"Notre rôle, vis-à-vis d’une collectivité, consiste à nouer le meilleur partenariat possible."

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31 août 2012

Entretien avec
Pascal EMOND

Directeur Commercial et Développement de COVAGE

BM : Quel est votre rôle dans le schéma d’une mise en place d’un PPP ou d’une DSP pour les collectivités locales ?
Covage :Notre rôle, vis-à-vis d’une collectivité, consiste à nouer le meilleur partenariat possible. Pour cela, il nous faut connaître ses objectifs. Nous savons, que les projets sont menés à leur terme lorsque la collectivité est motivée et qu’elle y consacre les moyens nécessaires.

Les collectivités qui veulent se lancer dans l’aventure du haut débit ou du très haut débit, doivent d'abord en être convaincues ellesmêmes. Elles doivent aussi exiger de leurs partenaires le même sérieux et les mêmes exigences. Une collectivité en dilettante aura face à elle un délégataire en dilettante!

Aujourd’hui sur les Réseaux, nous sommes confrontés à deux problématiques :
- le développement économique : il faut faire en sorte que les entreprises et les services publics aient la ressource Télécom et la ressource Internet en très grande quantité pour faire face aux besoins actuels comme futurs
- les citoyens, les particuliers : ils font désormais de plus en plus pression sur les élus pour se voir garantir un service de qualité.

Il y a 7-8 ans, les élus ont été échaudés par la « fracture de l’ADSL » ; et ils sont tous conscients que celle du Très Haut Débit va être beaucoup plus profonde et arriver beaucoup plus vite. Elle sera donc beaucoup plus douloureuse à gérer, car la demande sera très forte.

Les clients sont aujourd’hui suréquipés avec les ordinateurs ultra puissants, internet est partout à la maison, au bureau, et dans la rue depuis qu’Apple est parvenu à transformer les usages de tous ces gens avec l’iPhone et l’iPad qui n’utilisaient le téléphone mobile que pour la téléphonie et les SMS. Avec l’offre actuelle, il est courant d'utiliser les Smartphones, pour consulter les App's météo, info, messageries ... en vidéo bien sûr !

Evidemment, cette révolution des usages crée un besoin en Haut Débit immédiat sur le territoire. Privé de la bande passante et du niveau débit nécessaire correspondants, le territoire se commue en désert numérique, en territoire en souffrance. Le défi est assez simple à résumer : au cours des 3 à 4 prochaines années, si, avec votre Smartphone, vous n’avez pas accès à tout ce que vous avez l’habitude de consulter, à toute heure et en tout endroit, alors vous pourrez dire que vous êtes dans un territoire qui n’est autre qu’un désert numérique! Au final, quels que soient les autres atouts de ce territoire, on ne pourra y rester que deux ou trois jours. Mais pas question d’y habiter, car on ne peut pas y vivre…

Les élus en sont conscients. D’ailleurs, ils font volontiers le parallèle avec ce qu’ils ont pu vivre avec la carence de l’ADSL, une période assez longue durant laquelle ils ont eu des réunions publiques avec leurs concitoyens et électeurs qui ne comprenaient pas pourquoi eux n’avaient pas ce dont leurs voisins pouvaient bénéficier !

Aujourd’hui, le besoin en Haut Débit et a fortiori en très haut Débit pour satisfaire les usages qui en découlent, est total : il y a en effet plus de 100 millions d’abonnements mobiles en France. Et 1 sur 2 est lié à un Smartphone! Cela signifie que 20 millions de personnes sont potentiellement demandeurs d’un service très haut débit, aujourd’hui peut-être mais sûrement demain.

Au-delà de la fibre optique à la maison ou dans l'entreprise, la 4G est aussi une priorité pour laquelle les opérateurs sont prêts à investir. Dans ce contexte, les collectivités qui n’auront pas la chance d’être sur des territoires bien desservis en très haut débit mobile, devront inévitablement se prendre en main, ouvrir leur porte-monnaie et investir pour se doter de réseaux de collecte en fibre pour irriguer les points hauts.

Partant de cette situation, on arrive vite sur le modèle PPP, DSP ou équivalent. J’ai pris l’exemple de la téléphonie mobile. Mais la même logique s’applique au réseau de cuivre de l’opérateur historique, certes un « vieux » réseau, qui, par construction, plafonne.

Seul détenteur de cette infrastructure cuivre, l’opérateur historique n’hésite pas, pour autant, à tenter de convaincre les collectivités d’investir dans de nouvelles infrastructures de mise à niveau.

Mais c’est engager des collectivités à payer pour un résultat qui répond partiellement à l’objectif. En effet, il existe des technologies très innovantes sur la technologie cuivre, celles nommées VDSL et qui permettent d’assurer de très hauts débits mais pour peu de lignes et à condition qu’elles soient près de la source c’est-à-dire du répartiteur principal. A l’heure actuelle, le VDSL concerne 3 à 4 % des clients principalement en zone urbaine. La montée en débit concerne au moins la moitié des personnes sur un périmètre géographique donné, mais jamais tout le monde.

Nous préconisons que ce soient les collectivités, elles-mêmes déterminées, qui prennent le problème à bras-le-corps. Souvent d’ailleurs elles considèrent qu’il est de leur devoir de consacrer une part importante de leur investissement à l’aménagement numérique Très Haut Débit de leur territoire.

Lorsqu’il est question de projets FTTH à l’échelle d’un département ou d’une région, on atteint vite des investissements colossaux. Des investissements que les opérateurs privés, même les plus importants, ne peuvent supporter en dehors des Zone Très denses. Donc il n’y a plus personne sur les Zones Moyennement Denses, et la question se pose aussi pour les Zones AMII… et, in fine, seule la collectivité peut effectivement prendre le relais.

Nous sommes, depuis des années, les chantres de l’activation des réseaux. Pourquoi ? Parce qu’il est important d’apporter une solution aux opérateurs alternatifs pour développer les services THD pour les entreprises. Il est légitime de prendre du recul sur certains projets FTTH et mettre aussi en avant des solutions passives pour les particuliers. C’est tout à fait cohérent avec une mission de service public lancée par la collectivité.

N’y a-t-il pas une adaptation du discours à faire pour les élus ? Cela consisterait à expliquer que ces services publics sont marchands - ou non marchands - pour accéder au haut débit, parce que les finances publiques locales ne permettent pas toujours de fournir gratuitement ce service en contrepartie des impôts locaux.

Assurément, le service doit être payé par quelqu’un. L’infrastructure doit être financée en majeure partie par la collectivité. Et cela peut passer par un PPP ou une DSP. En réalité, la collectivité doit garantir, après s’en être assurée, que l’infrastructure mise en place est bien adaptée à ce qui doit circuler dessus. Au surplus, les règles de circulation des services sur ce nouveau réseau doivent être parfaitement claires pour chacun des utilisateurs qui emprunte cette infrastructure.

Dans la plupart des cas, le FTTH est une infrastructure passive. Les opérateurs privés les utiliseront pour servir leurs clients. Les plus gros produiront leurs propres services activés. Pour les plus petits FAI, l’activation est nécessaire, voire indispensable. Mais ce n’est pas une condition sine qua none ni une clé du succès d’un réseau d’initiative publique FTTH en fibre optique! Cette activation est du ressort des opérateurs, euxmêmes clients de cette infrastructure. Les collectivités doivent tout faire pour que l’infrastructure soit la plus proche des grands standards et en même temps la moins coûteuse possible en exploitation pour les opérateurs.

Le danger pour la collectivité est de se retrouver hors des prix de marché et de proposer des accès beaucoup trop coûteux. Notre rôle, mais également notre devoir, est de monter les projets qui vont séduire les clients opérateurs. En général, on explique aux élus que leur projet n’a de sens que si le raccordement du client final est parfaitement intégré dans le mécanisme d’études et de déploiement du réseau. L’aménagement du territoire, pour un maire ou un président de Conseil Général ou de Région, c'est de conjuguer la diversité et de faire en sorte que tout foyer ou entreprise où qu’ils soient, ne soient pas discriminés.

Donc pour faire une péréquation, nous étudions l’ensemble du territoire, dans sa globalité.

Le principe est simple : Nous estimons au plus juste le coût de raccordement de chaque foyer et de faire en sorte qu’il ait la fibre dans la pièce principale pour avoir l’internet et la télévision. Notre objectif est donc de faire en sorte que le raccordement du client final ne coûte pas plus de 200 € aux opérateurs qui rechignent à payer plus. Il faut faire en sorte qu’il y ait une politique de raccordement budgetés et mutualisés entre le gestionnaire ou le propriétaire du logement, l’exploitant du réseau et la collectivité à laquelle échoit le calcul de la péréquation. Le tout pour une gestion efficace des demandes basée sur l’équité à l’échelle de son territoire et vis-àvis de tous.

 

BM : La courbe du modèle économique que vous défendez devient-elle « avantageuse » au bout d’une certaine durée ?
Covage : La collectivité fixe le temps de retour sur investissement. Aujourd’hui, les investissements sont tels qu’il faudrait amortir l’infrastructure sur une durée de 30 voire de 40 ans dans le cadre de la Délégation de Service Public. La mission de la collectivité est de financer l’infrastructure physique qui lui revient au terme de la concession sous forme de bien de retour. Le Délégataire assure le lien avec les opérateurs FAI au travers de sociétés capables d’optimiser l’exploitation des réseaux concédés, de les entretenir, et de dégager une marge suffisante pour faire la jonction sur la toujours délicate question du financement, dans des délais acceptables pour les actionnaires.

Nous cultivons la transparence. Cela signifie que lorsque quelque chose vaut 100, nous disons cela vaut 100. Les collectivités ont des moyens. Elles doivent faire des choix. Elles ne peuvent plus investir partout, tout le temps et à tout moment. Nous travaillons avec elles afin de résoudre cette équation financière, pour convaincre les bailleurs de fonds à qui il faut des revenus garantis. Le meilleur moyen de garantir le succès de tels projets sur une infrastructure très haut débit c'est recrutant un nombre suffisant de clients sur ce réseau.

A la question réseau passif, réseau actif, la collectivité qui construit le gymnase ne gère ni l’équipe de basket ni celle de handball qui s'y entraîne. C’est une autre structure qui s’en occupe. Dans le haut débit, c’est pareil. Car si on commence à envisager que la collectivité doive en plus produire ou acheter des matériels, développer des logiciels etc.… on crée alors une machine infernale ! Et on est certain qu’elle ne générera pas de recettes suffisantes. En revanche on est presque sûr d’obérer sa trésorerie et de creuser les budgets.

Pour autant, ces infrastructures doivent permettre de créer toute une filière, d’acteurs nouveaux, innovants. C‘est à eux de travailler leur positionnement, leur métier, leur savoirfaire pour développer les services à valeur ajoutée qui garantiront le succès de l’opération.

BM : Et sur un budget de 100 pour une infrastructure qui vaut 100 quel est le point mort, c’est-à-dire le taux de raccordement qui permet d’atteindre l’équilibre ?
Notre conviction est que dans 15 à 20 ans, ces réseaux-là seront utilisés à 80 %! On crée ainsi une rupture rendue nécessaire et indispensable par les applications quotidiennes qui sont ou seront utilisées par le plus grand nombre. Il y a 4 ans, personne n’utilisait Google Maps ni ne regardait la météo sur son Smartphone. Aujourd’hui c’est monnaie courante et tout ceci a été possible car, en amont, l’infrastructure Très Haut Débit mise en place a pu être construite et absorber la demande croissante de ses clients et abonnés.

 

Propos recueillis par Bernard Marx

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Question :
Un maire, donc OPJ, peut-il l’être en dehors de sa commune ?
Réponses :
Non, il est élu OPJ sur sa commune.
Tous les pouvoirs du Maire en tant que représentant de l'Etat ne lui sont octroyés que sur son territoire.
Non uniquement dans la commune où il est élu maire.

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