Marie-France Beaufils, présidente du CEPRI et maire de Saint-Pierre-des-Corps : "Le risque d’inondation doit être l’affaire de tous "

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06 octobre 2016

Depuis 10 ans, le Centre Européen de prévention de Risque d'Inondation (CEPRI) accompagne les collectivités territoriales dans leurs réflexions sur le risque d’inondation. Les intempéries du mois de juin 2016, ses causes inattendues et les nombreux dégâts occasionnés, n’ont fait que renforcer l’idée qu’une réflexion nouvelle devait être engagée. 

Quelles sont vos réflexions suite aux inondations qui ont touché de nombreuses communes françaises et occasionné de nombreux de dégâts ?

Les inondations récentes ont eu pour caractéristique principale une forte densité de pluie tombée dans un laps de temps très court, sur des territoires déjà gorgés d’eau. Des expertises seront nécessaires pour savoir si ces réalités avaient été prises en compte dans les plans communaux de sauvegarde réalisés jusqu’à maintenant. A présent, les élus, au premier rang desquels les maires et leurs conseillers municipaux, doivent gérer l’après-crise, d’où le travail de réflexion mené par le CEPRI sur la manière dont nous pouvons les accompagner dans cette démarche. Nos réflexions portent sur de nombreuses questions liées aux inondations, par exemple, la gestion des déchets post-crise qui permet de savoir comment traiter tous ces objets dégradés et non réutilisables dont les particuliers et les entreprises se sont débarrassés.

Elles portent également sur l’aménagement de leur territoire, mais pas seulement en termes d’équipements de protection contre les inondations. Il faut repenser la manière dont on vit dans un lieu où le fleuve ou la mer peuvent être sources de risques et de danger. Au CEPRI, nous pensons que plutôt que de systématiquement vouloir coûte que coûte se protéger des crues, il faut aussi savoir « apprendre à vivre » avec ces phénomènes. Concrètement, cela signifie être capable d’envisager qu’un ouvrage peut rompre ou « sur-verser » car rencontrant un évènement plus important que ce pour quoi il a été initialement conçu. Il faut donc permettre à la population d’en avoir conscience et d’entretenir une culture associée à ce risque. Il faut apprendre à vivre avec ce danger que l’on ne peut pas éliminer, et pouvoir revenir rapidement à la vie après une crise. Nous plaidons pour une réduction de la vulnérabilité. 

Quelle est la mission principale du CEPRI ?

Le Centre accompagne les collectivités territoriales qui sont à la recherche de cette réflexion. Nous discutons actuellement sur la manière de les aider à redonner vie à leurs territoires après la crise. Que faut-il faire ? Quelles sont les actions prioritaires ? Comment reconstruire ? Faut-il reconstruire à l’identique ?

Nous accompagnons dans leurs réflexions certains territoires soumis à risques, qui n’ont pas encore vécu de crise mais qui se placent dans une démarche de prévention. De même, il faut penser à construire autrement en tenant compte des événements survenus. Nous menons par ailleurs un travail en relation avec l’Europe et particulièrement la Commission européenne chargée de ce risque inondation. Cette approche nous permet d’échanger avec d’autres pays qui ont eux aussi leur propre façon de  traiter cette question.

Quels enseignements peut-on d’ores-et-déjà tirer de ces événement qui ont touché plus d’un millier de communes en France ?

Les principaux problèmes sont apparus là où personne ne les attendait.  Ce ne sont ni les ouvrages hydrauliques ni les sols imperméabilisés qui sont en cause mais principalement de tout petits ruisseaux et rivières. Ils ont débordé en raison des pluies diluviennes, mettant en difficulté de nombreux territoires qui pour certains ne disposaient pas de plan de prévention du risque inondation. Personne n’avait envisagé une telle situation.

De nombreuses questions se posent actuellement. Toutes les communes qui ont connu des inondations doivent revisiter leur plan communal de sauvegarde. Les études de danger doivent être remises à jour. Des points de fragilité que l’on n’avait pas estimé à certains endroits ont été constatés. Il va falloir, à l’avenir, mieux prendre en compte la conséquence de ces pluies diluviennes et des eaux de ruissellement; Ce point précis soulève d’ailleurs la question de l’entretien des ruisseaux mais aussi des fossés, des retenues collinaires, des étangs, des bassins de rétention et autres ouvrages hydrauliques.  Les territoires concernés devront réfléchir à la manière de réhabiliter les biens qui ont été fortement dégradés. Nous pouvons aider les collectivités dans la recherche de la meilleure réponse à apporter.

Quelle est la responsabilité des élus en matière de lutte contre les inondations ?

Le maire reste bien effectivement l’interlocuteur principal des populations sinistrées. En cas d’évènements dramatiques c’est lui qui est en « première ligne », dans le cadre principal de ses pouvoirs de police. Il a en charge la sécurité de sa population.

Le maire doit aussi prévenir. C’est son devoir. Depuis la décentralisation, c’est lui qui délivre les permis de construire et prend en responsabilité l’élaboration du plan local d’urbanisme. Il est important que le maire, en particulier, en charge des autorisations d’urbanisme sur sa commune, refuse certains permis de construire en zone inondable, sache proposer des adaptations à certains bâtiments pour les rendre moins vulnérables, réfléchisse à un aménagement durable de son territoire c’est-à-dire, robuste face au risque d’inondation.

Les logements et l’activité économique doivent être les moins vulnérables possibles, s’il y a une crue, pour qu’ils puissent être réutilisés très rapidement après la crue. Une activité économique qui reste fermée trop longtemps aura du mal à redémarrer.

Le maire doit aussi élaborer un plan communal de sauvegarde ; C’est lui qui décide s’il est nécessaire d’évacuer la population et comment l’évacuer. Enfin, il doit mettre en œuvre la communication nécessaire pour que la population soit informée du risque d’inondation et qu’elle se l’approprie.

J’ai développé plusieurs quartiers à Saint-Pierre-des-Corps avec des constructions adaptées au risque inondation. La prévention des inondations, c’est aussi, organiser la gestion de crise par la mise en œuvre de plans communaux de sauvegarde mais aussi inviter les entreprises et les propriétaires de bâtiments publics et les gestionnaires de service public à se doter de plans de continuité d’activité. Tout cela participe à la réduction de la vulnérabilité de tout un territoire. Le risque d’inondation doit vraiment être « l’affaire de tous ».

Les élus sont-ils suffisamment formés et sensibilisés à ces questions ?

On remarque une relative hétérogénéité dans la perception du risque inondation de la part de mes collègues élus. Il y a plusieurs raisons à cela : une accalmie climatique sur beaucoup de territoires, un faux sentiment de sécurité pour les territoires protégés par des digues, une absence de priorité sur ces questions. De fait, un élu confronté dans un passé récent à des inondations prendra à l’avenir plus aisément conscience du phénomène et des impacts négatifs engendrés pour son territoire ;  généralement, cela l’amène ainsi plus facilement vers l’action de prévention.

Les changements d’équipe municipale tous les 6 ans peuvent expliquer la méconnaissance, par certains élus, des risques potentiels.

A cet égard, le CEPRI propose des formations en direction des élus et dans certains cas, en direction des personnels des collectivités territoriales. Nous publions également des guides pratiques sur lesquels les élus peuvent s’appuyer pour approfondir leurs connaissances du risque inondation. Ces ouvrages sont disponibles gratuitement sur le site internet www.cepri.net.

Dans le cadre d’une stratégie locale de gestion du risque inondation, la mise en réseau est une pratique intéressante. Régulièrement, nous mettons en relation tous ceux qui travaillent sur le même thème. Ils peuvent ainsi utiliser l’expérience d’autres territoires sur le leur.

Quel est le périmètre pertinent pour la gestion des inondations ?

Au CEPRI, nous portons cette idée que tous les périmètres et tous les acteurs ont leur importance dans la gestion du risque de l’inondation. Le périmètre communal avec la proximité envers les habitants est intéressant ; l’intercommunalité qui permet la  mutualisation est intéressante. Le département au titre de la solidarité est lui aussi intéressant. Le bassin versant à l’échelle de la réflexion sur l’aléa est pertinent. La mobilisation de toutes ces strates et de tous ces acteurs est importante. Le danger serait de faire croire qu’en ne mobilisant que l’un d’entre eux, il est possible de régler le problème. Tous doivent travailler ensemble.

Nous considérons que les départements, qui ont perdu la compétence générale dans le cadre de la loi NOTRe, ont tout à fait leur place dans la définition de ces politiques publiques. Certains d’entre eux possèdent nombre de rivières, ruisseaux, fleuves. De ce fait, les communes, les intercommunalités petites ou plus importantes ne peuvent seules régler le problème. L’Etat détient lui aussi une vraie responsabilité dans le domaine de la gestion du risque inondation. Il a non seulement la propriété domaniale de nombreux ouvrages de protection et mais aussi la responsabilité des voies navigables de France.

La compétence en matière de protection contre les inondations ne peut être celle d’un seul acteur. C’est donc à l’intelligence des territoires et de leurs élus que nous faisons appel.

Propos recueillis par Blandine klaas

Paroles de maires

RCL
Question :
Un maire, donc OPJ, peut-il l’être en dehors de sa commune ?
Réponses :
Non, il est élu OPJ sur sa commune.
Tous les pouvoirs du Maire en tant que représentant de l'Etat ne lui sont octroyés que sur son territoire.
Non uniquement dans la commune où il est élu maire.

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