Jean-Pierre Gorges, maire de Chartres : "une activité économique et commerciale qui fonctionne est la résultante d'une ville bien organisée"
Ce n’est pas le fruit du hasard si Chartres (Eure-et-Loir), 40.000 habitants, compte aujourd’hui parmi les villes moyennes les plus dynamiques. Piétonisation, nature en ville, politique de logement dynamique, concentration des activités au centre-ville… Jean-Pierre Gorges, le maire depuis 2001 et président de Chartres métropole, partage avec RCL sa stratégie du développement de la ville. Entretien.
Comment s’est organisé le développement de la ville de Chartres ?
Chartres est une ville attractive qui s’est développée autour de sa cathédrale et attire chaque année environ 3 millions de visiteurs. A partir de 2001, l’équipe municipale a capitalisé sur son patrimoine bâti médiéval, 80 hectares de secteur sauvegardé, en le protégeant, dans un premier temps, pour le préserver et le mettre en sécurité car il constitue un atout d’attractivité majeur. Evidemment, nous avons souhaité développer d’autres formes d’attractivité, d’un point de vue économique et urbanistique. Dans notre raisonnement, une activité économique et commerciale qui fonctionne est la résultante d’une ville bien organisée. C’est pourquoi nous avons fait le pari, très tôt, de construire nos équipements publics dans le centre-ville pour donner aux habitants comme aux entreprises l’envie de s’installer à Chartres et d’y rester. Nous y avons installé un cinéma, une médiathèque, un centre aquatique, deux théâtres, un musée, un conservatoire de musique, des équipements qui créent du passage et entretiennent la dynamique du commerce. Ici, nous n’avons pas de problème de dévitalisation de notre centre-ville qui compte 600 commerces et nous affichons un taux de vacance relativement faible, à peine 5%.
Quels ont été les axes de transformation ?
Afin que le centre-ville puisse se développer, il fallait repenser les mobilités. Nous avons commencé par investir dans le stationnement souterrain avec 4000 places disponibles aujourd’hui. Les espaces libérés en surface profitent aux piétons. La ville propose un réseau de bus conséquent ainsi qu’une navette et bientôt, un Bus à haut niveau de service (BHNS) financé par le versement transport, payé par les entreprises de l’agglomération, viendra compléter l’offre en 2025. Nous avons par ailleurs généralisé la « zone 30 » à toute la ville, supprimé les feux, multiplié les sens uniques et élargi les trottoirs pour une meilleure circulation des piétons et des personnes à mobilité réduite. Pour un cadre de vie plus agréable, nous privilégions la nature en ville. De 8000 arbres en 2001, nous sommes passés à 11.000 arbres. La ville compte trois espaces verts de 85 hectares pour une surface totale de 1600 hectares. Nous avons aussi aménagé 12 kilomètres de pistes cyclables.
Et comment faites-vous évoluer l’offre de logements ?
Chaque année depuis 2017 environ 850 logements neufs sont construits dont un tiers environ sont achetés par des ménages en provenance de la région parisienne. Notre ville reste attractive pour les promoteurs immobiliers qui continuent d’investir. D’ailleurs, toutes ces constructions ont fait baisser le ratio de logements sociaux de 38% en 2001 à 27%. Il nous faudra construire environ 1000 logements sociaux supplémentaires pour retrouver un seuil supérieur à 30%. Afin de les financer, nous mettons chaque année en vente 1% de notre parc. La rénovation et la réhabilitation des logements anciens du centre-ville est un autre axe important de notre politique. Nous avons comptabilisé environ 1600 logements vides dans le centre-ville, situés dans les étages au-dessus des commerces. Nous souhaitons réhabiliter et transformer ces espaces inutilisés en logements privés mais aussi en logements sociaux et faire ainsi revenir quelque 5000 personnes dans l’hyper-centre qui participeront au dynamisme du commerce local. Il nous faut pour cela négocier avec les propriétaires de ces logements pour les inciter à opérer les transformations nécessaires. Dans certains cas de bâtiments très dégradés, la ville se porte acquéreur et engage elle-même les travaux. L’expression « avoir une main de fer dans un gant de velours » prend ici tout son sens.
Les règles du ZAN constituent-elles un frein à la construction de logements à Chartres ?
Il est compliqué de construire de nouveaux logements sans consommer d’espace. Toutefois, nous appliquons à Chartres une technique particulière. Quartier après quartier, nous déconstruisons l’ensemble des bâtiments d’habitation construits dans les années 50 à 70, équipés la plupart du temps de parkings extérieurs. Nous les reconstruisons en conservant la même densification, avec des critères modernes de qualité en matière de confort, d’isolation et de chauffage et surtout avec des parkings souterrains. Les espaces libérés sont destinés à l’aménagement d’espaces verts. Quant aux logements, nous négocions avec les promoteurs des surfaces agrandies et mieux adaptées à la pratique du télétravail.
Que vous a apporté votre participation au programme Action cœur de ville ?
Participer à ce programme a été un signal fort pour imposer un certain nombre de projets. Action cœur de ville met en œuvre plusieurs outils pour l’amélioration de l’habitat ancien. Notamment pour faciliter certaines opérations de préemption et assurer une surveillance de l’immobilier dégradé. Par exemple, une opération de restauration immobilière (ORI) est mise en œuvre par la Ville dès lors que les actions incitatives d'amélioration de l'habitat auprès d’un propriétaire se révèlent insuffisantes. Nous en avons déjà lancé une quarantaine. Ces ORI représentent au total plus de 150 logements qui pourront être remis en location dans de bonnes condition de sécurité et de confort. Cependant, nous constatons que de plus en plus d’habitants jouent le jeu avec des opérations personnelles de réhabilitation d’immobilier ou de commerce. Depuis le 1er septembre 2022, le permis de louer est obligatoire pour toute nouvelle mise en location dans l’hypercentre, une manière de lutter contre les marchands de sommeil et de rendre le centre-ville plus attractif. La ville est engagée aussi dans une opération de revitalisation du territoire (ORT) qui va nous aider, en périphérie, sur l’aménagement des zones commerciales et les entrées de ville.
Quelles perspectives pour la ville et la métropole de Chartres ?
Nous allons poursuivre la transformation des tous ces quartiers qui ont été mal construits à partir des années soixante et les rendre plus agréables. En termes d’équipement, la ville compte de nombreux équipements parmi lesquels un hippodrome, un aérodrome, le plus grand complexe aquatique de France. Actuellement, la métropole termine la construction d’un Zénith qui pourra accueillir jusqu’à 3500 personnes pour les spectacles culturels et sportifs. Toujours sous maitrise d’œuvre de Chartes métropole, la construction d’un parc des expositions moderne et de haute qualité technique a débuté en septembre 2022.
Propos recueillis par Blandine Klaas