Les élus luttent contre le gaspillage alimentaire

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18 mai 2017

Sur l’ensemble de la chaîne alimentaire, les pertes et gaspillages représentent 10 millions de tonnes de produits alimentaires d’une valeur commerciale de 16 milliards d’euros tous les ans, selon l’Ademe. Des chiffres qui donnent le vertige.    

 

Sur 46 millions de repas distribués dans les 470 lycées d’Île-de-France, on évalue le gaspillage à 7 200 tonnes, soit 18 millions d’euros par an. À Villejuif, en région parisienne, le gaspillage alimentaire en restauration scolaire représente chaque année un montant de 450 000 euros. Un rapport de l’Ademe publié en septembre 2016 après analyse des cantines de 12 collectivités de la région Rhône-Alpes faisait un constat amer : un cinquième des produits achetés par une cantine (17 %) est jeté. La liste est longue.  

« La situation ne peut plus durer », estime Arash Derambarsh, un élu de la ville de Courbevoie, dans les Hauts-de-Seine, qui a milité, avec succès, pour l’adoption d’une loi sur les invendus alimentaires dans la distribution. Dernièrement, il a été missionné par la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, pour la rédaction d’un rapport sur le gaspillage alimentaire dans toutes les entités dépendantes de la région. « En France, environ 10 millions de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année dans les supermarchés, les hôpitaux, les prisons, la restauration collective et scolaire. Il faut changer nos comportements », s’insurge l’élu. Arash Derambarsh a fait de la lutte contre le gaspillage alimentaire son cheval de bataille.  

Certains élus le reconnaissent. Le gaspillage existe parce qu’ils ne savent pas toujours combien d’élèves déjeuneront effectivement à la cantine. Des voix s’élèvent pour dénoncer des normes d’hygiène trop contraignantes. « 10 à 15 % de repas supplémentaires sont confectionnés chaque jour. S’ils ne sont pas consommés, ils seront jetés. Et ce n’est pas tout. Si un plat n’est pas consommé le jour même, vous ne pouvez pas le cuisiner une deuxième fois tellement les normes d’hygiène sont draconiennes, déplore un élu francilien. Avec des normes moins contraignantes, il serait possible de limiter ce genre de pertes sans prendre aucun risque, bien sûr, pour les enfants ».  

Trouver des solutions  

Depuis le 1er septembre 2016, les établissements de restauration collective gérés par les collectivités ont l’obligation de mettre en place une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire. Une disposition prévue par la loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015.  

Les collectivités planchent sur la question et tentent la mise en place d’actions très diverses qui passent notamment par les circuits courts, le respect de la saisonnalité, le goût ou encore une meilleure gestion des repas en interne. Pour limiter le gaspillage, il est nécessaire de travailler sur toute la chaîne de production, de l’achat à la consommation. Ainsi, la Ville de Paris, dans ses recommandations pour la passation des marchés publics recommande un travail sur le gaspillage alimentaire. Les actions de lutte contre ces gaspillages permettront en outre d’atteindre l’objectif zéro déchet en Île-de-France. Une multitude d’initiatives peuvent être prises dès le stade de la commande. Ainsi, de nombreux services de restauration scolaire n’appliquent plus le principe de « table ouverte » et prennent les inscriptions à l’année. Certains recourent à des logiciels d’optimisation des réservations qui permettent d’ajuster au plus près les quantités commandées. La préparation en flux tendu permet de se rapprocher le plus possible des besoins.  

« À Courbevoie, nous avons installé des tables de tri et obligeons les élèves à recycler. Nous avons également mis en place la pratique du doggy bag qui permet aux élèves qui n’auraient pas terminé leur dessert de le conserver pour la récréation ou le goûter. Bien entendu, cela ne s’applique que pour certains fruits et produits secs », affirme l’élu de Courbevoie. La ville d’Ivry a choisi la mise en place d’un double menu. « Lorsque l’enfant fait son propre choix et qu’on ne lui impose pas le menu, il mange ce qu’il a choisi. Nous avons eu de très bons résultats sur le gaspillage alimentaire avec le double menu. Il faudrait également travailler sur les grammages et les portions car il n’est pas normal qu’un enfant de 6 ans et un enfant de 10 ans reçoivent les mêmes quantités de nourriture. En réduisant certaines portions, nous pouvons améliorer nos résultats sur le gaspillage alimentaire. Enfin, installer une table de tri permet non seulement d’atteindre les objectifs sur la collecte des biodéchets, mais les enfants prennent conscience de ce qu’ils jettent. Nous commençons à équiper toutes nos écoles de tables de tri + double menu + prévention, nous avons déjà des résultats », affirme un élu de la ville. Dans le cadre d’une gestion déléguée, les actions se multiplient sous la pression quelquefois des délégataires. « Pour servir des centaines de repas, il faut s’assurer qu’au niveau des matières premières on puisse avoir les volumes nécessaires. Nous travaillons de plus en plus avec les chambres d’agriculture afin de se renseigner sur une région, d’avoir le volume nécessaire en denrées et la bonne saisonnalité. En fonction des informations que la chambre d’agriculture nous fournit, nous proposons à nos clients des menus qui tiennent compte de ces informations », explique Vanessa Pannier, diététicienne et chef de produit chez Elior. Antoine Vernier, du Service Consommation et Prévention et Gaspillage Alimentaire de l’Ademe, considère qu’avoir des moyens humains pour connaître son gaspillage et en parler, c’est se donner les moyens d’une action efficace. Il évoque par ailleurs le matériel utilisé pour la pesée, relativement simple, un équipement au prix dérisoire par rapport aux économies engendrées.  

La sensibilisation des enfants-convives  

La ville de Creil a choisi de sensibiliser les enfants au gaspillage alimentaire en organisant un concours de l’école qui produit le moins de gâchis dans les cantines scolaires. Quinze restaurants ont participé à cette opération. Dans chaque établissement participant, le pain, les laitages et les desserts ont été pesés chaque jour pendant 2 semaines. L’objectif était de réduire le gaspillage de manière significative et que les enfants soient les acteurs de cette initiative. Les grands vainqueurs ont reçu de la société Elior, le prestataire, un babyfoot et un lot de livres d’une valeur de 400 euros. Pour Vanessa Pannier, « il est essentiel de travailler avec les enfants-convives. Il est important de les rendre acteurs de ce qu’il se passe dans leur assiette. Comment faire pour que les enfants mangent ces produits mal-aimés ? Nous travaillons avec eux sur des recettes, des mélanges ou des assaisonnements afin que ces aliments soient mieux consommés. Toutes ces petites actions contribuent à la chasse au gaspi ». Par ailleurs, la loi préconise désormais un travail de sensibilisation auprès des jeunes publics, en intégrant la lutte contre le gaspillage alimentaire au parcours scolaire.  

D’autres, à l’instar de la mairie de Toulouse, font intervenir de grands noms de la restauration pour redonner un peu de goût dans les assiettes.  

L’apport positif des outils numériques  

Selon l’élu de Courbevoie Arash Derambarsh, les outils numériques peuvent aider à limiter le gaspillage alimentaire. « Au Danemark, rapporte-t-il, les élèves connectés reçoivent un message par voie numérique grâce auquel ils peuvent s’inscrire à la cantine. On gère ainsi mieux les stocks ». Vanessa Pannier, diététicienne et chef de produit chez Elior, confirme que le numérique constitue un outil intéressant puisqu’il donne à la collectivité un premier indicateur : « de plus en plus, on peut compter sur les informations délivrées par les parents : mon enfant va manger ou pas aujourd’hui. C’est un indicateur qui permet de ne pas transporter des repas qui sont malgré tout fabriqués et de les redistribuer ». Une application baptisée Bon ‘App a été mise en place par le groupe Elior à la rentrée scolaire 2016. L’appli constitue un plus dans la gestion de la présence de l’enfant : en un clic, il est possible d’inscrire ou désinscrire son enfant de la cantine 2 jours ouvrés à l’avance. « Des villes pilotes testent notre application. En interne, elle permet de répondre à toutes les questions d’hygiène et de traçabilité. Grâce aux applis, on dispose aujourd’hui d’informations sur la provenance d’un produit, sa qualité, etc., des informations qui seront aussi utiles aux parents d’élèves qui seront rassurés sur les produits que vont manger leurs enfants à la cantine ».  

L’après-service peut faire appel à des applications pour quantifier le nombre de repas restants et, en même temps, se mettre en connexion avec les associations caritatives du secteur qui récupéreront les repas non consommés. C’est tout un système qui peut être mis en place pour un coût infime pour le contribuable et qui permettra d’économiser les deux tiers du gaspillage alimentaire dans notre pays, selon Arash Derambarsh.  

« Nul besoin d’être expert pour lutter contre le gaspillage. Ce qui est important, c’est d’avoir conscience de ce gaspillage. Pour cela il faut observer, peser pour savoir à quoi il correspond en volume, d’où il provient, quelles en sont les causes, etc. Ensuite, très naturellement, chacun peut apporter sa contribution », affirme Antoine Vernier. Preuve qu’il est possible d’agir efficacement, la commune de Mont-Sartoux, 11 000 habitants, est parvenue à réduire le gaspillage alimentaire dans ses écoles de 80 %. Les économies engendrées permettent à la municipalité de financer des repas 100 % bio, avec des aspects positifs pour le territoire puisque les agriculteurs locaux en profitent et sont aidés en cela à évoluer. Les parents d’élèves sont eux aussi satisfaits.  

« Il n’y a pas une solution nationale à ce problème. Il faut générer du dialogue, sur la base de constats partagés. Chacun trouvera des solutions naturellement », considère-t-on à l’Ademe.  

Toutefois, la question du gaspillage alimentaire pose un débat plus général : quelle est la place que l’on accorde à la sauvegarde de la nourriture ? Pour limiter le gaspillage, sommes-nous d’accord de prendre le risque qu’il n’y ait pas assez de nourriture ? Aujourd’hui, nous devons faire face à nos contradictions.  

Blandine klaas   

 

 

Un plan de lutte contre le gaspillage alimentaire en Île-de-France

La lutte régionale contre le gaspillage intervient à plusieurs niveaux : sensibilisation et formation des équipes de restauration, modernisation des équipements de gestion de la demi-pension dans les lycées, mais aussi sensibilisation des jeunes eux-mêmes. Actuellement, 40 établissements volontaires sont engagés dans des opérations visant à diminuer la quantité de produits non consommés. Les initiatives sont diverses : le lycée Blaise-Pascal d’Orsay (91) a ainsi mis en place des tables de tri avec une balance intégrée pour que les élèves puissent se rendre compte de ce qu’ils jettent. Au lycée Honoré-de-Balzac, à Paris 17e, une assiette plus petite et de couleur différente est à la disposition de ceux qui le souhaitent afin que chacun adapte sa portion à la taille de son appétit. Autre exemple au lycée Jacques-Feyder d’Épinay-sur-Seine (93), des ateliers cuisine ont été mis en place avec pour objectif de faire aimer les légumes et ainsi éviter que courgettes ou haricots verts ne finissent à la poubelle comme c’est trop souvent le cas.

Par ailleurs, la région a édité en septembre une brochure « Agir sur son territoire » consacrée à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Destinée aux élus et aux agents des collectivités territoriales, celle-ci doit les aider à « mieux identifier les actions qu’ils peuvent mener auprès des consommateurs ou distributeurs, mais également, plus en amont, au stade de la production agricole et de la transformation agro-alimentaire ». Car la lutte contre le gaspillage alimentaire se joue à tous les niveaux, du producteur au plateau. Dans le même esprit, le service prévention des déchets de la région Île-de- France a édité un guide à destination des élus qui synthétise une approche des actions qu’il est possible de mettre en place pour lutter contre le gaspillage alimentaire par domaine de compétence des collectivités. L’idée étant de rappeler que l’on peut effectivement agir sur la restauration scolaire et collective, mais il faut également le faire lors de manifestations sportives, dans le cadre de l’éducation ou des commandes de marchés publics.

 

 

Une table de tri pour lutter contre le gaspillage alimentaire Le conseil départemental de l’Ardèche teste depuis quelques semaines, dans le restaurant du collège le plus important de Privas, un nouvel équipement qui, à terme, devrait permettre de limiter fortement le gaspillage alimentaire. C’est d’une table de tri dont il s’agit, développée en partenariat avec le groupe Precia Molen, installé à Privas et spécialisé dans les instruments de pesage industriel. L’enjeu est de taille. Le département sert 1 300 000 repas par an dans les cantines des collèges. Or chaque élève jette entre 180 et 200 grammes de déchets par repas, soit environ 250 tonnes de détritus par an. Le prototype présenté lors d’une réunion de préparation du budget du département a fait l’unanimité. Cette table affiche le poids de chacune des 3 poubelles, la première étant destinée aux emballages, la deuxième aux déchets alimentaires et la dernière pour le pain. « Probablement faudra-t-il aller plus loin et traiter ces données. Les matériels intégrés dans la table sont communicants, ils peuvent transmettre les informations à des PC ou des tablettes avec les moyens techniques modernes d’aujourd’hui. Ainsi, les élèves pourraient suivre l’évolution au quotidien de la quantité de déchets produite », nous apprend le fabricant. Déjà, le conseil départemental prévoit l’acquisition de 3 nouvelles tables de tri courant 2017.

 

 

Gaspillage alimentaire : l’Ademe accompagne les collectivités locales

Antoine Vernier, Service consommation, prévention et gaspillage alimentaire de l’Ademe

Afin de soutenir les démarches collectives anti-gaspi les plus ambitieuses, l’Ademe a lancé en 2016 l’opération baptisée « mille écoles et collèges contre le gaspillage alimentaire ». Dans le cadre de cet appel à projets, les collectivités devaient être capables d’engager plus de 30 % de leurs établissements scolaires vers un objectif de réduction de 30 % du gaspillage alimentaire d’une année sur l’autre. Ils ont pour cela reçu une aide forfaitaire, 750 euros pour chaque école primaire ou maternelle et 1 500 euros par collège pour la mise en place de leurs actions : achat du matériel d’éducation ou de pesée, sollicitation d’un bureau d’études, etc. Nous avons dépassé notre objectif puisque ce sont finalement 1 100 écoles et collèges qui ont bénéficié du dispositif. L’agence a mis en œuvre un second dispositif concret qui consiste à soutenir l’association Unicités. Cette dernière place des jeunes de 18 à 25 ans qui effectuent leur service civique auprès des collectivités locales. Leur mission consiste à accompagner les équipes de cuisine et les enfants dans la pesée des restes alimentaires, de manière à mettre en place des actions correctives.

 

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