Maire de la 6ème ville de France confortée dans son deuxième mandat, Présidente de la métropole et depuis septembre dernier, à la tête de l’association des villes France urbaine, Johanna Rolland est l’invitée de RCL. Entre signature du 1er contrat de relance et de transition énergétique, soutiens aux étudiants, aides aux familles précaires pour répondre à l’urgence… rencontre avec la porte-parole du PS pour les prochaines présidentielles.
RCL : Vous avez entamé votre deuxième mandat de maire de la 6ème ville de France en pleine crise sanitaire, dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ?
Mobilisée à 100 % pour protéger et soutenir la population. Il est de notre responsabilité de maire d’être en première ligne pour faire face à cette nouvelle flambée de l’épidémie et à ses conséquences psychologiques, économiques et sociales. Notre rôle est de répondre présents face à l’urgence, en soutenant les populations et en leur redonnant espoir, mais également de préparer l’avenir. Je donnerais deux exemples de mesures concrètes que nous avons pris à Nantes depuis le début de la pandémie : nous avons baissé de 20 % les tarifs des abonnements transports et je viens d’annoncer la gratuité des transports urbains le week-end à compter du 24 avril. Ce sont des mesures fortes de soutien du pouvoir d’achat des habitants, et en ce moment c’est essentiel, et de préservation de l’environnement.
Mais au delà de l’urgence, mon rôle est également de préparer l’avenir. Ce qui implique de transformer à 360° notre modèle car les enjeux économiques et sociaux ont changé depuis la crise sanitaire. Depuis neuf mois maintenant, nous y travaillons sans relâche : au-delà d’avoir agi sur le prix des transports, nous avons ouvert un parking relais de plus de 1000 places, nous développons le co-voiturage et nous nous mobilisons sur les sujets de sécurité du quotidien, en mettant en œuvre une police des transports. Nous avons également instauré la gratuité dans les bibliothèques et enfin nous avons lancé ce joli projet « paysage nourricier ». J’insiste, la responsabilité des maires et des équipes municipales est de répondre à la fois à l’urgence et à la préparation de l’après Covid-19.
RCL : Nantes Métropole et l’Etat viennent de signer le 1er contrat de relance et de transition écologique. C’est une première. Quelles sont vos attentes ? Pour quels projets ?
Il est indispensable que les métropoles se mettent autour de la table pour contribuer à la relance du pays car 70 % de l’investissement provient des collectivités locales. Si l’on veut passer à la concrétisation du plan de relance, nous sommes des partenaires indispensables. D’autant que, et je rappelle, les métropoles et les régions, de par la loi NOTRe, exercent une compétence partagée sur le plan économique. L’Etat a parfois eu tendance à l’oublier.
Nous avons, à l’échelle de France Urbaine, cette association qui regroupe à la fois les intercommunalités et les grandes métropoles, signé un accord de méthode avec l’Etat autour de grands contrats territoriaux de relance et de transition écologique dans une logique de responsabilités réciproques. Car s’il l’on veut la réussite de notre pays, il faut pouvoir y mettre les moyens. Nous avons identifié quelques leviers stratégiques : les transports en commun et les mobilités, les programmes de rénovation énergétique, les logements, les équipements publics mais également la politique de la ville.
A ce titre, France Urbaine a salué le milliard d’euros mobilisés pour soutenir nos quartiers populaires. Il y a urgence aujourd’hui de passer de la théorie à la pratique et de l’intention à la concrétisation, car il se trouve que la moitié des quartiers politique de la ville se trouvent à l’intérieur de nos intercommunalités et de nos métropoles.
RCL : Vous avez pris la tête du réseau France urbaine qui réunit les principales métropoles et agglomérations : quelles impulsions souhaitez-vous apporter ?
France urbaine regroupe des responsables de diverses sensibilités et je suis, en tant que Présidente, la garante de l’expression de cette diversité avec une mission première, celle de porter la voix des villes, dans cette période, où elles sont les laboratoires de solutions. Dans une France, disons le clairement, qui reste très jacobine et très centralisatrice, je crois que nous avons plus que jamais besoin de la voix des villes. D’ailleurs, la crise sanitaire a été, de ce point vue, une forme d’accélérateur et de révélateur de leur rôle. Ma deuxième mission est d’y impulser une dimension de coopération. France Urbaine n’est pas un simple club d’élus, ni même un espace de lobbying, elle est avant tout une association active, et je salue le travail, l’engagement et les compétences de tous ses membres, qui se mobilisent pour monter sur tous les sujets et être force de propositions. Enfin, la troisième priorité que je souhaite donner à mon mandat est prospective. Notre objectif, à France urbaine, est d’inventer la ville de demain dans toutes ses dimensions. : de la logistique urbaine, à l’économie circulaire en passant par le monde post carbone, mais également à la nouvelle relation au travail et à l’emploi ou encore le modèle éducatif. Dans notre pays, on a une fâcheuse tendance à opposer les territoires les uns aux autres, et notamment les villes aux campagnes, je prône avec force l’alliance des territoires.
RCL : Métropoles, agglos et grandes villes sont en première ligne face au Covid-19 et les maires, le premier rempart : quel regard portez-vous, un an après, sur la crise sanitaire ?
A Nantes, nous avions la chance de partir avec de nombreux atouts. Nous sommes une des villes françaises où le taux de chômage est le plus faible ; nous bénéficions d’un dynamisme économique, d’une activité culturelle particulièrement porteuse et nous avons été élus Capitale européenne de l’innovation en 2019. Mais à Nantes comme partout ailleurs, la crise sanitaire produit déjà ses effets. Grâce à la diversité de notre tissu économique, certains secteurs résistent bien mais d’autres comme l’hôtellerie, le tourisme ou encore la culture sont en grandes difficultés.
Sur le plan de la précarité et de la question sociale, nous avons déclenché des mesures très fortes tout au long de la crise, à commencer par le soutien aux familles vulnérables. Dès le premier confinement, nous avons attribué une aide de 100 euros pour chaque enfant issu de familles aux revenus modestes pour pallier la fermeture des cantines. Nous avons également revu les critères de solidarité car désormais, bon nombre de familles issues de la classe moyenne ont basculé dans la précarité, et cela pour la première fois de leur vie. Pour ma ville, j’ai confiance dans la capacité de nos forces sociales, culturelles et économiques pour continuer à aller de l’avant et faire preuve d’optimisme combatif. Mais force est de constater qu’à l’échelle du pays, nous sommes face à des situations extrêmement alarmantes. J’insisterais sur deux choses : d’abord, sur la santé psychologique notamment des jeunes, étudiants, apprentis, en recherche d’emploi. Je crois que le Gouvernement ne mesure pas assez l’impact profond de l’isolement. L’autre phénomène qui monte en flèche et qui m’inquiète très sérieusement est la précarité et la pauvreté qui se sont installées dans notre pays.
RCL : Plus que jamais les villes et les territoires ruraux travaillent dans une logique d’alliance des territoires : c’est par le collectif que l’on réussira à relever les défis sanitaires et environnementaux ?
Il faut sortir des caricatures : on a beaucoup entendu dire que les métropoles sont riches et les territoires ruraux sont pauvres. Or, c’est oublier que les grandes poches de précarité sont à l’intérieur des métropoles. Et en véhiculant ce genre de message, on tend à rendre les habitants des quartiers populaires invisibles à l’échelle de la République. Autant vous dire qu’ils ne se reconnaissent pas dans cette définition des métropoles prospères. Cette opposition permanente est stérile et n’apporte aucune solution. Aujourd’hui, on doit jouer les complémentarités, car quelque soit le sujet, mobilité, lutte contre la pollution, développement économique durable, énergie et alimentation. C’est dans l’interaction que l’on fera bouger les lignes. Sur la métropole nantaise, nous avons pris par exemple, des engagements collectifs sur la restauration pour favoriser le bio et les circuits courts. Car, Nantes comme toutes les grandes villes d’ailleurs, n’a ni la capacité ni la vocation a être, d’un point de vue alimentaire, autosuffisante. C’est en mettant tous les acteurs autour de la table, agriculteurs, éleveurs, producteurs du département, sur un mode de complémentarité et de réciprocité que nous pourrons faire émerger des filières en amont et en aval. C’est ainsi que nous pourrons créer les conditions de la résilience devenue aujourd’hui urgente.
RCL : Vous le disiez, la jeunesse est particulièrement frappée, socialement, économiquement, psychologiquement par la crise sanitaire : quelles sont les actions en place ?
D’abord, on ne peut rester sourd face à la précarité des jeunes. Une chose est sure, il faut aujourd’hui des réponses immédiates et dignes du Gouvernement. Les voir faire la queue des heures devant des associations pour obtenir de quoi manger, n’est pas supportable. Mais il faut aller plus loin. Leur seule perspective n’est pas de recevoir des aides. Il faut créer les conditions d’accès à l’autonomie, en termes de logement, d’emploi, plus largement leur donner les moyens de construire leur vie. Et on peut s’appuyer sur des associations proactives. Enfin, dans cette période trouble, ce qui me frappe c’est ce formidable élan de solidarité. Durant le premier confinement, nous avons ouvert à Nantes une plateforme d’entraide, une interface entre les citoyens qui veulent agir et ceux qui sont dans le besoin. Les jeunes ont été nombreux à se mobiliser. Appuyons nous sur cette forte volonté de citoyenneté.
RCL : Quel(s) message (s) souhaiteriez-vous adresser au Gouvernement ?
J’en retiendrais un seul : le niveau de pauvreté qui s’installe dangereusement dans notre pays. J’insiste, pour la première fois, une partie des Français de classe moyenne basculent dans précarité. Il faut que les pouvoirs publics prennent conscience de l’ampleur du phénomène et agissent vite.
Propos recueillis par Danièle Licata
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