« Les investissements seront nécessaires pour maintenir la qualité de l’eau »

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01 juin 2017

Pour maintenir en France une bonne qualité de l’eau pour tous et améliorer les services d’eau et d’assainissement dans l’ensemble de leurs dimensions — sanitaire, sociale, environnementale et économique — la fédération des entreprises de l’eau (FP2E) formule ses propositions. Entretien avec Bertrand Camus, son président.  

 

Quels sont les défis à relever pour les prochaines années ?

Parmi les nombreux défis que nous avons identifiés, la question de l’adaptation au changement climatique est un sujet majeur. En effet, nous devrons faire face à des événements climatiques plus marqués. Nous devrons adopter une approche différente du grand cycle de l’eau. Des épisodes tragiques, à l’image de ce qui s’est produit à Cannes, en octobre 2015, montrent que les infrastructures doivent également être adaptées à cette réalité. Il s’agit à la fois de prévention, d’aménagement urbain et de notre capacité à développer des solutions qui tiennent compte aussi des questions économiques. L’innovation a un rôle important à jouer.

Pour répondre à la problématique du stress hydrique, qui sans doute va s’accentuer, des solutions comme la réutilisation des eaux usées, pratiquée aujourd’hui de façon expérimentale comme dans le Morbihan ou dans le Var pour l’arrosage de golfs, constituent des pistes intéressantes, au même titre que la recharge des nappes phréatiques, pour gérer ces problèmes de ressource en eau.

Quant au risque de fracture territoriale, nous considérons qu’il existe des solutions économiquement viables pour y remédier. Il reste encore beaucoup d’endroits, dans le monde rural en particulier, qui rencontrent des problèmes de qualité de l’eau.

La sécurité est un autre défi très important. À la fois sur la question des inondations et celle des actes potentiellement malveillants. Pour y répondre, nous concevons des systèmes, de plus en plus intelligents et pilotés à distance. Cela fait partie des sujets sur lesquels nous allons continuer à travailler.

Quelle action vous semble la plus urgente à mener dans le domaine de l’eau ?

L’assainissement et la gestion des eaux de pluie constituent le parent pauvre du secteur de l’eau, avec un réel déficit d’investissement. Nous constatons à la fois un phénomène de vieillissement des canalisations et un décalage entre ces réseaux et la croissance des villes. Beaucoup de réseaux sont sous-dimensionnés ou peu adaptés. Les collectivités ont lancé des programmes d’investissement massifs pour résoudre ces problèmes. C’est le cas de Bordeaux qui a beaucoup investi dans ses réseaux d’assainissement et dans son schéma de prévention des inondations. De même, Ajaccio a su ces dernières années, mobiliser des fonds européens pour investir dans la construction de bassins de rétention d’eau pluviale ou dans le renouvellement de canalisations. Cependant, le déficit d’infrastructures est flagrant sur une grande partie du territoire. Indirectement, la loi Gemapi reflète ce souci d’avoir, à l’avenir, une vision beaucoup plus globale de la gestion de l’eau. Les réseaux d’assainissement et les réseaux pluviaux n’étant qu’une partie de la chaîne.

La FP2E pointe régulièrement un sous-investissement dans les infrastructures d’eau et d’assainissement. Quelle est la situation ?

Le taux de renouvellement annuel des réseaux en France oscille autour de 0,6 %. À ce rythme, les canalisations devraient être maintenues environ 170 ans, ce qui dépasse leur durée de vie moyenne réelle. Il est important d’investir pour maintenir le bon niveau de qualité de l’eau et de service dont les Français bénéficient aujourd’hui. Nous constatons ce même déficit d’investissement pour l’installation des filières de traitement dans les usines, aussi bien en eau potable qu’en assainissement. Or, cela posera un problème directement lié à la protection de notre environnement. Avec les effets du changement climatique et la baisse des niveaux d’eau en été, nous nous retrouverons face à une concentration des pollutions. Les investissements seront nécessaires pour maintenir la qualité de l’eau d’une manière générale. In fi ne, l’impact du changement climatique va nous obliger à travailler sur ces sujets à la fois pour protéger le milieu naturel, mais aussi pour avoir accès à une ressource de bonne qualité.

Quel danger voyez-vous dans ce manque d’investissement ?

Le manque d’investissement risque d’entraîner une dégradation lente des installations, avec pour conséquences une augmentation des non-conformités et des pertes d’eau sur les réseaux, une dégradation de la qualité du service et des risques pour l’environnement. En cas de crise, nous pourrions nous retrouver dans l’incapacité de faire face à certains événements.

Par ailleurs, la question du stress hydrique risque de s’accentuer dans la mesure où 40 % de la population déclare vouloir vivre sur le littoral à horizon 2050. Il y a de véritables enjeux de ressources en eau sur ces périmètres. La croissance de la population, les changements des modes d’habitat avec l’urbanisation ou encore le changement climatique sont des éléments qui doivent être pris en compte pour apporter aux collectivités des solutions qui soient innovantes et abordables, parce que les moyens dont elles disposent ne sont pas illimités.

Les collectivités locales ont-elles les moyens d’investir dans des solutions quelquefois très coûteuses ?

L’amortissement est en général réalisé pour les investissements passés. En maintenant le tarif de l’eau à son niveau actuel, les collectivités disposent d’une marge de manœuvre pour envisager de nouveaux investissements. Je pense par ailleurs qu’il ne faut pas négliger la question des impayés, un vrai sujet en soi, qui privent les collectivités d’une partie de leurs ressources et leur permettrait d’augmenter le montant des investissements réalisés aujourd’hui. Par ailleurs, nous nous sommes rendu compte que la France n’utilisait pas 100 % des fonds de cohésion européens. Ceci pour des raisons administratives. Sur le dernier programme de 7 ans, c’est à peu près un milliard d’euros qui n’ont pas été utilisés sur les 15 milliards disponibles. Il faut tout mettre en œuvre pour accompagner les collectivités vers l’accès à ces financements. La mobilisation des Régions, auxquelles il revient de solliciter l’attribution de ces derniers, est essentielle.

De quelle manière les entreprises de l’eau peuvent-elles aider les collectivités locales dans la gestion des inondations ?

Nous fournissons les infrastructures de collecte et de stockage, de façon à pouvoir réguler l’apport massif d’eau dans la ville. De nouveaux outils, notamment les systèmes de pilotage intelligent, donnent aux villes la capacité d’utiliser leurs réseaux de façon plus performante, d’anticiper les événements à l’aide de systèmes de modélisation et avec l’appui des données météo. Lorsqu’il pleut dans une agglomération, il ne pleut pas partout, en même temps, ni avec la même intensité. Ainsi, elles contrôlent mieux l’événement et, surtout, optimisent les infrastructures. En parallèle, des réflexions sont menées au niveau urbanistique sur la manière d’adapter la ville. Les problématiques sont de plus en plus complexes à résoudre. On ne se contente plus d’être un simple opérateur du réseau ou d’une station, il faut aussi être capable d’agir en amont et en aval pour s’assurer que l’ensemble est bien maîtrisé.

Où en est-on de la valorisation des eaux usées et des sous-produits d’assainissement ?

Des investissements sont réalisés dans des systèmes de récupération des calories des eaux usées pour chauffer des bâtiments ou des piscines, ce qui permet de réduire considérablement la facture énergétique. Ces systèmes sont encore peu développés pour des questions économiques car, rappelons-le, nous bénéficions en France d’un prix de l’énergie sous-évalué. À partir des boues de station d’épuration, il est possible de produire du biogaz qui peut être injecté dans les réseaux de gaz ou transformé en carburant pour alimenter des flottes de véhicules. Quasiment toutes les grandes collectivités développent de tels projets qui leur apportent des compléments de revenus et permettent de financer le système de l’eau et de l’assainissement.

Quant à la réutilisation des eaux usées traitées, de nombreux champs s’ouvrent, même si en France les alternatives restent encore limitées. Les traitements des stations d’épuration sont de plus en plus sophistiqués, il devient possible de donner une seconde vie à ces effluents de très bonne qualité avant de les rejeter dans le milieu naturel. On peut imaginer, demain, la réutilisation des eaux usées pour les process industriels. Dans certains pays, les eaux grises sont récupérées et utilisées pour l’arrosage du jardin ou le lavage des voitures. Au vu de l’évolution de la ressource, ces alternatives vont prendre de l’importance. D’un point de vue technologique, nous avons la capacité de mesurer la qualité des effluents en continu, ce qui rend les nouveaux usages plus sûrs.

Quelle place tient l’innovation dans le domaine de l’eau ?

Les innovations concernent en premier lieu les usages et l’approche de l’eau dans la ville. Avec le digital, le rôle du citoyen, observateur d’information, évoluera sans doute vers celui d’acteur, ceci grâce aux objets connectés. C’est un sujet que nous devons anticiper. Les technologies d’intervention sans tranchée, le gainage par exemple, sont un autre champ d’innovation lié à la réhabilitation des réseaux.

Enfin, l’ensemble les entreprises de l’eau a beaucoup travaillé sur la création de centres de pilotage, comme celui de Nîmes par exemple, qui font remonter quantité de données sur l’eau envoyées par les milliers de capteurs installés sur les réseaux. De plus en plus, ces données vont permettre de créer de la valeur. Ainsi, grâce au télé-relevé, nous développons des systèmes d’alerte de fuite à l’attention des usagers. Les sociétés d’assurance s’y intéressent et envisagent, pour certaines, de proposer de nouvelles offres avec des primes d’assurance réduites.

Dans un tout autre domaine, des réflexions sont menées sur l’utilisation des matières dissoutes dans les eaux usées : l’azote et le phosphore. Par ailleurs, la production de bioplastiques à partir de ces dernières, a été testée avec succès par un de nos adhérents.

Propos recueillis par Blandine Klaas

 

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