Logement social : un bilan prometteur mais qui manque encore de linéarité

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13 juin 2016
Le bilan triennal 2011-2013 de la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU) a été dévoilé en avril dernier. Si deux tiers des communes françaises concernées ont rempli leurs objectifs en termes de logement social, 330 collectivités locales doivent encore fournir des efforts.
 
Véritable cheval de bataille du gouvernement français, la politique du logement social s’est considérablement accélérée et renforcée aux premières lueurs du xxie siècle. Elle possède pour vocation principale d’offrir à tout habitant de l’Hexagone la possibilité de se loger décemment. Si elle repose aujourd’hui sur de nombreuses législations édictées par l’État, les collectivités locales - au même titre que les organismes de logements sociaux - y sont étroitement associées, puisqu’elle s’inscrit en priorité
dans le cadre de la politique de la ville.
 
De la loi SRU de 2000 à la loi ALUR de 2014
Le 13 décembre 2000 a été promulguée la loi nº 2000-1208 relative à la Solidarité et au renouvellement Urbains (SRU), également nommée loi Gayssot. Édifi ée sur les valeurs fondamentales que sont la mixité urbaine et l’offre d’habitat diversifié, son célèbre article 55 impose aux communes de plus de 3 500 habitants (ou de plus de 1 500 administrés pour le cas de l’Îlede- France) comprises dans une agglomération de plus de 50 000 habitants, comprenant au moins une commune de plus de 15 000 administrés, une mise en construction impérative de logements sociaux pour atteindre un quota de 20 %. Des bilans d’étape sont effectués tous les trois ans afin de vérifier la réalisation des objectifs imposés et piloter une stratégie de rattrapage en cas de non conformité. À compter du 1er janvier 2002, les villes rétives qui ne répondaient pas à la réglementation ont commencé à être sanctionnées, selon les termes de la loi, par une action renforcée des préfets, ou ont été condamnées au paiement de pénalités financières. Une amende annuelle, fixée par l’article L.302-7 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), qui correspond à 20 % du potentiel fiscal de la ville par habitant, multiplié par le pourcentage de logements sociaux manquants, avec un plafond fixé à 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune de l’année précédente. La somme n’est pas due si elle se révèle inférieure à 4 000 €. « La politique de logement social du gouvernement n’est pas nouvelle. La loi SRU a eu son prédécesseur avec la loi Chevènement. Elle est contraignante, c’est vrai. Toute chose imposée l’est. Mais elle était nécessaire pour venir aider et accompagner les mal logés. La grande question reste toutefois : si cela ne dépendait pas d’une exigence législative, les maires s’en seraient-ils tout de même souciés ? » s’interroge Fabienne Vicarini, directrice du logement au sein de la ville de Boulogne-Billancourt. « La loi SRU partait d’une bonne volonté mais ses applications ont présenté trop de défaillances lors des 12 dernières années. Un nombre bien trop conséquent de communes passent entre les mailles du filet et se soustraient à leurs obligations en préférant payer directement la taxe annuelle plutôt que de s’engager dans une véritable politique de logement social » constate Marc Béronnet,
spécialiste du logement social. « Avec ces écarts, les difficultés de logements ne se sont pas améliorées et ont même continué à s’accroître. Et ce, en dépit de la mise en place d’un Plan de cohésion sociale en 2004 avec un programme d’urgence en matière de construction de logements locatifs sociaux et malgré même la loi Dalo du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, désignant l’État comme le garant du droit au logement. Par exemple, sur la période triennale 2008-2010, seules 63 % des villes ont rempli leurs objectifs avec 364 communes qui n’ont pas respecté leurs engagements et plus de la moitié qui n’ont pas satisfait 50 % de leurs objectifs de ratt rapage » rajoute-t-il. Fort de ce bilan mitigé de la loi SRU, un axe de la récente et controversée loi ALUR (Accès au logement et un urbanisme rénové) de l’ancienne ministre du Logement Cécile Duflot, est venu renforcer le fameux article 55. Le taux minimal de logements sociaux par ville a ainsi été relevé à 25 % à horizon 2025 pour les communes originellement concernées par le dispositif. Il reste toutefois fixé à 20 % pour les collectivités locales en zones non tendues et pour celles connaissant une forte croissance démographique.
Par ailleurs, les sanctions financières pour les villes en état de carence ont été durcies. Le préfet est désormais en droit, après avis d’une commission départementale constituée à cet effet, de quintupler l’amende attribuée. « Cette loi peut sembler sévère mais elle a été instaurée pour répondre à l’urgence de la situation et enfin inciter les communes à se montrer plus disciplinées. Son effet d’annonce semble avoir fonctionné puisqu’à la lecture de l’encourageant bilan triennal 2011-2013, davantage de villes paraissent être rentrées dans les rangs » observe Marc Béronnet.
 
140 000 logements sociaux construits sur la période 2011-2013
Le bilan triennal 2011-2013 de la loi SRU a été partiellement publié le 19 février dernier, pour être quasiment et définitivement complété en avril. Ses résultats sont positifs et prometteurs pour la prochaine période 2014-2016 à venir. Sur les 1 022 collectivités locales impliquées dans le dispositif, les deux tiers (62 %) ont, à la stupéfaction générale, excédé leurs objectifs de 156 %
en construisant près de 140 000 logements sociaux alors que l’État n’avait prescrit la réalisation que de 90 000 HLM pour rattraper le retard accumulé. La progression enregistrée au fil des
années est engageante. 87 000 logements édifiés entre 2002-2004, 95 000 entre 2005-2007, 130 500 entre 2008- 2010 et 140 000 entre 2011-2013. « Le bilan est bon mais att ention, il reste des non conformités. 38 % des communes, soit 330 au total, n’ont pas rempli leur part du marché » prévient Patrick Fouchard, militant pour l’association Droit au logement (DAL).
 
218 communes ont fait l’objet d’un « arrêté de carence » en 2014
Pour la première fois cette année, le ministère du Logement a publié la liste des bonnets d’âne de la loi SRU, soit les 218 communes ayant fait l’objet d’un « arrêté de carence » pour non respect de la réglementation en 2014. Sur 330 villes n’ayant pas rempli leurs objectifs, 112 n’ont pas été amendées, bénéficiant de souplesse pour la reconnaissance des efforts intentés. La
circulaire décrivant explicitement les villes pointées du doigt a directement été transférée aux différents préfets afin que ces derniers prennent les dispositions nécessaires et exercent leur
droit de préemption. « La taxe annuelle globale n’est pas anodine. Elle a permis à l’État d’engranger 50 M€ en 2014, contre 30 M€ en 2013 » apprend Marc Béronnet, spécialiste du logement social. Depuis la majoration des pénalités financières au 1er janvier 2015, 62 communes ont vu leurs sanctions relevées de 2 à 5 fois. « Saint Maur et Ormesson dans le Val-de-Marne ont respectivement écopé de 3,5 M€ et 900 000 €, tandis que Tourette-Levens dans les Alpes-Maritimes a du assumer 170 000 € » cite, en exemple, Marc Béronnet. Il n’existe concrètement à ce jour aucune dérogation, les villes condamnées ne pouvant se soustraire à l’amende reçue. « L’unique recours existant se fait auprès de la commission nationale SRU, mais il ne peut que porter sur la contestation de la pertinence de l’objectif de logements à construire sur trois ans » explique le spécialiste du logement social. « Il est impossible de se dégager de la
somme à payer » reprend-t-il. Quatre collectivités locales, parmi lesquelles Neuilly-sur-Seine en Île-de-France, ont exercé ce recours, en vain, en 2014.
 
Qui a peur du logement social ?
Si tant de communes se révèlent aujourd’hui aussi peu enclines à mener une véritable politique de logement social, préférant être lourdement amendées, c’est essentiellement par peur d’une dégradation de l’image et de la qualité de vie dans leur ville avec l’arrivée de populations à revenus modestes. « Le sempiternel spectre de la ghettoïsation » souligne Patrick Fouchard du DAL. « La perception du logement social est réellement un état d’esprit que l’on développe par rapport à l’historique de sa ville. À Boulogne-Billancourt, nous avons toujours eu dans notre identité et notre réflexion l’intention d’en faire, parce que nous pouvions en faire et que nous en avions déjà fait avec expérience positive » indique Fabienne Vicarini directrice du logement
au sein de la ville de Boulogne-Billancourt. « Et finalement, cela plait à tous nos administrés, même aux cadres moyens ou aisés. Parce que si le logement social n’est pas pour eux, alors il
sera pour leur nounou, leur jardinier, leur mécanicien. Du coup, nous sommes très bienveillants et engagés par rapport au logement social » rajoute-t-elle. Pour l’heure, les 330 communes françaises en retard sur leur production de logements sociaux vont devoir mettre les bouchées doubles pour se mettre à niveau et ne pas tomber sous le coup d’une loi SRU exigeante et de plus en plus intraitable. Mais les objectifs sont élevés et de nombreuses villes craignent, en dépit de leurs efforts, de ne pas parvenir à les atteindre. « Nous pensions pouvoir arriver
tranquillement à 20 % en 2020, or nous devons désormais atteindre 25 % en 2025. Nous devons construire encore plus alors que nous ne sommes même pas arrivés à la première 
échéance. Les objectifs qui étaient tenables, et largement tenus jusqu’ici, paraissent presque trop ambitieux à présent. Aucune ville ne peut se révéler confiante pour 2025. Il est très difficile d’envisager une programmation réalisable à si long terme » conclut Fabienne Vicarini de Boulogne-Billancourt.
 
Shana Levitz

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Question :
Un maire, donc OPJ, peut-il l’être en dehors de sa commune ?
Réponses :
Non, il est élu OPJ sur sa commune.
Tous les pouvoirs du Maire en tant que représentant de l'Etat ne lui sont octroyés que sur son territoire.
Non uniquement dans la commune où il est élu maire.

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