actes pour être protégés, afin d’être plus efficaces dans leurs communes, conformément à l’attente des citoyens » avouait un maire des Yvelines présent sur le congrès dont le thème cette année, « commune attaquée, commune menacée » résume bien la situation. « Il est de plus en plus difficile de pouvoir agir » a déploré David Lisnard, président de l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité dans son discours d’ouverture, une impuissance politique qui alimente selon lui la crise du civisme. « Nous n’avons pas cette capacité d'action parce que nos communes sont attaquées.(…) Notre République est menacée lorsque des maires sont attaqués dans l'exercice de leur mission, lorsqu'ils sont dénigrés, lorsqu'ils sont menacés (…).  La république est menacée quand la justice ne peut pas s'exercer de manière pleine et entière ou encore lorsque les enseignants tous les jours sont contestés dans l’exercice de leur mission, (…)ou encore lorsque nous ne pouvons plus exercer de manière pleine et entière nos responsabilités.»

« L’Etat doit être un facilitateur et vous aider à réussir vos projets ! »

Que faire afin que les élus locaux puissent retrouver du sens dans le cadre de leur mission ? Comment rendre l’action publique plus simple, plus lisible et plus efficace ? La première ministre intervenue en clôture du congrès n’est pas arrivée les mains vides. Alors que la veille, le président de la République évoquait, devant un millier de maires invités à dîner à l’Elysée, quatre objectifs à atteindre pour l’année, à savoir « une décentralisation réelle et audacieuse, déconcentration pour recréer de la simplicité, clarté sur les moyens financiers par un travail de refonte de la DGF et des relations financières et vrai statut de l'élu », Elisabeth Borne a détaillé une série de mesures pour leur donner plus de pouvoir d’agir et leur venir en aide dans l’exercice de leurs fonctions. « Je veux consolider le couple maire – préfet et renforcer l’Etat déconcentré. Lui donner davantage de capacités à trouver avec vous les bons moyens pour atteindre les objectifs » a déclaré la première Ministre « et également avancer vers davantage de décentralisation ». C’est le sens de la mission confiée à Éric Woerth, dont les conclusions doivent être rendues au mois de mai. La dotation pour l’exercice des mandats locaux sera augmentée de près de 15 millions d’euros l’année prochaine afin notamment « de mieux indemniser les élus des petites communes rurales ». « En 2024, grâce à l’extension du fonds de compensation de la TVA, grâce à la pérennisation du Fonds vert, grâce à des niveaux élevés pour les dotations de soutien à l’investissement local, nous allons accompagner vos projets à hauteur de 12 milliards d’euros, c’est-à-dire près d’un quart de l’investissement local » a également annoncé la cheffe du gouvernement. Quant à la Dotation globale de fonctionnement, elle sera augmentée de 100 millions d’euros supplémentaires. La hausse atteindra donc 320 millions d’euros l’année prochaine. « Vous l’avez souhaité, nous le faisons : en 2024, la DGF des communes augmentera au même rythme que l’inflation ! » a ajouté Elisabeth Borne. L’amortisseur du prix de l’électricité sera quant à lui maintenu en 2024.

 

 

Les élus d’outre-mer face aux désordres fonciers

Comme chaque année, en préouverture du congrès des maires et des présidents d’intercommunalité, l’AMF a organisé lundi 20 novembre, à l’attention des élus d’outre-mer, une matinée dédiée pour évoquer les problématiques qui touchent ces territoires en particulier. L’occasion pour le président de David Lisnard, président de l’AMF, de rappeler que depuis deux ans, l’association et ses équipes s’attachent à faire en sorte que les attentes et les propositions des élus ultramarins soient mieux entendues. « C’est une nécessité » selon le président. Cette meilleure prise en compte de leurs problématiques s’est traduite par l’intégration de l’ACCDOM (Association des Communes et Collectivités D'Outre-Mer) au bureau de l’AMF en tant que membre associé et par la création d’une délégation des communes et départements d’outre-mer qui entre-temps est devenue l’interlocuteur privilégié de l’exécutif.

Des situations différentes selon les territoires

Parmi les problématiques majeures ont été évoquées lors de cette matinée les prolématiques cadastrales, la numérisation des documents d’urbanisme, le difficile accès au foncier pour les communes à des conditions viables, les conditions d’application du ZAN, … « des sujets qui sont au cœur de la capacité des outre-mers à se développer ».

En Guyane, 84% du foncier appartient à l’Etat, seulement 2% appartient aux collectivités. «  Avec une conséquence cette impossibilité pour les collectivités de constituer des réserves foncières et pouvoir maîtriser les aménagements face à la prolifération de l’habitat indigne. 53% de la population vit sous le seuil de pauvreté » a témoigné Michel-Ange Jérémie, maire de Sinnamary (973) et président de l’Association des maires de Guyane. Il y a eu certes une rétrocession de foncier de la part de l’Etat mais ça ne représente qu’une goutte d’eau, selon l’élu. L’Île de Mayotte est pour sa part confrontée à une très forte densité de population, une forte croissance démographique et une immigration clandestine importante. « Avec ses 374 km2, Mayotte est le plus petit département d’outre-mer avec une densité d’environ 825 habitants au km2. La population officielle était de 310.000 habitants en janvier 2023 or le chiffres de la consommation de denrées alimentaires nous indiquent que la population se situe plutôt entre 400 et 500.000 habitants. La collectivité a mis en œuvre une régularisation foncière qui n’est pas encore terminée, à laquelle est venue s’ajouter un un Comité Local Installation-Foncier (CLIF ) ; ces dispositifs nous permettront prochanement de bénéficier de défiscalité » a expliqué Madi Madi Souf, maire de Pamandzi (976), président de l’Association des maires de Mayotte.

Pour Justin Pamphile, maire du Lorrain (Martinique) et président de l’Association des maires de la Martinique, « la politique foncière doit être abordée sous l’angle de l’aménagement du territoire. Une collectivité locale achète un terrain parce qu’il y a une logique derrière, liée à l’habitat, liée à la mobilité, liée à la sécurité ; cette politique est liée en fait à la question du cadre de vie, du développement économique, la désertification du territoire, sinon quel intérêt pour une collectivité d’acheter ? » L’élu martiniquais estime qu’il existe des outils pour concilier concrètement les usages, mais « il faut les renforcer, les améliorer et leur donner les moyens pour nous permettre de continuer à équiper, à aménager le territoire. » L’élu martiniquais a également évoqué la La commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) pour laquelle les ultramarins attendent des réponses concrètes de l’Etat. La CDPENAF vise à lutter contre l’artificialisation des sols et la régression des surfaces agricoles et naturelles, à enrayer l’étalement urbain, à préserver la biodiversité et les continuités écologiques, et à gérer de manière économe les ressources et l’espace.

Or les départements d’outre-mer sont particulièrement touchés par ces phénomènes, du fait notamment du caractère insulaire qui limite les possibilités en matière d’urbanisme et d’aménagement et des ambitions démographiques des collectivités.

Des pistes de réflexion

Avec son association Interco outre-mer, Lyliane Piquion, conseillère communautaire de la communauté d’agglomération Cap excellence (Guadeloupe), présidente d’Interco outre-mer, a consacré des travaux tout au long de l’année sur la problématique foncière et publié un recueil de propositions et d’alertes sur le sujet. « Nous avons mis en place une plateforme d’observation, d’alerte et de propositions des élus d’interco outre-mer. 44 propositions ont été élaborées et reprises sur les sites d’interco outre-mer et de l’AMF. Elles montrent toute la complexité du sujet qu’il faut aborder dans tous ses aspects. Le sénateur de Mayotte Thani Mohamed Soilihla a quant à lui employé les termes de verrou foncier et de désordre foncier, qui concernent chacun de ces territoires d’outre-mer.

 

Congrès des maires : le président Macron tente de renouer avec les édiles

Absent lors de la 101e édition du congrès en 2018, le Président de la république s’est déplacé mardi 19 novembre à la Porte de Versailles pour rendre hommage aux maires, « piliers de la République ». S’il a évoqué les « fractures territoriales, numérique, identitaire, culturelle » qui touchent la France il a invité les maires à Et donc notre rôle à nous, à vous qui êtes en charge de la commune, donc du commun, c’est de tout mettre en œuvre pour résorber ces fractures, c’est de faire bloc pour unir, pour rassembler les Français par notre action. Et d’évoquer les chantiers mis en place avec le concours des maires, parmi lesquels le « Programme action cœur de ville » pour revitaliser les centres-villes, l’agenda rural, l’installation de « maisons France services » dans chaque canton, le plan de mobilité pour les quartiers, le plan très haut débit."Rien ne se fera sans vous", a assuré le chef de l’exécutif, qu'il souhaite placer au cœur de l'acte II de son quinquennat.

2014-2020 : un mandat municipal éprouvant

Absent lors de la 101e édition du congrès en 2018, le Président de la république Emmanuel Macron s’est déplacé mardi 19 novembre à la Porte de Versailles pour rendre hommage aux maires, « piliers de la République ». S’il a évoqué les « fractures territoriales, numérique, identitaire, culturelle » qui touchent la France il a invité les maires à tout mettre en œuvre pour résorber ces fractures. « C’est notre rôle à nous, à vous qui êtes en charge de la commune, donc du commun, c’est de tout mettre en œuvre pour résorber ces fractures, c’est de faire bloc pour unir, pour rassembler les Français par notre action » a déclaré le chef de l’exécutif. Et d’évoquer les chantiers mis en place avec le concours des maires, parmi lesquels le « Programme action cœur de ville » pour revitaliser les centres-villes, l’agenda rural, l’installation de « maisons France services » dans chaque canton, le plan de mobilité pour les quartiers, le plan très haut débit... "Rien ne se fera sans vous", a-t-il assuré aux maires qu'il souhaite placer au cœur de l'acte II de son quinquennat.

 

Opération de séduction devant les maires de France

Emmanuel Macron a ouvert sa maison le 21 novembre 2018 à plus de 2000 maires de France. Objectif, apaiser les rapports difficiles entre l’exécutif et les maires réunis en congrès à Paris. Entre baisse des dotations et suppression de la taxe d’habitation, les élus avaient toute l’occasion d’évoquer les griefs qu’ils nourrissent à l’égard de l’Etat.