Gérer les biodéchets en restauration

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31 mai 2017

Le secteur de la restauration collective génère quelque 500 000 tonnes de biodéchets chaque année. Leur collecte et leur valorisation sont désormais une priorité de la politique nationale de gestion des déchets.  

 

Une entrée à peine entamée, quelques légumes, un morceau de pain… il reste à la fi n de chaque repas des aliments dans les assiettes des quelque 7 millions d’écoliers, collégiens et lycéens qui fréquentent chaque semaine le restaurant scolaire de leur établissement. Ces déchets alimentaires sont aussi produits en cuisine, au moment de la préparation des repas. On les retrouve dans une moindre mesure dans la zone de distribution des repas. L’un des objectifs de la Loi Grenelle-Environnement 2 de juillet 2010 est le tri à la source et la valorisation des biodéchets pour les « gros producteurs ». Depuis le 1er janvier 2012, ces derniers sont tenus de mettre en place un tri à la source et une valorisation biologique ou, à défaut, une collecte sélective de ces déchets pour en permettre la valorisation, de manière à limiter les émissions de gaz à effet de serre et à favoriser le retour au sol de la matière organique. Depuis le 1er janvier 2016, sont considérés comme gros producteurs les établissements qui produisent chaque année plus de 10 tonnes de biodéchets. De nombreux restaurants scolaires de collèges et lycées entrent dans cette catégorie. En Île-de-France pas moins de 1 500 établissements seraient concernés.

Des déchets particuliers

Les biodéchets présentent la particularité suivante. Ils sont potentiellement générateurs de problèmes sanitaires et de nuisances olfactives. « En effet, les déchets de cuisine et de table sont considérés comme des sous-produits animaux dans la mesure où ils ont pu être en contact, à un moment ou à un autre dans le processus de production ou distribution, avec d’autres plats contenant de la viande ou des produits à base de lait. Il faut donc respecter certains protocoles liés aux risques sanitaires qu’ils représentent potentiellement », rappelle Guillaume Bastide, ingénieur au service prévention et gestion des déchets de l’Ademe. Il estime par ailleurs qu’il y a beaucoup de travail à faire sur le sujet pour encourager ces nouvelles pratiques. Pour assurer la réussite d’une opération, il est essentiel, selon la chaîne de restauration la plus en amont possible, tout comme les convives. Certains établissements ont déjà franchi le pas. Ainsi, Brest métropole a lancé voilà deux ans une expérimentation de collecte de biodéchets dans 13 établissements scolaires gros producteurs entre novembre 2014 et novembre 2015. En un an, 242 tonnes de biodéchets ont ainsi été collectées et valorisées.

Depuis janvier 2016, le lycée Paul- Langevin de la Seyne-sur-Mer (83), qui sert en moyenne le déjeuner à 1 050 élèves quatre jours par semaine, expérimente le système de tri et de broyage des biodéchets mis en place par le groupe Meiko en vue de leur valorisation. Un système aujourd’hui référencé à l’UGAP. « Le principe consiste à positionner les collecteurs là où sont produits les biodéchets, en l’occurrence en légumerie et dans le restaurant au niveau du retour plateau. Les élèves trient les biodéchets qu’ils déposent dans le collecteur prévu à cet effet. Ces derniers sont broyés puis évacués par une pompe vers une cuve de stockage. Tout est automatique sans aucune intervention humaine », explique le président de Meiko France, Olivier Robin. L’étanchéité du système garantit l’absence de risque sanitaire. « Aucune dégradation n’a lieu dans les cuves en raison de l’acidité importante qui garantit la stabilité des biodéchets. Il n’y a pas non plus de nuisance olfactive. Or c’est un problème majeur du stockage en conteneurs. Et pour le personnel, toutes les opérations manuelles n’existent plus. Les déchets sont broyés et stockés sur des périodes assez longues, environ deux mois ». Au lycée Paul-Langevin, seules 6 collectes sont effectuées dans l’année pour l’ensemble des 32 tonnes de biodéchets. « Ce qui coûte cher dans la gestion des biodéchets, c’est la collecte », affirme Olivier Robin. Les opérations de transport sont souvent génératrices de coûts. Meiko y répond en proposant des stockages de longue durée et sur de grosses quantités.

Brigitte Troël, la directrice générale de GECO food service (association d’industriels de la consommation hors domicile), le confirme : « la gestion des biodéchets a un coût. » Il faut les trier puis les stocker. Cela entraîne des frais de main-d’oeuvre et l’achat d’équipements particuliers. Il faut ensuite les collecter et les valoriser. Une prestation le plus souvent confiée à une entreprise spécialisée. « Les producteurs de déchets soumis à la réglementation doivent faire collecter leurs biodéchets séparément. On estime ce coût à environ 325 euros la tonne. Ce n’est pas anodin. Pour réduire la note, mieux vaut en produire le moins possible en limitant le gaspillage, par exemple », confie-t-elle.

D’abord réduire

La réduction des pertes alimentaires peut intervenir à tous les stades du processus de production du service, depuis la commande des matières premières, jusqu’au service en salle, en passant par la gestion des réserves et la préparation des repas. Cela revient en somme à mettre en place des actions de prévention contre le gaspillage. Elles présentent l’avantage non négligeable de faire baisser les coûts du traitement des biodéchets.

« C’est bien de trier les biodéchets, mais c’est encore mieux de les réduire. Des actions de lutte contre le gaspillage alimentaire sont déployées par nos équipes pour bien ajuster la préparation des plats au nombre de convives. Par ailleurs, nous sensibilisons les élèves à travers un certain nombre de concepts que nous avons mis en place », explique Carine Prud’homme, responsable Qualité Achats & Environnement chez Compass Group France, présent sur le secteur de la restauration scolaire à travers sa marque Scolarest. « Concrètement, des pesées des restes alimentaires sont réalisées à des fréquences définies, avec quelquefois un focus particulier sur certains aliments comme le pain. Ceci afin que les élèves visualisent bien ce que le gaspillage représente en termes de volume. Une seconde campagne de mesures généralement effectuée quelques semaines plus tard nous permet de mesurer la prise de conscience de la part des élèves. Nous disposons d’outils qui permettent d’enregistrer et de communiquer les résultats auprès de nos convives ». Bien avant l’application de la réglementation, le groupe initiait déjà auprès des publics scolaires une démarche pédagogique d’accompagnement aux gestes du tri. Les tables de tri accompagnées d’une signalétique adaptée ont été généralisées dans les restaurants scolaires gérés par Scolarest.

L’Ademe a rédigé une synthèse réglementaire (disponible sur le site www.gecofoodservice. com) pour éclairer les professionnels sur le contexte réglementaire relatif à la gestion des biodéchets issus de la restauration. Le document revient sur les principaux éléments réglementaires, les différents modes de gestion des biodéchets et de collecte. Par ailleurs, l’Agence a travaillé avec GECO food service à la réalisation d’un guide de bonnes pratiques pour aider les restaurateurs à gérer leurs biodéchets en accord avec la réglementation sanitaire. « Ce guide dont la sortie est prévue au mois d’avril 2017 est la partie complémentaire de la synthèse réglementaire de l’Ademe. Il apporte les réponses du ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie et du ministère de l’agriculture aux questions des restaurateurs », dévoile Brigitte Troël. De l’arrivée des biodéchets dans le restaurant jusqu’à leur sortie, le guide explique entre autres comment trier les biodéchets, comment les gérer en cuisine, comment les collecter, quelles sont les solutions techniques pour en réduire le volume, comment les composter et dans quelles conditions, etc. Le document consacre un chapitre aux coûts de gestion. Il aborde également la question du gaspillage alimentaire ainsi que les différents modes de valorisation : compostage, méthanisation et don pour l’alimentation animale. Un livre blanc édité par Meiko France et disponible sur un site Internet dédié aux biodéchets se propose d’aider chaque producteur à mieux comprendre les aspects réglementaires et sanitaires afin qu’il puisse faire les choix de filière qui s’imposent. Il est téléchargeable sur le site http://biodechets-restauration. fr.

Les filières de valorisation se mettent en place

Deux solutions majeures s’offrent aux producteurs de biodéchets pour en assurer la valorisation. « En premier lieu, ils ont la possibilité d’opter pour un traitement sur place, avec le compostage de proximité, en bac. Cela implique toutefois un certain nombre de connaissances et de contraintes pour le personnel. Le compostage de proximité doit être encadré, accompagné par des maîtres-composteurs et les collectivités doivent s’impliquer dans l’animation. Ils peuvent aussi faire appel à un prestataire pour la collecte, puis les biodéchets seront dirigés vers une plateforme de compostage ou une unité de méthanisation », selon Guillaume Bastide de l’Ademe. « Nous ne recommandons pas un système de traitement plutôt qu’un autre. Au contraire, nous incitons la collectivité à se renseigner sur les actions déjà en place sur son territoire avant de faire un choix », ajoute Fabienne Muller du Service mobilisation et valorisation des déchets de l’Ademe. Le choix entre le compostage et la méthanisation dépendra du type de déchet — la méthanisation est particulièrement adaptée aux déchets gras, sucrés ou humides — de l’offre de traitement au niveau local et de l’offre des prestataires.

« Avec la loi NOTRe, les élus sont confrontés à la mise en place d’un plan régional de gestion des déchets. La première opération étant d’identifier les gisements avant de définir une stratégie de valorisation et mobiliser les filières. En 2025, les particuliers devront eux aussi trier leurs biodéchets. Les collectivités devront alors fournir à l’ensemble de la population des solutions de collecte et de valorisation. Elles devront collecter des quantités importantes de biodéchets répartis sur le territoire d’une région. Cette opération nécessitera d’adapter un certain nombre d’outils », ajoute Olivier Robin. Il estime par ailleurs qu’à l’échelle d’un territoire, les collectivités ont tout intérêt à créer une synergie sur les choix qu’elles feront en termes de logistique afin de mutualiser les opérations de collecte. Elles devront mettre en place une politique territoriale cohérente afin de réduire les coûts au maximum.

Des filières de valorisation se mettent en place, même s’il est évident qu’elles sont encore en nombre insuffisant. « C’est une sorte de cercle vertueux qui doit se mettre en place. Plus les volumes à traiter seront importants, plus les filières de valorisation suivront », analyse Brigitt e Troël de Geco food service. Pour favoriser leur développement, l’Ademe propose des aides à l’investissement, notamment pour les installations de méthanisation et de compostage. La région Île-de-France compte parmi les mieux dotées avec 5 usines de méthanisation qui peuvent accueillir des biodéchets de type alimentaire et 15 plateformes de compostage. Le maillage est loin d’être aussi complet sur le reste du territoire. Si certains projets se mettent en route, ils ne seront pas opérationnels avant deux ou trois ans. « Les investissements sont lourds pour monter une usine de méthanisation. Ce qui suppose pour les porteurs de projet d’avoir une visibilité sur les gisements. C’est bien là que les producteurs de biodéchets ont un rôle à jouer pour sécuriser les projets », estime Olivier Robin.

Blandine Klaas

 

 

Le Siredom expérimente auprès de 15 restaurants scolaires la collecte et le traitement de biodéchets 

Le Siredom, Agence sud-francilienne pour l’énergie, les déchets et l’environnement, est sur le point de lancer un dispositif expérimental pour collecter et valoriser les biodéchets issus de la restauration collective d’une quinzaine d’établissements du département de l’Essonne (91). L’opération se déroulera sur deux années scolaires. « L’idée est de pouvoir proposer une organisation collective et mutualisée qui permette aux établissements de répondre à la réglementation des gros producteurs des biodéchets », explique Cécile Tissot, directrice de la prévention et des études au Siredom. Toute une série de travaux et de démarches ont été initiés depuis 2014 en vue d’aboutir à la mise en œuvre d’un dispositif pertinent et concerté de valorisation des biodéchets. Dans les collèges et les lycées, des conseillers prévention et tri du Siredom, des agents de l’agglomération, des techniciens de la restauration de la région et l’équipe du département travailleront ensemble. Cinq collèges, cinq lycées et cinq écoles primaires vont ainsi se lancer dans le tri des biodéchets qui sera opéré à la fois par les convives, avec des tables de tri dont les établissements feront l’acquisition, et par les personnels de la restauration en cuisine. La collecte sera confiée à un prestataire privé à travers un marché de prestation de services de collecte et traitement. « Il se chargera également de l’hygiénisation et du lavage des bacs, deux contraintes en matière de collecte des déchets », précise Cécile Tissot. Ces déchets seront acheminés vers des installations de valorisation afin d’être transformés en compost ou biogaz. Ce sont près de 150 tonnes de biodéchets par an qui seront potentiellement détournées des ordures ménagères et valorisées. Cette expérimentation fera l’objet d’un suivi et d’une analyse par le Siredom afin d’en tirer les enseignements et d’envisager l’extension du dispositif à d’autres établissements du territoire du syndicat.  

 

 

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