Entretien avec Martin GUESPEREAU
Directeur de l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse
Le 10e programme (2013-2018) de notre agence consacre un doublement des aides aux économies d’eau et à la résolution des conflits de l’eau. Avec 200 millions d’euros sur six ans, nous entendons lutter contre les fuites des réseaux d’eau des villes et moderniser l’irrigation agricole
Quelle est la situation de la ressource en eau sur le bassin Rhône-Méditerranée- Corse?
Notre bassin compte 51 % des masses d’eau en bon état, soit un peu plus que la moyenne nationale. Ce résultat reste cependant éloigné des 66 % de l’objectif 2015. Si les collectivités ont remporté une vraie victoire sur la pollution organique grâce aux stations d’épuration remises aux normes - cette pollution a été divisée par dix dans nos rivières sur les vingt dernières années - deux grands facteurs de déclassement pour nos rivières demeurent : les pesticides et la déformation physique des rivières dont les conséquences sont dramatiques pour les crues et les étiages et pour la vie aquatique.
La quantité de la ressource en eau s’impose désormais en haut de l’agenda sur nos bassins du sud. Ce sera le 10e programme (2013-2018) de notre agence qui consacre un doublement des aides aux économies d’eau et à la résolution des conflits de l’eau. Avec 200 millions d’euros sur six ans, nous entendons lutter contre les fuites des réseaux d’eau des villes et moderniser l’irrigation agricole. 40 % de notre territoire souffre déjà de pénurie d’eau l’été, obligeant les préfets à en limiter l’usage. Particuliers, villes, agriculteurs, industrie tout le monde est pénalisé et doit maintenant se mobiliser.
Il est grand temps de travailler au partage de l’eau. Ce partage suppose de faire des économies, des substitutions d’eau. Les solutions existent. Le cas typique en agriculture consiste à passer d’une irrigation gravitaire traditionnelle (inondation du champ) à une irrigation au goutte à goutte. L’économie est fantastique puisque l’on diminue ainsi d’un facteur dix la consommation d’eau.
Du côté des villes, le coup d’envoi a été donné avec un décret de janvier 2012 qui impose, pour la première fois en France, une obligation de rendement donc de limitation des fuites dans les réseaux d’eau. Les chiffres montrent qu’il y a un sous-investissement inquiétant en France sur les réseaux d’eau potable dont certains tronçons tournent à la dentelle.
Quelles sont les actions menées par l’agence de l’eau pour remédier aux problèmes d’eau ?
L’agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse a lancé un appel à projets doté de 10 millions d’euros pour que les villes commencent à faire des travaux de rénovation de leurs réseaux en application du décret. Nous ne voulions pas attendre 2013 et le 10e programme pour commencer à agir. Et, pour la première fois, nous financerons des villes hors zones déficitaires en eau.
La chasse au gaspillage est ouverte
Les collectivités doivent lancer une chasse au gaspillage dans le domaine de l’eau car nous subissons trop de pénuries. Tout le monde est concerné.
Nous encourageons d’ailleurs les bâtiments publics, les organismes de gestion de HLM publics et privés à répondre à l’appel à projets et à proposer des systèmes plus économes en eau. Il peut s’agir de systèmes de récupération d’eau de pluie, d’un travail sur l’arrosage des pelouses, du changement d’essences…
La suppression des pesticides dans les espaces publics
L’Agence de l’eau soutient aussi les collectivités qui s’engagent dans des démarches de réduction ou de suppression de l’usage des pesticides, à hauteur de 50 % des investissements (plan de désherbage, formation, communication, investissement en matériel alternatif à l’usage des pesticides). Sur le bassin versant de la Méditerranée, 450 collectivités sont déjà passées au « zéro pesticide ».
La protection des captages
Si les villes gèrent désormais bien l’approvisionnement en eau, elles doivent maintenant maîtriser la qualité de l’eau pompée dans le milieu. Elles sont encore trop nombreuses à payer des traitements lourds sur charbon actif pour éliminer les pesticides et rendre l’eau potable. Or il serait au moins 2 fois moins cher de ne pas polluer et donc de ne plus traiter.
Les agriculteurs ont entendu le message : fin 2011, nous avons ouvert nos aides, à leur demande, sur 40 nouvelles zones à protéger, ce qui porte le total à 87. Avec ces « mesures agri-environnementales », ils s’engagent à diminuer la pression phytosanitaire dans des zones protégées.
L’accélération du phénomène est très intéressante. Les agriculteurs prennent conscience de la nécessité d’instaurer ces mesures environnementales pour protéger les captages. C’est un tournant nouveau. Les collectivités locales ont un rôle à jouer parce qu’elles peuvent aussi participer à l’aide donnée aux agriculteurs. Certaines se sont lancées dans l’achat de foncier pour pouvoir contrôler les pratiques agricoles ou restaurer des zones humides. A ceci s’ajoute des actions qui permettent de protéger des captages comme l’agriculture biologique, la mise en herbe extensive des champs, les échanges de terres. L’eau n’est ainsi plus polluée, les traitements sont moindres et finalement, l’eau est moins chère.
La restauration des cours d’eau
C’est un sujet crucial. Nous sommes encore dans une phase expérimentale et pionnière. Nous sommes parvenus à restaurer le Vistre, une rivière qui coule aux portes de Nîmes, classée il y a quelques années encore en «très mauvais état». Nos actions ont entraîné une forte réappropriation sociale de cette rivière ainsi que le retour des poissons et des castors.
Nous souhaitons multiplier ce genre d’opérations. Et pour répondre au problème de la crise de financement des collectivités, nous ouvrons une ligne de prêts à taux zéro au profit des opérations de restauration des milieux. Toutes ces actions sont à la portée de toutes les collectivités. Elles permettent d’entrer dans cette culture du partage de l’eau et de la sobriété en eau.
Propos recueillis par Blandine Klaas
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