« Nous devons anticiper les futures consommations d’énergie dès aujourd’hui »

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10 juillet 2017

La transition énergétique est en marche. Demain, pour répondre à la demande en énergie dans des villes toujours plus peuplées, ces dernières devront s’adapter. Olivier Monié (directeur de la marque Omexom, Vinci Energies) et Guillaume Garric (directeur du développement de la ville intelligente, Vinci Energies) portent un regard bienveillant sur les collectivités locales et leur capacité à agir pour répondre aux enjeux énergétiques de la ville intelligente.

 

L’énergie est un secteur en pleine mutation. Quels sont les enjeux de la transition énergétique amorcée depuis quelques années déjà ?

Olivier Monié : La transition énergétique est un phénomène mondial de déploiement des énergies renouvelables qui touche progressivement tous les pays et l’Europe en particulier, avec un impact important sur l’ensemble des réseaux électriques.

Guillaume Garric : La ville est au cœur de cette transition énergétique. L’enjeu est important puisqu’aux alentours de 2050, 70 % de la population mondiale vivra en milieu urbain selon de nombreuses études. Nous devons anticiper les futures consommations d’énergie dès aujourd’hui, sachant que non seulement il va nous falloir consommer moins d’énergie, mais aussi produire plus intelligemment et sans doute plus localement.

Quelle est l’importance du digital dans cette mutation du monde de l’énergie ?

OM : Les réseaux de distribution ont été conçus pour acheminer l’électricité de manière descendante, alors qu’ils doivent désormais remonter de l’énergie électrique via le réseau. La digitalisation permet de rendre ces réseaux intelligents pour favoriser ces échanges d’énergie dans les deux sens. La révolution digitale à laquelle nous assistons rend ces réseaux communicants parce que dotés de systèmes de communication et de multiples capteurs qui leur permettent de s’adapter aux différentes situations. La data joue un rôle très important dans cette nouvelle configuration.

GG : Les données collectées nous aideront à réaliser des analyses prédictives ou en temps réel sur les usages de la ville pour mieux les anticiper. Rappelons que des équipements comme l’éclairage public ou les feux tricolores sont de gros consommateurs d’électricité. Sans oublier la mobilité électrique qui constitue également l’un des enjeux majeurs des prochaines années, et plus encore avec le véhicule autonome. Prévoir au sein d’une ville les comportements qui diffèrent au fil de la journée comme au fil de l’année, échanger des données sur la capacité du réseau électrique à produire ou à se délester, c’est là toute la force de ces échanges de données dès lors que nous avons la capacité à les mixer entre elles pour créer de nouvelles offres.

On ne peut parler de transition énergétique sans évoquer les smartgrids ou microgrids. Que vont nous apporter ces solutions ?

OM : Les smartgrids sont des réseaux électriques intelligents. Ils concernent l’ensemble des grands réseaux de transport et de distribution d’électricité. Ils gagnent en intelligence, au fur et à mesure de l’évolution de la réglementation et des apports technologiques. Le smartgrid est un réseau essentiellement communicant et donc optimisé. De ce fait, on va pouvoir l’utiliser au maximum de ses capacités de performance.

Le microgrid opère à une échelle locale. Une grande partie de l’électricité consommée sur ce réseau est produite sur le territoire de ce réseau, par certains des consommateurs qui vont échanger entre eux cette électricité. Il peut exister par exemple au sein d’un hôpital, d’un aéroport ou d’un site industriel, de sites commerciaux, et existera demain sur des réseaux publics. La loi de transition énergétique apporte des changements propices au développement de ces solutions. Par exemple, la possibilité de regrouper des consommateurs qui, grâce aux évolutions technologiques dont font partie les compteurs intelligents, vont pouvoir produire et échanger de l’énergie à un niveau très local.

Qu’en est-il du déploiement de ces solutions ?

OM : Sur les réseaux électriques, les opérateurs font évoluer leurs réseaux au fur et à mesure des avancées technologiques. En France, où le réseau de transport d’électricité est l’un des plus performants au monde, les technologies anciennes sont progressivement remplacées.

Omexom participe à des expérimentations, notamment sur le poste électrique intelligent dont les technologies numériques modernes, en intégrant plus de données, permettent des prévisions et une anticipation encore plus précises, et la visualisation en temps réel de l’état de toutes les installations électriques connectées.

GG : L’évolution très récente de la réglementation ouvre la voie à l’expérimentation. Nos réflexions portent sur l’évolution de la ville, et de ses nouveaux quartiers, pour les accompagner en cohérence avec les nouvelles technologies. En matière de ville intelligente, il ne peut y avoir d’off re standardisée. Les partenaires et grands acteurs du territoire doivent co-construire la solution la meilleure pour la collectivité. Ils doivent essayer de trouver le bon modèle qui permette de satisfaire les enjeux à la fois d’un opérateur de réseau, d’un opérateur de la ville, de la ville elle-même et de ses habitants. Par exemple, la présence d’une rivière nous poussera à proposer une aqualienne ou une roue pour la production d’électricité. À l’inverse, le solaire photovoltaïque est plus adapté sur le site du campus international d’innovation numérique (the Camp) implanté à Aix-en-Provence et où, en plus, grâce à la mise en place d’une blockchain, nous allons permettre aux occupants d’échanger de l’électricité. En parallèle, nous travaillons aussi sur le véhicule to grid. Ou comment transformer le véhicule en fournisseur d’énergie temporaire grâce à sa batterie, qui réinjecte de l’électricité sur le réseau en cas de besoin ou lors d’un pic de puissance !

Quels usages les systèmes énergétiques intelligents vont-ils permettre au sein des collectivités locales ?

GG : Je citerais les économies d’énergie comme étant le premier des usages, car l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas. Il y a encore un gros travail d’accompagnement à faire sur la performance énergétique. Le deuxième usage c’est la capacité à échanger de l’énergie entre des entités qui ne la consomment pas toutes en même temps. Pour finir, le troisième usage sera très impactant pour les villes. Il s’agit du véhicule électrique et des transports, la mobilité au sens large puisqu’aujourd’hui les systèmes de transport très centralisés laissent place de plus en plus à des systèmes multimodaux et multi-usages où une personne pourra effectuer une partie de son trajet en véhicule électrique, puis emprunter un vélo électrique ou prendre un transport en commun électrique. Tous ces systèmes vont pouvoir être optimisés, pas uniquement grâce au réseau électrique, mais aussi grâce à l’intelligence et la réflexion sociologique autour de ces usages. Ce sera possible grâce à la capacité du réseau électrique à ne pas être une infrastructure figée, mais active et toujours en mouvement, capable de s’adapter en temps réel.

On ne peut parler de transition énergétique sans évoquer la question du véhicule électrique et bientôt celle des bus électriques. Qu’en est-il ?

GG : Plusieurs déploiements de bus électriques sont annoncés dans les mois qui viennent, notamment en Île-de- France. L’énergie consommée par le bus doit être vue de façon globale et surtout en qualité de service : à quel moment se charge-t-il ? À quel moment se décharge-t-il ? Différentes technologies existent, sachant qu’un bus nécessite de très grosses batteries. C’est pourquoi nous travaillons sur la conception et la réalisation de systèmes de stockage d’énergie qui permettent aux bus de se charger en point à point. Nous travaillons également sur la récupération de l’énergie de freinage des tramways. Ce dernier est alimenté en temps réel. Il s’alimente d’autant plus qu’il roule vite et qu’il transporte beaucoup de passagers. Nos travaux portent également sur l’optimisation des véhicules qui peuvent aller plus loin en consommant moins.

OM : Les paradigmes sur les réseaux électriques sont en train de changer. Si globalement, la consommation électrique stagne, en revanche la consommation de pointe augmente. La mobilité électrique y est pour quelque chose. Et notamment parce que les gens se déplacent massivement à peu près aux mêmes heures. Rendre les réseaux électriques plus intelligents permettra d’absorber cette demande de pointe particulière. Pour y répondre, il existe d’autres solutions que la technologie, comme des mécanismes de marché à l’instar du pilotage de la demande (ou demand-response) qui a pour objectif de rendre les consommateurs plus interactifs avec le réseau. Ainsi, le demand-response va permettre à certains consommateurs d’énergie électrique qui ont une flexibilité de consommation de la monétiser.

Vinci Énergies a acquis l’année dernière la société SmartGrid Énergie spécialisée sur ce sujet. C’est un véritable opérateur de flexibilité qui assure l’interface entre les consommateurs présentant une certaine flexibilité de consommation et le réseau de transport d’électricité pour passer les moments de surcharge des réseaux.

Quel est le rôle des collectivités locales dans cette mutation du monde énergétique ?

GG : La collectivité est un acteur majeur. Elle apporte une vision politique pour ses habitants, et en conséquence pour la ville. C’est la collectivité qui défi nit la manière dont elle souhaite progresser dans la durée et les critères qui y sont associés. Une vision politique forte est nécessaire. J’estime que la collectivité doit compter parmi les partenaires présents autour de la table, au côté des opérateurs de réseau et des entreprises spécialisées. Ceci afin de construire de façon très pragmatique et agile la solution qui correspond le mieux à ses propres usages. Les collectivités doivent être non seulement acteurs, mais aussi pro-actives dans cette transition énergétique dont elles ont bien compris les enjeux. Elles ont le pouvoir, à l’échelle territoriale, de donner une orientation particulière à la politique énergétique de leur territoire.

Propos recueillis par Blandine Klaas

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