Fréquentés par 52 % des Français et vecteurs de proximité, les réseaux sociaux sont désormais investis par les collectivités locales. Comment les collectivités les intègrent-elles à leurs plans de communication ? Et quelles stratégies doivent-elles adopter pour rendre leur présence efficace ?
Facebook, Twitter, Instagram…Les collectivités font des réseaux sociaux leur nouveau terrain de jeu. Qu’il s’agissent des communes, des conseils départementaux ou des conseils régionaux, leur présence est devenue significative et ne cesse d’agrémenter les fils d’actualité des utilisateurs. Sur les 101 villes « préfectures » recensées par le Baromètre Ideose des collectivités territoriales sur les réseaux sociaux, plus de la moitié d’entre elles possédaient, par exemple, une page Facebook en décembre dernier. Une existence digitale naturellement
induite par le contexte numérique actuel (celui du WEB 2.0 basé sur l’interactivité), par la prédominance des réseaux sociaux dans le quotidien des français (ils y passent en moyenne 1h30 chaque jour) et qui est également la résultante des évolutions de la communication locale. Selon le dernier baromètre Epiceum- Harris Interactive de la communication locale, l’utilisation des supports traditionnels de communication (magazine communal, etc.), a en eff et tendance à s’effriter face à une montée en puissance des réseaux sociaux. Même si le journal papier reste le moyen d’information le plus employé (près de 8 français sur 10 déclarent l’utiliser), il s’avère de plus en plus concurrencé par les pages officielles des collectivités sur les réseaux sociaux.
Sur les deux dernières années, l’usage de ces dernières est en croissance de 12 %, précise l’étude.
Dépasser les préjugés
« Le vrai risque aujourd’hui pour les collectivités, c’est de ne pas être présent sur les réseaux sociaux. Votre communication vous échappe et cela peut aller jusqu’à de fausses pages Facebook de villes », affirme Franck Confino, consultant en communication numérique et publique. « Mais aujourd’hui, certaines collectivités n’ont toujours pas compris les bénéfices qu’elles
peuvent tirer de tels outils. Ceci est lié à l’histoire même de la communication publique, qui fonctionne un peu comme une citadelle et qui n’a jamais été confrontée à de tels réseaux », ajoute le formateur. Trop peu sensibilisées aux opportunités offertes par les réseaux sociaux, « les collectivités redoutent encore d’aller sur les réseaux sociaux puisqu’elles ont peur de la transversalité et d’affronter les commentaires des utilisateurs. Mais lorsque cette peur est rationalisée et stratégiquement maîtrisée, les collectivités se rendent compte qu’elles auraient
tort de s’en priver », résume Franck Confino.
Avoir une stratégie
Investir les réseaux sociaux est une chose, « bien » les investir en est une autre. Rien ne sert, en effet, d’être sur les réseaux sociaux pour y être ou pour suivre un effet de mode, comme l’affirme Arnaud Le Menou, directeur de la communication de la ville de Romans-sur-Isère : « La question s’est posée pour Snapchat. Si il n’y a pas d’équipe derrière, il ne faut pas se mett re sur un réseau social dès sa sortie. C’est hors de question ». Pour faire de leur présence sur les réseaux sociaux une présence utile et efficace, les collectivités se doivent donc d’avoir une véritable feuille de route « digitale ». « Elles y vont puisqu’elles ont des objectifs clairs et puisqu’elles savent ce qu’elles vont y faire. L’essentiel c’est d’y aller avec une véritable stratégie. Ou attendre le moment opportun pour les investir, si la collectivité n’est pas encore prête », précise Franck Confino.
Connaître son public
Premier élément à prendre en compte par toutes les collectivités désireuses de se lancer sur les réseaux sociaux : la définition d’une cible. « Il faut être là où sont nos administrés », souligne Th ibaut Lanoy, directeur de cabinet du maire de Saint-André-lez-Lille (Nord). Et le constat du baromètre Epiceum-Harris Interactive de la communication locale sur le sujet est sans appel. Les jeunes sont bel et bien les cibles prioritaires des publications des collectivités sur les réseaux sociaux. Les 25/34 ans constituent notamment le tiers des personnes consultant les pages Facebook de leurs collectivités. La cible clairement définie, les collectivités sont ensuite tenues de proposer un contenu adapté à chaque public. Et ainsi répondre aux attentes formulées par les utilisateurs eux mêmes. Un défi de taille donc puisqu’il « n’y a pas de demande clairement exprimée », affirme Christian de La Guerronière, directeur d’Epiceum.
« Les Français privilégient les usages qu’ils trouvent aujourd’hui sur les réseaux sociaux des collectivités plutôt que ceux qu’ils aimeraient y trouver demain. Ils vont ainsi approuver la diffusion d’informations ou de photos sur les réseaux sociaux, mais seront moins enclins à faire de ces derniers un lieu d’échange avec les élus ». Et d’ajouter que c’est « aux collectivités de prendre les devants pour susciter de nouveaux usages. Aujourd’hui, elles sont peu nombreuses à innover. Mais quand elles le font, cela marche très bien ».
Diversifier ses contenus
Alors, comment toucher un public plus large tout en servant ses propres intérêts? Les collectivités doivent « sortir du réflexe de la republication [des articles du site Internet], et faire des réseaux sociaux un outil conversationnel avec une mécanique communautaire », indique Christian de la Guerronière. Une diversification des contenus d’autant plus nécessaire qu’elle
peut s’avérer bénéfi que pour les citoyens et pour les collectivités elles-mêmes. Les initiatives en la matière ne manquent pourtant pas. Les territoires se concevant de plus en plus comme des marques, l’utilisation des réseaux sociaux est notamment devenue incontournable dans la réussite d’une approche de marketing territorial. C’est le cas de la région Bretagne dont la marque fête aujourd’hui ses 5 ans. Un outil d’att ractivité développé par l’agence de développement économique de la région Bretagne et qui intègre pleinement l’utilisation des réseaux sociaux dans sa stratégie. « Sur Twitter, nous avons près de 10 000 abonnés. Cela nous permet d’avoir un vrai capital sympathie et donc, de promouvoir l’image d’une Bretagne innovante
et dynamique », précise le Pôle Marque de l’organisation. L’usage des réseaux sociaux est également devenu un enjeu démocratique majeur pour les collectivités. Nombreuses
sont celles qui en font l’outil de promotion d’une « e-démocratie ». C’est le cas, par exemple, de la métropole rennaise. Depuis fin 2015, cette dernière a mis en place un dispositif éditorial complet autour des conseils municipaux. Des annonces régulières sur les réseaux sociaux à la retransmission en direct vidéo et en « live tweet » sur Twitter, cette couverture
digitale entend « remettre la parole et l’action publique au centre des débats et assurer l’information la plus complète et la plus accessible qu’il soit », indique Benjamin Teitgen, responsable de l’information à la métropole de Rennes.
Mobiliser des moyens
Qu’une stratégie soit, ou non, clairement définie, les collectivités auront toujours à l’esprit l’épineuse question des moyens nécessaires à l’utilisation des réseaux sociaux. « Penser que Facebook est gratuit c’est se tromper », précise Baptiste Maurel, directeur de la communication au département des Hautes- Pyrénées. « Si vous ne faites pas la promotion [payante, ndlr] de votre message, vous ne touchez que 10 % de vos fans », ajoutet-il. Un service auquel recourt le département de Loire-Atlantique pour ses applications mobiles et notamment celle dédiée au pont de Saint-Nazaire. « Avant le début des vacances scolaires et compte tenu du trafi c dense à venir, nous pouvons décider de mett re 100 euros pour faire la promotion de l’application pendant quinze jours », détaille Clémentine Jolion-Macé, chargée des réseaux sociaux au sein de ce département. Ces sommes « ne dépassant pas l’entendement», comme le précise Clémentine Jolion-Macé, le véritable investissement réside dans l’emploi d’un « community manager ». Devenu un métier à part entière au sein des collectivités, le gestionnaire de communauté est en charge de la publication de l’ensemble des contenus, de la modération des messages ou des échanges avec les utilisateurs. « Tous les acteurs devant être associés »
au projet digital des collectivités, selon Franck Confino, le recrutement d’un community manager est donc indispensable. Il permet également à la collectivité d’adapter son usage des réseaux sociaux aux évolutions du secteur. « Il faut faire de la veille quotidienne, dénicher les petites infos et trouver le ton pour que le message soit le plus impactant possible », précise
Damien Filbien, community manager de la ville d’Arras dans le Pas-de-Calais. Mais existe-t-il réellement une vérité absolue à propos des réseaux sociaux ? Aucune, répond Franck Confino. « Une fois que les collectivités ont pris le train des réseaux sociaux, elles doivent s’autoformer et voir si leurs cibles sont toujours les mêmes ». Une nécessaire adaptation donc, mais qui n’est pas forcément synonyme d’adoption de tous les réseaux sociaux à venir, comme le rappelle Arnaud Le Menou, directeur de la communication à Romanssur-Isère (Drôme) « C’est toujours une question de choix »…
Bastien Scordia