Fedairsport organisait avec la ville de Marseille, le 27 janvier 2017, une rencontre autour du financement des équipements sportifs. Devant plus de 150 participants, les professionnels publics et privés, ont partagé leurs expériences autour de spécialistes et permis de dresser un inventaire des meilleures pratiques.
Vous avez un projet de piscine. Vous êtes décideurs. Il vous faut un terrain, de l’argent et une équipe pour gérer le complexe… Rien d’autre ? Précisément, il vous manque les autres. Il est rare aujourd’hui qu’une collectivité territoriale puisse tout entreprendre seule. Comment le faire ensemble ?
« Aucun montage juridique ne rattrapera jamais un mauvais projet ». Ce premier commandement est unanimement partagé. Sophie Pignon, avocate associée du cabinet Bird and Bird est catégorique et conseille aux collectivités la délégation de service public dans la
gestion des installations sportives : « En premier lieu il y a transfert de risque. En second il est préférable que l’accompagnement tant de la collectivité que du prestataire soit très qualitatif et réaliste. » Ce partage des tâches oblige les acteurs publics et privés à dialoguer en permanence. « La collectivité doit contrôler la gestion. Elle est partenaire », insiste Sophie Pignon. « Et elle doit contribuer à la viabilité économique du système ajoute l’expert-comptable Sébastien Franchi. Déléguer ne veut pas dire s’exonérer de la bonne marche économique de l’installation sportive. »
Voir loin
Il n’y a pas de formule miracle. Mais un environnement contraint et un manque de ressources. Les collectivités comptent leurs sous. Les lois successives de décentralisation leur délèguent les responsabilités. L’État n’abonde plus qu’au travers du Centre National du Développement du Sport (CNDS) à hauteur de 20% seulement. Jean-François Guillot, magistrat détaché de la cour des Comptes, l’a dirigé jusqu’en début d’année 2017 : « Beaucoup d’acteurs peuvent cofinancer aujourd’hui. L’Europe pour une part, le CNDS, les grandes régions selon leur volonté. Le paysage est complexe. Il faut frapper aux portes. Et avant cela, apprendre à voir loin ».
« C’est sans doute le plus délicat, explique Philippe Moulia, directeur d’Eiffage Construction pour la région Nord Aquitaine. Il faut prendre le temps d’étudier un projet dans son environnement. C’est ce que nous avons fait pour la commune de Lormont, près de Bordeaux. » Sur quatre hectares de dénivelé, il s’agissait de construire une piscine. « Nous avons réfléchi à la dimension de l’agglomération bordelaise. Nous avons imaginé un premier projet comprenant hôtellerie, commerce, habitat, scolaire. Nous avons, à un moment donné, effacé tous nos croquis et tout recommencé. Nous avions mal posé les questions de flux et d’impact ! » L’erreur sur une planche à dessin ne coûte rien.
Passeport belge
Il faut voir loin aussi. Une piscine vit pendant des dizaines d’années. « En Belgique, la direction des Sports du gouvernement wallon (Infrasports) s’inquiète du vieillissement des piscines, explique la directrice d’Infrasports, Anne Duplat. Nous avons fait l’inventaire. 72%
du parc est vétuste. Puis nous avons obtenu une enveloppe de 110 millions pour les travaux de rénovation. » Infrasports lance alors son plan piscine et avertit les bourgmestres : leur projet de rénovation doit répondre à quatre critères. « Ils doivent réduire la consommation d’énergie, avoir un projet sportif, faciliter l’accès aux personnes à mobilité réduite, diminuer le chlore », énonce Bénédicte Vanderzeypen ingénieur civil architecte, responsable du projet. Entre trente et quarante plans de rénovation devraient être examinés dès le début du mois de mars. Les contraintes partout sont identiques et l’ingéniosité à l’ouvrage.
En Belgique encore, Liège se désole de sa vieille patinoire construite en 1939. La ville se redessine à coup de grands travaux notamment sur un axe Ouest-Est au départ de la nouvelle gare. Un complexe commercial est en construction dans une zone dédiée à l’image et aux médias. « Et pourquoi ne profiterait-on pas de cet environnement pour installer une nouvelle patinoire à cet endroit ? » Neuf ans plus tard, l’installation accueille amateurs et sportifs. Parkings, commerces, enseignes et patinoire condensent une offre où la vie quotidienne, les loisirs et l’aménagement d’une ville font bon ménage. « L’opinion publique a applaudi, insiste le Directeur du Développement Territorial, Didier Henrotin. « Nous ne sommes peut-être pas prêts en France pour des mélanges aussi évidents », commente Paul-Gérard Server, concepteur de la journée d’étude, chef d’entreprise, vice-président de Fedairsport.
Pragmatisme
« Il faut d’abord un projet sportif fort et convaincant ». C’est avec ce principe que l’adjoint au maire de Marseille, Richard Miron avait ouvert les travaux. Le complexe sportif concentre et relie toutes les envies, toutes les ambitions. Pour la ville, c’est l’outil d’une politique de bien-être et de sport associée à des tarifs abordables. Pour le territoire, un site d’aménagement renforce l’attractivité en même temps qu’il pèse par ses budgets de fonctionnement. L’hôtellerie, la restauration, l’emploi, les loisirs y trouvent une nouvelle raison de développement. La complexité de la conception impose d’écouter tous les acteurs et utilisateurs du projet. Les budgets obligent à étudier la rentabilité au quotidien en tenant compte des tarifs les plus bas (scolaire, seniors, locaux) et des opérations de prestiges (privatisation des lieux pour de grands événements, de grandes sociétés). Le pragmatisme prévaut. Il exige la force du public et l’ingéniosité du privé, l’art de l’anticipation et la puissante humilité du collaboratif.
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