L'état d'urgence est une réalité que vivent les citoyens français depuis un an. La série d'attentats qui a sévi dans l'Hexagone ces dernières années a amené les villes à adapter leurs mesures de sécurité pour les renforcer. Pour les communes souhaitant maintenir leurs traditionnels grands événements publics, notamment lors des fêtes de fin d'année, des dispositifs humains, techniques et réglementaires supplémentaires sont appliqués avec des surcoûts plus ou moins lourds à absorber.
La succession des attentats en France depuis celui de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 a poussé les pouvoirs publics à davantage s'interroger sur la mise en sécurité du pays. Pilotés par les exigences drastiques des préfectures ou conduits par leurs propres volontés, les villes et leurs élus sont depuis pleinement impliqués et engagés pour contrer le spectre de menaces qui ne cessent de planer. Leur priorité numéro une : mettre en place tous les dispositifs nécessaires à la protection et à la réassurance de leurs citoyens.
Affermissement de la présence humaine
La densification des moyens humains représentés par les forces de police, l'armée, les agents de sécurité et les réserves communales de sécurité civile a été la première initiative instaurée par les municipalités. « Dans la ville, nous disposons de 92 agents de police municipale, mobilisés 7 jours sur 7 en cette période de fin d'année, et avons établi depuis quelques années une convention de coordination avec la police nationale qui conduit à une bonne organisation des services de l'ordre, explique Sébastien Koenig, adjoint au maire chargé de la tranquillité publique au sein de la ville de Metz. Pour tous les événements publics que nous planifions, nous réalisons des réunions de coopération chaque semaine afin que soient mises en place les mesures adéquates pour gonfler la présence humaine de sécurisation aux abords des manifestations ». Depuis la proclamation de l'état d'urgence dans le pays, les communes bénéficient du renfort de l'armée, avec l'envoi d’effectifs militaires, via l'opération Sentinelle, sur tous les grands rassemblements engageant des flux importants de population. Près de 10 000 soldats sont actuellement déployés sur tout le territoire français avec une réserve supplémentaire de 15 000 hommes (12 000 gendarmes et 3 000 policiers) mobilisables à tout moment en cas de risque accru.
Les agents de sécurité privée ont, eux aussi, vu leur nombre croître depuis ces deux dernières années lors des grands événements publics tels que les marchés de Noël, brocantes, rencontres sportives, festivals, ou encore concerts... Le financement de leur recours dépend des organisateurs des manifestations en fonction de leur type, ou reste honoré par les villes qui les accueillent. « Pour nos marchés de Noël, la fédération des commerçants de Metz assume la rémunération des agents de sécurité dans la mesure où c'est elle qui porte ce projet festif, gustatif et artisanal de fin d'année » indique Sébastien Koenig, adjoint au maire au sein de l'agglomération. Des réserves communales de sécurité civile (RCSC) se sont par ailleurs constituées dans de multiples collectivités locales, la fréquence du bénévolat ayant été relancée en janvier 2015 après les attentats de Charlie Hebdo puis plus récemment après ceux de Paris et de Nice. « Elle permet de pallier trois difficultés majeures lors d'une situation de crise : la soudaineté de l’événement, la durée des besoins et l'encadrement des citoyens volontaires qui se présentent spontanément dans un élan de solidarité » expliquait en août passé Jean Honnorat, conseiller municipal en charge des question de sécurité et de défense à Bruguières (31), lors de la création de la réserve communale de sécurité civile de la ville. Ce dispositif n'a nullement vocation à remplacer les services publics de secours et d'urgence, mais offre une solution complémentaire à celles déjà mises en place pour accompagner, chapeauter et maintenir l'ordre lors d’événements de grave ampleur. Tout citoyen majeur volontaire peut le rejoindre en effectuant un acte de candidature auprès du maire de sa collectivité (par courrier ou directement à l'hôtel de ville). Un engagement contractuel est alors conclu pour une durée de 5 ans, le nouveau réserviste étant assigné aux missions les plus adaptées à ses compétences.
Mise en place de moyens techniques de prévention
Malgré la controverse sur le fait que la vidéosurveillance semble démontrer davantage son utilité dans la réalisation d'enquêtes à posteriori de méfaits plutôt que dans la prévention de ceux-ci, elle reste tout de même notablement employée dans les plus grandes villes de l'Hexagone. « Sur 6 des 7 sites sur lesquels sont installés nos marchés de Noël, nous disposons d'un système de vidéosurveillance avec près de 90 caméras à 360°, en qualité numérique. Elles sont reliées à un centre de supervision urbaine doté d'agents vidéo qui surveillent minutieusement chaque recoin des places » précise Sébastien Koenig de Metz. Du côté de Limoges, le déploiement de la vidéosurveillance qui était déjà en route depuis ces dernières années, est désormais en marche forcée. Son développement, qui figurait déjà parmi les promesses de campagne du maire Emile-Roger Lombertie élu en 2014, a trouvé encore davantage de légitimité et de pertinence auprès des administrés depuis les récentes attaques terroristes. Bientôt, la ville possédera pas moins de 77 caméras, essentiellement positionnées dans le centre urbain ainsi qu'aux abords des bâtiments communaux, des écoles, des gymnases et des EHPAD (établissements d'hébergements pour personnes âgées dépendantes). Installées et financées par l'agglomération, elles étaient jusqu'à présent uniquement employées par les policiers municipaux. Une utilisation exclusive interrompue le 23 novembre dernier par la signature d'une convention de partenariat entre Limoges et l’État. Dorénavant, la police nationale a également toute latitude pour s'en servir, comme s'en félicite le capitaine de police en Haute-Vienne Paul Agostini, affirmant que la délinquance sur la voie publique a fléchi de 18 % dans le centre-ville grâce à la vidéosurveillance. Si les cambriolages et les vols dans les voitures ont été les premiers impactés par cette baisse, les vols avec violence et les dégradations ont, pour leur part, attesté d'une légère augmentation.
Autre moyen matériel utilisé par les municipalités pour garantir une meilleure protection de leurs administrés lors des manifestations publiques, la création de dispositifs anti-intrusion. A Creil, pour la 806e Foire aux marrons qui s'est déroulée début novembre et a accueilli 30 000 visiteurs, il n’ était pas question que l’événement emblématique soit annulé comme cela a pu être le cas pour la grande Braderie de Lille par décision préfectorale. La commune a alors misé sur un dispositif de sécurité renforcé avec la mise en place notamment de gros blocs de béton pour empêcher tout véhicule furieux et nuisant de s'immiscer et de gâcher la célébration. Même son de cloche pour Lyon et sa traditionnelle Fête des Lumières de début décembre. La ville a prévu de limiter l’événement en durée (3 jours au lieu de 4), en périmètre (la presqu’île, le Vieux Lyon et le site du Théâtre antique de Fourvière) mais également en accès. Des barrières seront fixées aux entrées et aux sorties, et des contrôles puis filtrages seront effectués par toutes les forces de l'ordre en présence. « L’État s’est mobilisé aux côtés de la ville de Lyon pour que la Fête des Lumières puisse se tenir cette année, explique Michel Delpuech, préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, et préfet du Rhône. La complémentarité entre les différents services permettra de garantir une sécurité renforcée pour cette nouvelle configuration de la Fête des Lumières ». A Nice, les mesures sont quasi identiques, bien que toutefois plus esthétiques. La métropole a fait installer pour ses animations de Noël, place Masséna, une ceinture martiale de 20 blocs de béton qui seront bientôt camouflés par des sapins pour conserver la magie de ce temps de fêtes et cajoler ses habitants meurtris. « Pour notre part, pour sécuriser nos marchés de Noël, nos services techniques se sont évertués à repenser la disposition des petits chalets en bois pour créer le moins d'espaces de passage possibles et, pour les issues tout de même apparentes, ont fait poser des bacs à fleurs et des lests de plus d'une tonne, rapporte Sébastien Koenig de Metz. A côté de cela, comme le périmètre est totalement calfeutré mais que nous devons tout de même prévoir une trouée éventuelle pour les secours en cas d'urgence, nous utilisons un véhicule en guise de porte que nous pouvons déplacer à loisir » poursuit-il.
Modifications temporaires de la réglementation
Pour parfaire leurs dispositifs de sécurité humains et techniques mis en place, et limiter au mieux tout risque potentiel, les villes réalisent simultanément des aménagements réglementaires temporaires dans leurs centres urbains. Creil, par exemple, a totalement interdit le stationnement pendant toute la durée du week-end de sa Foire aux Marrons et a préféré privilégier la piétonnisation de 4h à 23h le dimanche sur plusieurs grands axes, coupant ainsi la circulation routière. Une logique similaire sera adoptée à Lyon pour la Fête des Lumières avec un stationnement automobile réduit au strict minimum sur certaines artères débouchant sur le site et prévoit également de stopper le passage de véhicules dans tout le périmètre pendant les 3 jours de célébration. A Metz, « nous avons pris des mesures réglementaires qui consistent à l'interdiction nette des pétards pour éviter d'affoler la foule et ne pas créer l'illusion d'une bombe qui explose, et nous avons prohibé les livraisons normalement autorisées de 6h à 11h et le soir à partir de 18h sur tout le plateau piétonnier des marchés de Noël, qui n'est par ailleurs accessible qu'aux riverains par un système de bornes télécommandées. Et pour encore davantage de sécurité, nous avons recensé tous les véhicules des exposants et les avons équipé d'un sésame pour entrer, sous la forme d'un macaron qu'ils placent sur leur pare-brise » explique Sébastien Koenig, adjoint au maire chargé de la tranquillité publique au sein de la ville.
A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, les collectivités locales françaises ne faiblissent pas sur les moyens employés pour assurer la sécurité de leurs citoyens. Des dispositifs de rigueur qui engendrent néanmoins un surcoût que les municipalités doivent inscrire dans leur budget. « Celles qui peuvent payer pour satisfaire les consignes de sécurité des préfectures poursuivent leurs célébrations, pour les autres les annulations des manifestations sont inévitables » lance-t-on à la direction de la communication de Rennes. En un an, entre son marché de Noël 2015, sa braderie et sa Foire aux oignons, la facture du Mans s'est élevée à pas moins de 79 700€. A Roanne, où 10.000 visiteurs se presseront à la Foire Froide le 10 décembre, le surcoût a été estimé à 10 000€. Si la ville a d'ores et déjà indiqué qu'elle maintenait l’événement malgré la contrainte financière, elle a toutefois alourdi le tarif municipal d'accès à la Foire pour les forains de 16€ à 21€, prévoyant aussi d'abaisser la note globale de 3 500€. Metz, pour ses marchés de Noël, évalue l'excédant à près de 10 % de plus du coût habituellement assumé. « Il y a les heures supplémentaires des policiers municipaux, l'augmentation du nombre d'agents de sécurité et les interventions inhabituelles des agents des services techniques qui s'appliquent. Nous allons devoir rogner sur d'autres postes de dépenses mais nous n'avons pas le choix » conclut Sébastien Koenig.
Aucune annulation d’événement public à Rennes
Cyrille Morel, conseiller municipal délégué à la sécurité des événements
« Pour les événements effectués sur notre espace public, nous avons fait le choix de ne pas modifier la vie des Rennais avec l'idée que toutes les manifestations devaient être pérennisées. Typiquement, juste après la survenance de l'attentat du 13 novembre 2015 à Paris, nous avonsdécidé de maintenir les Trans Musicales, en plus d'un festival de musique réunissant 7.000 personnes, et d'un autre festival axés sur les bars de la ville, les trois se déroulant en même temps. Nous avions déjà des dispositifs de secours mis en place pour la sûreté mais nous avons en supplément effectué un véritable travail de pédagogie auprès des différents organisateurs des manifestations afin que nous soyons vraiment raccords sur la vigilance et la sécurité. Sur la fouille, la vérification des vêtements et la réalisation de patrouilles de surveillance en amont des événements notamment. Il est vrai que nous étions moins regardants et pressants sur ce genre de consignes auparavant. Par contre, nous ne comptons pas forcément sur la vidéosurveillance qui est, à Rennes, un dispositif de prévention de la délinquance mais qui n'est pas adapté pour nos festivités publiques. En termes de surcoût pour le renforcement de la sécurité, il n' a pas été si démesuré car nous avions déjà établi des mesures importantes de prévention des risques. Par exemple, pour un festival récent, la facture sécurité n'a augmenté que de 4 000€ sur un budget initial de 10 000€ ».
Strasbourg : marché de Noël maintenu au prix d'un dispositif de sécurité ultra rigoureux
Après la mise en échec d'un projet d'attentat terroriste en cette fin novembre à Strasbourg, la ville a pris le parti de maintenir son marché de Noël mais a durci très rigoureusement ses moyens de sécurité. « Il n'existe pas en France un dispositif similaire à celui mis en place à Strasbourg » a déclaré Jean-François Illy, directeur de la sécurité publique (DDSP) du Bas-Rhin lors d'un point presse en présence du maire Roland Ries et des responsables de la sécurité. « Le ministère de l'Intérieur à mis à notre disposition des forces mobiles pour densifier le dispositif et renforcer les patrouilles », a renseigné pour sa part le préfet Stéphane Fratacci. Ainsi, le centre-ville et ses accès seront protégés par 160 policiers municipaux, 150 agents de sécurité, des militaires de l'opération Sentinelle et des renforts en CRS et gardes mobiles. Les forces de police seront, quant à elles, munies de fusils d'assaut. La circulation et l'utilisation des pétards ont été proscrites par la préfecture, et les contrôles d'identité ainsi que les fouilles seront systématiques. Le coût du renforcement de la sécurité a été chiffré à près de 450 000€ par la municipalité.
Liorah Benamou & Shana Levitz
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